Washington a attribué lundi le premier permis de forage dans le Golfe du Mexique depuis l'explosion de la plateforme Deepwater Horizon, en avril dernier. La concession qui en a bénéficié est à 46,5% détenue par BP.

Après la traumatisante marée noire dans le Golfe du Mexique en avril dernier - la plus importante de l'histoire des Etats-Unis - et les multiples tragédies qui en ont découlé, la Maison Blanche voulait poser des limites aux forages pétroliers en eaux profondes. Fin 2010, Barack Obama s'était ainsi prononcé pour un moratoire de sept ans sur les nouveaux forages dans un rayon de cent vingt-cinq miles autour des côtes floridiennes, invoquant à juste titre les nombreuses failles de sécurité mises en avant par la Commission d'enquête indépendante.

Contrainte de composer avec une opposition républicaine revigorée, les pressions continues des lobbies pétroliers et des intérêts économiques considérables, la Maison Blanche a néanmoins dû se résoudre à mettre de l'eau dans son vin. Les défenseurs de l'environnement avaient des raisons d'espérer mais les forages vont finalement reprendre le long des côtes de Louisiane. Evoquée depuis plusieurs semaines, cette décision est maintenant officielle avec la remise de la première licence d'exploitation à la société pétrolière Noble Energy.

De nouveaux permis seront délivrés dans les semaines et les mois à venir

Ce groupe américain avait obtenu l'an passé l'autorisation du Bureau de gestion et de réglementation des ressources énergétiques des océans (BOEM) de creuser un puits dans le bloc 519 du gisement « Mississippi Canyon », à 110 kilomètres au sud des côtes louisianaises. Noble Energy avait d'ailleurs commencé les forages dudit puits le 16 avril 2010, soit quatre jours avant l'explosion de la plateforme Deepwater Horizon dans le bloc 252 de ce même gisement. Le groupe avait suspendu ses activités sur place courant juin. L'agrément du BOEM est néanmoins synonyme de reprise des activités pour Noble Energy, qui aurait présenté toutes les garanties nécessaires.

« Le permis a été délivré pour une raison simple : l'opérateur a démontré avec succès qu'il pouvait forer ses puits en eaux profondes et qu'il était capable de contenir une explosion sous-marine si elle devait intervenir », a en effet commenté le directeur du BOEM Michael Bromwich, qui a également précisé que l'organisme prévoit d'accorder « de nouveaux permis en eaux profondes dans les semaines et mois à venir, en se basant sur le même processus qui a conduit à la délivrance de ce permis ». Officiellement en conformité avec les nouvelles règles de sécurité imposées après la marée noire, les responsables de Noble Energy peuvent sabrer le champagne, d'autant que l'entreprise est la première à s'être vu attribuer l'aval de l'instance habilitée pour des forages en eaux profondes.

Realpolitik énergétique

Sauf que la concession en question n'est pas la propriété exclusive de Noble Energy. Elle est en effet détenue à 46,5%, par... BP, qui fait l'objet d'une plainte de l'administration américaine. Une information capitale mais à laquelle le communiqué de presse du BOEM ne fait curieusement pas allusion.

Ce yo-yo permanent entre volonté politique et realpolitik ne manquera probablement pas d'exaspérer les populations du golfe du Mexique. M. Bromwich avait expliqué le 11 février dernier qu'aucun système convenable n'avait encore été proposé pour contrer les éventuelles futures marées noires en haute mer. Moins d'un mois plus tard, Noble Energy est donc « capable de contenir une explosion sous-marine si elle devait intervenir ». Le directeur du BOEM avait aussi déclaré qu'autoriser de nouveau les forages en haute mer serait « simplement irresponsable »... pour annoncer maintenant que seront accordés « de nouveaux permis en eaux profondes dans les semaines et mois à venir ».

Bien que l'état de santé de l'écosystème du Golfe du Mexique demeure particulièrement inquiétant, il semble que les décideurs refusent toujours une application stricte du principe de précaution. Il est décidément des enseignements que certains, en l'occurrence les plus puissants, se refusent à tirer.