Traduction : Dominique Muselet

La partie ouest de la ville d'Alep est toujours restée sous contrôle du gouvernement syrien. Elle abrite environ 1,5 millions d'habitants. Depuis deux semaines, elle est en grand danger de tomber aux mains des djihadistes.
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Alep tel que décrit par les médias "occidentaux"
La fourniture d'armes, de munitions et de renseignements par les Etats-Unis et les états du Golfe, a permis à plus de 10 000 djihadistes radicaux, dirigés par al-Qaïda en Syrie, d'attaquer la ville d'Alep. Au bout de quelques jours, ils ont réussi à briser la défense sud-est et à créer un petit couloir vers Alep est. La zone est assiégée par les forces gouvernementales et sous contrôle djihadiste.

Plusieurs autres grandes attaques ont suivi et elles se sont révélées difficiles à repousser. Les forces gouvernementales sont composées d'un mélange d'unités de défense locales et d'auxiliaires en provenance d'Afghanistan et de l'Irak. Leurs défenses semblaient peu préparées à l'assaut de véhicules-suicides suivis d'attaques massives d'infanterie. Le moral était bas et il n'y avait pas une bonne coordination des positions.

Le gouvernement syrien et ses alliés ne pouvaient pas utiliser d'hélicoptères pour soutenir la défense à cause des MANPAD nouvellement fournis aux djihadistes qui mettaient en danger les appareils qui volent lentement en basse altitude.

Pour stopper les attaques et préparer la contre-offensive, il a fallu utiliser de précieuses réserves. Les forces d'élite du Hezbollah libanais et la brigade Tigre de l'armée syrienne ont été jetées dans la bataille. Elles ont réussi à contenir les attaques djihadistes jusqu'à présent, mais elles n'ont pas assez de puissance pour vraiment faire la différence.

Les Russes disaient depuis avril qu'une large offensive djihadiste se préparait, mais ils n'ont rien voulu faire tant qu'ils négociaient avec l'administration américaine. Hélas la volonté des Etats-Unis de négocier était en grande partie une feinte destinée à gagner du temps pour permettre l'attaque actuelle.

La campagne militaire djihadiste a pour objectif d'occuper toute la ville d'Alep. Elle porte le nom d'un homme qui, en 1979, a assassiné un groupe de jeunes appartenant à une minorité religieuse. Si les djihadistes réussissent à prendre Alep, des milliers de civils seront probablement tués. Cela n'affecterait pas seulement des minorités. Alep est une ville sunnite et la guerre est, contrairement à ce que prétend la propagande "occidentale", non pas entre les minorités religieuses et la population sunnite majoritaire, mais entre des sectes sunnites radicales et leurs frères de la tradition majoritaire.

Il y a environ deux semaines, l'armée russe a ouvertement préparé une réponse appropriée. Les Russes ont envoyé leur avion espion le plus moderne, un Tu 214R, en Syrie pour recueillir des informations de ciblage. Cela en plus des deux avions de reconnaissance Il-20M déjà déployés là-bas. Ils ont préparé des manœuvres de la marine le long de la côte syrienne, ainsi que dans la mer Caspienne. Ils se sont mis d'accord avec l'Iran sur des mesures de soutien.

Au moins sept navires russes, tous capables de lancer des missiles de croisière Kalibr, ont été positionnés à l'Est de la Méditerranée et en mer Caspienne. Hier, des bombardiers stratégiques de longue portée Tu-22M3 et des bombardiers tactiques Su-34 ont été envoyés sur la base aérienne d'Hamedan en Iran. Le trajet entre Hamedan et la Syrie est 60% plus court que de Russie. Les avions seront donc capables d'intervenir plus souvent en emportant une charge plus importante. L'Irak a accordé des droits de survol. Cette coopération ouverte, annoncée publiquement en diffusant des photos de la base iranienne, envoie un message fort à la « communauté internationale » des soutiens des djihadistes. La Chine en a rajouté en annonçant l'intensification de sa coopération avec l'armée syrienne.

Aujourd'hui, une campagne de bombardement de grande envergure contre tout le soutien, l'approvisionnement et la réserve d'actifs des djihadistes qui attaquent Alep a été lancée. Tous les principaux points de communication, les quartiers généraux, les dépôts et les zones d'assemblage situés entre Alep et la frontière turque à l'ouest de la ville seront bombardés. Toutes les cibles fixes identifiées seront attaquées, probablement plusieurs fois, et détruites. Puis les convois mobiles et d'autres cibles appropriées seront bombardés. La campagne se poursuivra pendant plusieurs jours.

Ces attaques à grande échelle à l'arrière des forces assaillantes n'ont pas une influence immédiate sur les lignes de front. Il faut s'attendre à de nouvelles attaques djihadistes sur la ville d'Alep pour détourner l'attention de la destruction de leurs forces à l'arrière. Mais dans quelques jours les premières lignes auront épuisé leurs provisions et elles ne pourront plus être ravitaillées. L'attaque générale sur Alep s'éteindra.

Tout cela ne fera que stabiliser la situation en Syrie. Le gouvernement syrien n'a pas actuellement la capacité de reprendre et de sécuriser la grande région entre Alep, Idlib et la frontière turque. D'autres évolutions de la situation stratégique seront nécessaires pour que les choses prennent un tour décisif.

Mais l'attaque sur Alep qui va probablement échouer, aura absorbé une grande quantité du matériel et du personnel que les djihadistes soutenus par les Américains et leurs alliés sont en mesure de déployer. Le centre de gravité de la guerre va probablement se déplacer ailleurs, dans un autre lieu qu'Alep.

Tout cela dépendra, bien sûr, des hasards de la guerre et de toutes sortes d'autres impondérables.