Des milliers de Yéménites ont manifesté avec défi, mercredi, sur une place publique de la capitale, au lendemain de la prise d'assaut de l'université de Sanaa par l'armée, une intervention qui a fait un mort et des dizaines de blessés.

Le raid des soldats à l'université a accru les tensions dans le pays, où des milliers de personnes manifestent depuis des semaines pour exiger le départ du président Ali Abdallah Saleh, au pouvoir depuis 32 ans.

Abdullah Al-Jeifi, un manifestant âgé de 24 ans, est mort lors de l'intervention de mardi, et plusieurs autres manifestants blessés sont dans un état critique, a indiqué Mohammed Al-Abahi, un médecin volontaire sur le campus de l'université de Sanaa.

Outrés par le raid du gouvernement, d'autres manifestants sont arrivés en renfort mercredi sur le campus de l'université. Un groupe de jeunes manifestants a fait circuler une « liste noire » contenant les noms de 13 personnes qui sont, selon eux, responsables des violences contre les manifestants pacifiques.

Sur la liste figure notamment le fils du président Saleh, qui dirige la garde républicaine, le ministre de l'Intérieur et d'autres hauts responsables de la sécurité. Les auteurs de la déclaration promettent une revanche contre ces responsables qualifiés de « criminels » et jurent de poursuivre leur mouvement jusqu'au renversement du régime.

Des milliers de personnes ont également manifesté dans la ville portuaire d'Aden et dans la province d'Ibb.

Des groupes de défense des droits de la personne, de même que les États-Unis, ont critiqué mercredi la répression contre les manifestants yéménites. « Nous exhortons le gouvernement du Yémen à enquêter [sur les événements] et à tenir responsables ceux qui semblent avoir utilisé une force excessive », a déclaré le porte-parole du département d'État, Mark Toner, à Washington.

Amnistie internationale a appelé les autorités yéménites à cesser d'employer des tactiques aux effets mortels contre les manifestants. « Les gens devraient être autorisés à se rassembler et à manifester pacifiquement », a dit Philip Luther, responsable de l'organisation pour la région du Moyen-Orient.

Human Rights Watch a diffusé un rapport affirmant que les forces de sécurité yéménites ont tué au moins neuf personnes et en ont blessé 150 autres, dont des enfants, lors des manifestations pacifiques du mois dernier à Aden. « Tirer dans la foule n'est pas une manière de répondre à des manifestations pacifiques », a déclaré Joe Stork, directeur adjoint de l'organisation pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord.

Le ministre yéménite de l'Intérieur, le général Mouthar Al-Masri, a déclaré mercredi à des journalistes que des tirs provenant du toit d'un immeuble situé près de l'université avaient déclenché les affrontements.

Les étudiants de l'université de Sanaa campent sur le terrain de leur établissement depuis la mi-février, peu après le début des manifestations antigouvernementales au Yémen. L'armée a pris le campus d'assaut mardi, tirant des balles réelles, des balles de caoutchouc et des gaz lacrymogènes. Environ 90 manifestants ont été blessés. « Cette agression est un indice que le régime s'effondre et qu'il ne peut tenir face à la révolution des jeunes », a dit Mohammad Qahtan, un porte-parole de l'opposition.