Comment: Y a t'il une limite aux possibilités d'espionnage offertes par les nouvelles technologies ? A celles que nous avons laissé entrer dans nos maisons ? Sans doute pas. Avec des algorithmes améliorés, un fichage universel, du matériel encore plus performant et toujours plus diversifié, il n'existera bientôt plus d'échappatoire possible à la surveillance totale et absolue que nos sociétés malades nous promettent. Imagination, anticipation, science-fiction, nous pouvons laisser tout cela de côté :

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© Inconnu
Des chercheurs en informatique chinois ont développé une solution pour identifier des personnes grâce aux perturbations qu'elles provoquent dans le champs électromagnétique d'un réseau Wi-Fi.

L'une des clés du succès de la domotique auprès du grand public résidera dans la capacité des systèmes à comprendre avec une grande fluidité qui se trouve dans la maison ou qui l'a quittée, pour réaliser automatiquement les actions appropriées en anticipant les besoins de chacun. Mais jusqu'à présent, les méthodes utilisées sont soit trop exigeantes envers les utilisateurs (signaler sa présence par RFID, interfaces tactiles, etc.), soit trop invasives (caméras de reconnaissance faciale, géolocalisation permanente,...). Des ingénieurs cherchent donc de nouvelles méthodes plus transparentes.

C'est le cas de chercheurs en sciences informatiques de l'Université polytechnique Northwestern basée à Xi'an, en Chine, qui ont publié ce mois-ci des travaux visant à identifier grâce aux ondes Wi-Fi les individus présents dans une pièce. Le principe repose sur le fait qu'à l'instar des meubles, chaque corps humain perturbe la qualité du signal Wi-Fi émis sur les ondes hertziennes. Le corps influence différemment le signal, selon sa taille, sa corpulence ou sa manière de se déplacer.

Or il est possible de capter ces variations subtiles à travers le Channel State Information (CSI), un ensemble de données concernant les propriétés d'un canal de communication sans fil, qui varient constamment. Toute la tactique des ingénieurs chinois consiste donc à analyser finement les variations du CSI en fonction de chaque individu pour repérer les traits caractéristiques que provoque une personne lorsqu'elle se trouve dans le champs électromagnétique, et la reconnaître lorsque ces traits sont à nouveau détectés.

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© InconnuLa modification du CSI lorsque trois personnes (A, B et C) marchent sur un chemin prédéterminé
Pour tester leur idée, les chercheurs ont donc créé un appartement meublé fictif, en plaçant un émetteur et un récepteur de chaque côté de la porte d'entrée, à 2,5 mètres de distance l'un de l'autre. Le récepteur était un simple PC portable Lenovo X200 avec un module Wi-Fi Intel Link 5300 Wifi, sous Ubuntu 14.04. L'émetteur était un routeur TP-Link TL-WR1043ND, qui coûte moins de 60 euros en prix public. Le tout était configuré pour opérer en 802.11n AP sur la bande 2,4 Ghz.

Ils ont ensuite demandé à 9 volontaires d'entrer dans l'appartement en suivant le chemin indiqué. Il a fallu répéter l'opération 40 fois pour que l'algorithme baptisé FreeSense saisisse les caractéristiques des perturbations qu'ils provoquent sur le CSI. Mais après cette étape d'éducation de l'algorithme, le système était capable de reconnaître qui des 9 personnes était présent dans l'appartement, avec une précision de 75 %.

Lorsqu'on ne lui laisse le choix qu'entre deux personnes — ce qui limite les risques de confusions entre deux individus de corpulence similaire, l'algorithme atteint une précision de 91,7 %.

nombre de personne
© InconnuEn toute logique, plus le nombre de possibilités connues est élevé, moins l’identification est précise.
Au final, les universitaires estiment qu'ils atteignent 88 % de précision pour reconnaître chacun dans une famille de 6 personnes, ce qui est déjà très satisfaisant. Ces sont des résultats impressionnants qu'il faut toutefois nuancer puisque les conditions d'analyse étaient ici parfaites, avec un chemin parfaitement identifié au sol qui exigeait même que les cobayes marchent sur la ligne en commençant d'abord par le pied gauche ou le pied droit, pour qu'ils aient toujours la même démarche. Mais c'est une base de travail encourageante.

À terme, les chercheurs espèrent améliorer la précision dans des conditions moins favorables, et être aussi capables de reconnaître des groupes d'individus dans une pièce (pour l'instant c'est une seule personne en même temps dans l'appartement).