Traduit par Daniel pour Mondialisation.ca

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© Kim Kyung-Hoon/Reuters
La Chine et les États-Unis vont dans des directions diamétralement opposées. Pékin devient rapidement le principal centre des investissements étrangers dans les industries de haute technologie, notamment la robotique, l'énergie nucléaire et la machinerie de pointe, en collaboration avec des centres d'excellence technologique comme l'Allemagne.

En revanche, Washington poursuit un virage militaire sans merci dans les régions les moins productives, de concert avec ses alliés les plus barbares, comme l'Arabie saoudite.

La Chine s'active à acquérir une supériorité économique mondiale en reprenant et en innovant les méthodes de production les plus poussées, tandis que les USA dégradent et avilissent l'immense capacité de production à laquelle ils étaient parvenus pour promouvoir des guerres destructrices.

L'importance grandissante de la Chine est le résultat d'un processus cumulatif qui a progressé de façon systématique, au moyen d'une croissance de la productivité et de l'inventivité se faisant étape par étape, avec des montées soudaines sur les échelons de la fabrication de technologies de pointe.

Étapes de la croissance et du succès de la Chine

La Chine est passée d'un pays largement dépendant des investissements étrangers dans les industries de consommation aux fins d'exportation à un pays dont l'économie, fondée sur des investissements publics-privés, exporte des produits à plus forte valeur.

La croissance initiale de la Chine était basée sur une main-d'œuvre à bon marché, des impôts peu élevés et quelques règles régissant les capitaux multinationaux. Les capitaux étrangers et les milliardaires locaux ont stimulé la croissance, qui reposait alors sur des marges bénéficiaires élevées. La poursuite de la croissance économique de la Chine lui a ensuite permis d'augmenter son expertise technologique locale et d'exiger plus de « contenu local » dans les produits manufacturés.

Au début du nouveau millénaire, la Chine développait des produits haut de gamme brevetés et conçus localement, qui ont permis de canaliser un bon pourcentage d'investissements dans les infrastructures civiles, le transport et l'éducation.

Des programmes d'apprentissage de grande envergure ont permis de créer une main‑d'œuvre qualifiée qui a augmenté la capacité de production. Des inscriptions massives en sciences, en maths, en informatique et en ingénierie dans les universités ont permis un afflux important d'innovateurs de haute technicité, dont bon nombre ont acquis un savoir-faire dans les technologies de pointe des concurrents étrangers.

La stratégie de la Chine consistait à reprendre, à apprendre, à perfectionner et à faire concurrence aux économies les plus avancées en Europe et aux USA.

À la fin de la dernière décennie du XXe siècle, la Chine était prête à se délocaliser à l'étranger. Le processus d'accumulation avait donné à la Chine les ressources financières nécessaires pour acquérir des entreprises dynamiques à l'étranger.

La Chine n'était plus limitée à investir dans les minéraux et l'agriculture de pays en développement. Elle était prête à conquérir des secteurs de haute technologie dans les économies avancées.

En cette deuxième décennie du XXIe siècle, des investisseurs chinois se sont établis en Allemagne, le géant industriel le plus avancé d'Europe. Au cours des six premiers mois de 2016, des investisseurs chinois ont acquis 37 sociétés allemandes, comparativement à 39 pendant toute l'année 2015. Le total des investissements de la Chine en Allemagne en 2016 pourrait doubler pour atteindre plus de 22 milliards de dollars.

En 2016, a réussi à acheter KOKA, la société d'ingénierie la plus innovante de l'Allemagne. La stratégie de la Chine est de gagner en supériorité dans l'avenir numérique de l'industrie.

La Chine s'emploie avec diligence à automatiser ses industries, avec l'intention d'avoir une densité de robots doublant celle des USA d'ici 2020.

Des scientifiques chinois et autrichiens ont réussi le lancement du premier système de communication quantique par satellite, censé être « à l'épreuve du piratage », assurant ainsi la sécurité des communications de la Chine.

Pendant que les investissements mondiaux de la Chine s'apprêtent à dominer les marchés internationaux, les USA, l'Angleterre et l'Australie tentent d'imposer des obstacles à l'investissement. En s'appuyant sur des « menaces à la sécurité » bidon, la première ministre de la Grande-Bretagne Theresa May a bloqué un investissement chinois de l'ordre de plusieurs milliards de dollars dans une centrale nucléaire (Hinckley Point C). La décision reposait sur un prétexte fallacieux voulant que la Chine utilise sa participation dans le projet pour « faire du chantage énergétique, en menaçant de couper l'alimentation s'il y avait des crises internationales. »

Le comité sur les investissements étrangers aux USA a bloqué plusieurs investissements chinois s'élevant à des milliards de dollars dans les industries de haute technologie.

En août 2016, l'Australie a bloqué un investissement de 8 milliards de dollars pour une participation majoritaire à son plus grand réseau de distribution d'électricité, en évoquant des motifs spécieux de « sécurité nationale ».

Les empires anglo-étasunien et allemand sont sur la défensive. Ils peuvent de moins en moins concurrencer avec la Chine économiquement, même en défendant leurs propres industries innovantes.

Cela est dû en bonne partie à leurs échecs politiques. Les élites économiques occidentales misent davantage sur la spéculation à court terme dans le domaine de la finance, de l'immobilier et de l'assurance, tout en négligeant leur base industrielle.

Sous la direction des USA, leur dépendance aux conquêtes militaires (expansion de l'empire par les armes) absorbe les ressources publiques, pendant que la Chine dirige ses ressources nationales vers des solutions technologiques innovantes de pointe.

Pour contrer les progrès économiques de la Chine, le régime Obama a adopté une politique d'érection de murs économiques sur le plan intérieur, de restrictions commerciales à l'étranger et de confrontation militaire en mer de Chine méridionale, une route commerciale stratégique pour la Chine.

Les responsables étasuniens augmentent petit à petit leurs restrictions sur les investissements chinois dans les sociétés de haute technologie aux USA, dont un investissement de 3,8 milliards de dollars dans Western Digital et Philips, qui essayait de vendre son secteur de l'éclairage. Les USA ont aussi bloqué le rachat projeté, par Chen China, du groupe chimique suisse Syngenta, une transaction de 44 milliards de dollars.

Les responsables étasuniens font tout leur possible pour stopper des transactions commerciales innovantes valant des milliards de dollars qui comptent la Chine comme partenaire stratégique.

Outre le mur intérieur, les USA réalisent un blocus de la Chine au moyen de son partenariat transpacifique, qui propose d'exclure Pékin de la « zone de libre-échange » comptant une dizaine de pays d'Amérique du Nord, d'Amérique latine et d'Asie. Pourtant, pas un seul des pays signataires de cet accord n'a réduit ses échanges commerciaux avec la Chine. Bien au contraire, ils resserrent leurs liens avec la Chine, ce qui en dit long sur la compétence d'Obama en matière de « pivot ».

Le « mur économique sur le plan intérieur » a certes nui à certains investisseurs chinois, sans toutefois permettre à Washington d'entraver les exportations de la Chine vers les marchés étasuniens. L'incapacité de Washington à bloquer le commerce avec la Chine a même nui davantage à ses efforts d'encerclement de la Chine en Asie, en Amérique latine et en Océanie.

L'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Pérou, le Chili, Taiwan, le Cambodge et la Corée du Sud dépendent encore plus des marchés chinois que les USA pour survivre et assurer leur croissance.

Pendant que l'Allemagne, conscient de la croissance dynamique de la Chine, favorise le « partenariat » et les échanges en augmentant les investissements productifs, Washington a choisi de former des alliances militaires pour défier la Chine.

L'alliance militaire belliqueuse entre les USA et le Japon n'intimide pas la Chine. Elle n'a pour effet que de déprécier leurs économies intérieures et leur influence économique en Asie.

De plus, le « pivot militaire » de Washington a approfondi et étendu les liens stratégiques entre la Chine et la Russie, qui lui procure des sources d'énergie et de la technologie militaire.

Pendant que les USA dépensent des centaines de milliards de dollars dans des alliances militaires avec ses États satellites attardés de la côte baltique et les États parasitaires du Moyen-Orient (Arabie saoudite et Israël), la Chine accumule une expertise stratégique de ses liens économiques avec l'Allemagne, des ressources provenant de la Russie et des parts de marché avec les « partenaires » de Washington en Asie et en Amérique latine.

Il ne fait aucun doute que la Chine, en empruntant la voie technologique et productive de l'Allemagne, aura le dessus sur l'isolationnisme économique des USA et sur sa stratégie militariste mondiale.

Si les USA n'ont pas su tirer les leçons de la stratégie économique gagnante de la Chine, la même raison pourrait être évoquée pour expliquer la disparition des régimes progressistes en Amérique latine.

Succès en Chine et recul en Amérique latine

Après plus d'une décennie de croissance et de stabilité, les régimes progressistes de l'Amérique latine ont connu un recul et un déclin. Comment se fait-il que la Chine ait poursuivi sur la voie de la stabilité et de la croissance, pendant que ses partenaires latino‑américains ont subi un recul et des défaites?

Pendant plus d'une décennie, le Brésil, l'Argentine, le Venezuela, l'Uruguay, le Paraguay, la Bolivie et l'Équateur étaient tout autant d'exemples de réussite du centre‑gauche latino‑américain. Leurs économies progressaient, les dépenses sociales augmentaient, la pauvreté et le chômage étaient à la baisse et le revenu des travailleurs montait.

Mais leurs économies sont entrées en crise par la suite, soulevant un mécontentement populaire qui a fait tomber les régimes de centre‑gauche.

Contrairement à la Chine, les régimes de centre-gauche latino‑américains n'ont pas diversifié leurs économies. Ils ont continué d'être lourdement tributaires du boom des matières premières pour assurer leur croissance et leur stabilité.

Les élites latino-américaines ont emprunté et dépendaient des investissements étrangers et des capitaux financiers, tandis que la Chine s'engageait dans des investissements publics dans l'industrie, l'infrastructure, la technologie et l'éducation.

Les progressistes latino-américains se sont ralliés aux capitalistes étrangers et aux spéculateurs locaux en s'adonnant à la spéculation et à la consommation, pendant que la Chine investissait dans des industries innovantes au pays et à l'étranger. Alors que la Chine consolidait son pouvoir politique, les progressistes latino‑américains se sont « alliés » aux multinationales de leur pays et de l'étranger afin de « partager le pouvoir » avec ces adversaires stratégiques, qui n'attendaient en fait que l'occasion de chasser leurs alliés de « la gauche ».

Lorsque l'économie fondée sur les matières premières s'est écroulée, il en a été de même des liens politiques avec leurs partenaires de l'élite. Pendant que la gauche latino‑américaine souffrait, les industries chinoises tiraient profit de la chute des prix des matières premières. Aux prises avec une corruption généralisée, la Chine s'est lancée dans une vaste campagne, en procédant à une purge touchant plus de 200 000 fonctionnaires. En Amérique latine, la gauche a laissé faire les fonctionnaires corrompus, ce qui a permis à l'opposition d'exploiter les scandales pour mieux virer les fonctionnaires de centre‑gauche.

Pendant qu'en Amérique latine on importait de la machinerie et des pièces de l'Occident, la Chine achetait un ensemble d'entreprises occidentales fabriquant les machines et leur technologie, pour ensuite apporter des améliorations technologiques chinoises.

La Chine s'est très bien tirée de la crise, a défait ses adversaires et s'est mise à étendre la consommation locale et à stabiliser son régime politique.

Le centre-gauche latino-américain a subi des défaites politiques au Brésil, en Argentine et au Paraguay, a perdu des élections au Venezuela et en Bolivie et a reculé en Uruguay.

Conclusion

Le modèle politique et économique de la Chine a surpassé ceux de l'Occident impérialiste et de la gauche latino‑américaine. Alors que les USA dépensaient des milliards de dollars au Moyen‑Orient pour livrer des guerres à la place d'Israël, la Chine a investi des sommes similaires en Allemagne dans les domaines de la technologie de pointe, de la robotique et des innovations numériques.

Pendant que le « pivot vers l'Asie » du président Obama et de la secrétaire d'État Hillary Clinton s'est avéré en grande partie qu'une stratégie militaire inutile visant à encercler et à intimider la Chine, le « pivot vers les marchés » de Pékin a réussi à renforcer sa compétitivité économique. Ce qui a fait en sorte qu'au cours de la dernière décennie, le taux de croissance de la Chine a été trois fois supérieur à celui des USA, et que dans la prochaine décennie, la « robotisation » de l'économie productive de la Chine sera le double de celle des USA.

Le « pivot vers l'Asie »des USA, qui repose largement sur les menaces militaires et l'intimidation, cause des milliards de dollars de pertes qui auraient pu faire l'objet de placements et d'investissements. Le « pivot vers la technologie de pointe » de la Chine démontre que l'avenir est tourné vers l'Asie et non vers l'Occident. L'expérience de la Chine sert aussi de leçon aux prochains gouvernements de gauche en Amérique latine.

D'abord et avant tout, la Chine insiste sur la nécessité d'une croissance économique équilibrée, qui a préséance sur les bénéfices à court terme tirés des booms des matières premières et des stratégies consuméristes.

Deuxièmement, la Chine démontre l'importance de la formation technique à l'intention des professionnels et des travailleurs pour l'innovation technologique, qui a préséance sur la formation donnée dans les écoles de commerce et l'enseignement de la « spéculation » non productive, fortement privilégiés aux USA.

Troisièmement, la Chine équilibre ses dépenses sociales en investissant dans les activités de production de base, assurant ainsi une mise en commun de la compétitivité et des services sociaux.

Le renforcement de la croissance et de la stabilité sociale de la Chine, ainsi que sa volonté d'apprendre des économies avancées puis de les surpasser, ont toutefois des limites importantes, notamment au chapitre de l'égalité sociale et du pouvoir populaire. C'est ici que la Chine peut tirer des leçons des expériences de la gauche latino‑américaine. Les gains sociaux sous le président Chavez du Venezuela méritent d'être étudiés et repris, ainsi que les mouvements populaires en Bolivie, en Équateur et en Argentine, qui ont permis d'évincer les néo‑libéraux du pouvoir, peuvent aider la Chine dans sa lutte contre le pillage et la fuite des capitaux caractéristiques d'un État‑entreprise.

Malgré ses limites socio-politiques et économiques, la Chine est parvenue à résister aux pressions militaires des USA et même à « inverser la vapeur » en faisant des progrès en Occident.

En fin de compte, le modèle de croissance et de stabilité de la Chine propose une approche qui est bien supérieure à la débâcle récente qu'a subie la gauche latino‑américaine et au chaos politique résultant de la quête de la suprématie militaire mondiale par Washington.