Erdogan
© ReutersLe président turc Recep Tayyip Erdogan
Le président turc Recep Tayyip Erdogan renoncerait à l'OTAN et à l'UE pour pivoter à l'Est, d'après l'ex-employé du Pentagone, Michael Maloof.

Le ministre turc des Affaires étrangères Mevlüt Cavusoglu, dans une interview à l'agence d'information russe Sputnik, a déclaré qu'Ankara envisageait une coopération militaire avec la Russie, l'OTAN semblant prendre ses distances avec la Turquie.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a plutôt renoncé à l'OTAN, et même à l'UE
RT : La Turquie est un membre important de l'OTAN et, pourtant, le ministre des Affaires étrangères du pays dit que l'alliance se retire du jeu, forçant les Turcs à se tourner vers la Russie. Que pensez-vous de cette situation ?

Michael Maloof (M. M.) : La situation est très évolutive. Je pense que le président turc Recep Tayyip Erdogan a plutôt renoncé à l'OTAN, et même à l'UE. A ce stade, il est en train de faire un pivot vers l'Est. Que la Turquie et la Russie commencent à discuter comme elles le font, notamment en termes d'alliances militaires, voilà qui offre une toute nouvelle opportunité pour non seulement la coopération bilatérale, mais aussi la coopération régionale dans un sens très intéressant. La Turquie est aussi ce qu'on appelle un partenaire de dialogue de l'Organisation de coopération de Shanghai [OCS], dont la Russie, la Chine et l'Iran font tous partie. Ce qui est nouveau ici c'est que la Russie voit en la Turquie une aide pour contenir et contrôler les sunnites, et les sunnites djihadistes en Syrie, mais aussi comme une potentielle influence régionale dans cette partie du monde. Et comme la Turquie et l'Iran sont également engagées dans un dialogue, cela pourrait laisser présager un potentiel accord entre les chiites et les sunnites.
Washington s'est retrouvé pris au dépourvu
Ca n'est que le début. Washington est outré à cause de cela. Même s'ils ne l'admettront pas publiquement, je pense qu'ils sont très inquiets à ce sujet. Cela montre que Recep Tayyip Erdogan et le président russe Vladimir Poutine ont commencé à regarder vers l'Est. L'OCS offre cette opportunité, surtout maintenant que la Chine entre en jeu et cherche à s'engager dans la résolution [du conflit] en Syrie. Et ils vont fournir plus de formation militaire au gouvernement syrien. C'est donc une toute nouvelle évolution des choses. Et Washington s'est retrouvé pris au dépourvu.
L'Europe, dont beaucoup de membres font partie de l'OTAN, doit avoir la main très, très douce pour traiter avec Erdogan
RT : Pensez-vous que la Turquie puisse utiliser cette histoire de copinage avec la Russie pour embêter l'OTAN ?

M. M. : En partie, mais je pense aussi que Recep Tayyip Erdogan a décidé de faire un pivot vers l'Est. Je pense qu'il voit plus de possibilités de long terme dans cette direction. Et il le montre déjà depuis un certain temps... Les Etats-Unis et les autres pays de l'OTAN ne veulent pas avoir l'air d'avoir des désaccords ouverts avec lui. Ils ne peuvent pas virer la Turquie de l'OTAN. En ce sens, Erdogan a un levier. Et il n'a pas seulement un levier vis-à-vis de l'OTAN, il a aussi un levier par rapport au flux de réfugiés en Europe. Donc, l'Europe, dont beaucoup de membres font partie de l'OTAN, doit avoir la main très, très douce pour traiter avec Erdogan. Ils ne veulent pas faire quelque chose qui le forcerait à se tourner complètement vers l'Est à ce stade et à renoncer à son adhésion à l'OTAN.

L'OTAN est affaiblie par la nouvelle politique turque à l'égard de la Russie

L'OTAN doit revoir ses politiques et cesser de voir les choses en noir en blanc, a déclaré Talat Masood, général trois étoiles de l'armée pakistanaise, en commentant les relations actuelles de la Turquie avec l'alliance militaire.

RT : Que pensez-vous de ce message de la Turquie ? Pensez-vous qu'il s'agit d'un vrai rapprochement avec la Russie, ou est-ce, pour ainsi dire, comme un coup de semonce à destination de l'OTAN ?

Talat Masood (T. M.) : Le président turc Recep Erdogan est très mécontent que certains membres de l'establishment américain aient soutenu Fethullah Gülen, parce qu'ils savaient qu'il conspirait, et ils l'ont soutenu, ou ont ignoré le fait qu'il avait l'intention de causer d'une certaine manière des problèmes à la Turquie... [Recep Tayyip Erdogan] pense qu'il est très inconvenant, de la part de certains membres de l'establishment américain, de déstabiliser et perturber un proche allié des Etats-Unis et de l'OTAN de cette façon.
Erdogan a réalisé qu'il avait fait une énorme erreur
Il s'est également rendu compte que sa politique ces derniers mois envers la Russie n'était pas juste, et en particulier la façon dont l'avion militaire russe avait été abattu. Je pense qu'Erdogan a réalisé qu'il avait fait une énorme erreur. Il ne peut pas se permettre d'avoir une relation aussi étrange avec la Russie. Voilà pourquoi, maintenant, il est en train de réévaluer sa politique étrangère et essaye de se rapprocher de la Russie et d'autres pays avec lesquels il a eu des relations étranges...

RT : Que pensez-vous des relations actuelles entre la Turquie et l'OTAN ? Pensez-vous que ce pays va tourner le dos à l'OTAN ou au moins prendre ses distances avec elle ? Si cela représente une menace pour l'OTAN, qu'est-ce que la Turquie voudrait obtenir du bloc à l'heure actuelle ?

T. M. : La Turquie est un membre très important de l'OTAN. Si elle la prive de son soutien, ou si son soutient devait devenir un peu plus mou, et si elle a [en parallèle] des relations étroites avec la Russie, évidemment les membres de l'OTAN doivent être très inquiets que la Turquie ait été laissée tomber et que maintenant elle se rapproche de la Russie. L'OTAN en est de toute évidence affaiblie.
Vous ne pouvez pas considérer les pays selon une approche «noir et blanc»
L'OTAN doit reconsidérer ses politiques, car on ne vit pas à l'époque de Guerre froide. Ce monde en est très différent : les pays ont des relations multiples, même avec des Etats avec lesquels ils ont eu des relations conflictuelles. Donc, c'est un monde très complexe à l'heure actuelle, et vous ne pouvez pas considérer les pays selon une approche «noir et blanc».

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