Kerry delays
Le ton monte entre Russes et Américains qui s'accusent mutuellement de non respect des clauses du cessez-le-feu instauré par eux en Syrie mais régulièrement violé sur le terrain. Pour Washington, ce sont les forces gouvernementales syriennes qui avec l'appui aérien russe violent le cessez-le-feu, alors que Moscou en rend responsable l'organisation terroriste le Front El Nosra mais aussi la prétendue opposition modérée qui quoique partie prenante à la trêve conclue partage avec elle ses positions sur le terrain.

Les Américains qui sont parfaitement au courant de la connivence qu'entretiennent les groupes armés qu'ils soutiennent avec le Front El Nosra non inclus dans les accords de cessez-le-feu, ne leur ont aucunement intimé de se démarquer de cette organisation qui s'attaque aux positions des forces du régime, ce qu'elles ne peuvent subir sans réagir. Mieux encore, ils ont prétexté de ce partage des positions entre rébellion « modérée » et El Nosra pour demander le plus officiellement aux Russes de ne pas procéder au bombardement des positions de celle-ci. Une demande qui démontre que Washington qui admet la nature terroriste de cette organisation ne la considère pas moins comme un allié pour la réalisation de l'objectif américain en Syrie qui est la chute du régime.

De la part des Américains, le cessez-le-feu négocié avec les Russes n'est à respecter scrupuleusement que par les forces du régime, même quand profitant de la couverture que lui offre l'imbrication de ses forces avec celle de la rébellion « modérée » c'est El Nosra qui est à la pointe des offensives et attaques contre elles.

En fait, les stratèges américains n'ont consenti à parrainer un cessez-le-feu en Syrie qu'avec le calcul qu'il leur procurerait les conditions d'un renforcement des capacités militaires de l'opposition armée au régime fût-ce le Front El Nosra en qui ils voient plus un groupe djihadiste faisant du « bon boulot » en Syrie contre le régime, selon la cynique appréciation de l'ancien ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius, qu'une organisation terroriste à éradiquer au même titre que l'Etat islamique contre laquelle l'Amérique est prétendument en guerre.

Les Russes ne sont pas dupes des intentions américaines et n'ont été nullement impressionnés par le haussement du ton par Washington. Ils menacent au contraire d'intensifier leur soutien militaire aux forces du régime en faisant valoir que cela ne constitue pas une violation du cessez-le-feu car destiné à contrer les velléités du Front El Nosra de reprendre des positions reprises sur ses combattants. L'attitude plus qu'ambiguë des Américains à l'égard d'El Nosra est le signe en fait que Washington cherche à réaliser ce fameux « plan B » dont John Kerry a fait état alors même qu'il négociait le cessez-le-feu avec son homologue russe Sergueï Lavrov et dont les contours ont été révélés dans le fameux rapport des cinquante diplomates « dissidents » du secrétariat d'Etat américain, lesquels préconisent ni plus ni moins qu'une entrée en guerre ouverte contre le régime de Damas, avec le risque apparemment admis et accepté d'une confrontation militaire directe entre Américains et Russes.

Cette aventureuse option n'est pas à considérer à la légère car pour la Maison Blanche et ceux qui la poussent à l'adopter elle peut avoir un impact positif pour la campagne électorale de la candidate démocrate à l'élection présidentielle américaine. Ce qui est possible mais terriblement menaçant pour la paix mondiale.