Commentaire : Pour toute personne normale, une question vient naturellement à l'esprit : quel autre usage aurait-il pu être fait de cette inconcevable quantité d'argent ? Tellement de bonnes choses pour l'Amérique que cela aurait sans doute eu un impact positif pour le reste de la planète, n'en doutons pas. Pourtant, l'état économique de ce pays est catastrophique. La contradiction est tellement énorme qu'elle nous prouve que les décideurs politiques, économiques, connus et inconnus, créent volontairement, pour différentes raisons, une situation de disharmonie et de chaos dans leur propre pays et à travers le monde. Avec une telle efficacité dans la destruction et l'abjection que nous avons la preuve, encore, que l'esprit de nos dirigeants est malade, prisonnier de sa nature entropique :

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© Inconnu
Les départements statistiques de l'Institut Watson de l'université Brown, aux USA, ont terminé une étude du coût pour les USA de la "guerre contre la terreur", englobant tous les conflits et autres activités bellicistes et déstructurantes depuis 2001 dans le cadre belliciste général connu sous ce nom. Il s'agit d'une étude extrêmement serrée et selon des critères statistiques officiels, conduite par Neta Crawford de l'université de Boston, et non pas d'une estimation comme le furent nombre d'autres évaluations faites jusqu'ici.

Crawford a laissé de côté diverses dépenses indirectes ou officieuses souvent prises en compte par d'autres chercheurs, de façon à obtenir un résultat le plus rigoureusement proche d'une perception budgétaire stricte. On arrive au total de $4.790 milliards ($4,79 trillions), cela qui est apprécié par l'auteure comme « si important qu'il est quasiment incompréhensible ».

A notre estime, si nous prenions en compte les valeurs approximatives de ces "dépenses indirectes", y compris par exemple le montant exact du budget annuel de la défense US qui est présenté autour de $700-$750 milliards et qui dépasse largement les $1.100 milliards en réalité, on devrait parvenir à une estimation qui ne serait pas loin de doubler le chiffre déterminé par Crawford. Bien entendu, le chiffre de Crawford a l'avantage de présenter toutes les apparences de la rigueur formelle et de laisser de côté les dépenses trop imprécises pour pouvoir être fixées d'une manière acceptable selon la méthode choisie. Cet espace floue des dépenses pour la "guerre contre la terreur" alimente bien entendu encore plus son caractère totalement "incompréhensible", du point de vue budgétaire et comptable, et simplement rationnel.
Il s'agit d'un phénomène qui échappe complètement à la sphère rigoureuse de la comptabilité et des chiffres budgétaires, - comme par exemple ces plus de $3.000 milliards qui restent introuvables dans le cadre de l'audit officiel du budget du Pentagone sur les années 2001-2014. Même les pratiques de corruption, les gaspillages, les guerres internes des bureaucraties, etc., qui sont évidemment les facteurs principaux avancés pour ces dépenses "insaisissables", arrivent difficilement à nous faire espérer une explication acceptable du phénomène.
On se trouve là devant une sorte de mur de la perception technique, et devant un phénomène engendré par le Système, dans lequel le technologisme aussi bien que la communication jouent un rôle central comme outils du déchaînement d'un processus lui aussi effectivement "incompréhensible" selon les normes rationnelles [y compris, répétons-le, une appréciation rationnelle des phénomènes de corruption, de gaspillage, etc.].

D'ores et déjà, il y a avec le rapport de Neta Crawford la confirmation comptable la plus stricte de ce que le coût de cette "guerre" est le plus élevé de l'histoire des USA, et notamment plus élevé que la guerre la plus chère de l'histoire pour les USA, la Deuxième Guerre mondiale. (Le dernier calcul officiel et actualisé en date du coût de la Deuxième Guerre Mondiale est de $4.104 milliards en dollars constants, à partir des $296 milliards officiellement dépensés en dollars de l'époque : voir le rapport du Congressional Research Service (CRS) de 2010, Cost of Major Wars. Les auteurs du rapport ont estimé récemment [en 2014] que cette estimation en dollars constants restait valable et elle peut être prise effectivement comme telle aujourd'hui.)

Noami LaChance, sur le site The Intercept, présente le 14 septembre ce rapport de Neta Crawford : en anglais, ici.

En octobre 2011, nous donnions une évaluation du coût de "la guerre en Irak", qui constituait en fait un nom plus précis pour "la guerre contre la terreur", les coûts pour les USA (budgets de la défense par exemple) valant pour les autres "guerres" entreprises pendant la période.
Déjà s'imposait ce caractère d'incompréhensibilité que met en évidence Crawford, notamment au regard du coût pour les USA de la Deuxième Guerre Mondiale ; en même temps s'imposaient déjà, et aujourd'hui plus que jamais, des caractères évidents différenciant ces deux conflits et d'où il apparaissait que la chose générale nommée "guerre contre la terreur" est totalement improductive en toutes choses et notamment pour les intérêts des USA qu'elle dessert complètement, pseudo-"guerre" uniquement déstructurante et dissolvante, aussi bien pour les multiples "alliés" et "adversaires" que pour les USA eux-mêmes. On peut reprendre ce commentaire de 2011, qui reste valable pour 2016 sinon pour être actualisé dans le sens de la confirmation et donc de l'aggravation de la situation...
Il faut comprendre cela, - le dépassement du coût de la Seconde Guerre mondiale par le coût de la guerre en Irak, - en ayant à l'esprit les différences extraordinaires d'ampleur des théâtres d'opération, de stratégie, d'effectifs et d'abondance de matériels, d'ambitions politico-militaires, d'enjeux et d'importance réelle des conflits, d'ampleurs géographiques et de fondement historiques, bref de substance fondamentale, entre les deux conflits. Certains, comme Erwing (déjà cité), estiment que "la guerre est devenue plus chère". Nous dirions, nous, qu'il s'agit plutôt d'une complète dégénérescence de la guerre, qui devient absolument futile, sans la moindre utilité, sans le moindre apport politique, tout en devenant plus destructrice, plus cruelle, plus immorale et illégale, voire même complètement entropique dans les sens physique autant que spirituel. C'est-à-dire qu'une guère comme celle de l'Irak, comme les autres en cours de la période, correspondent parfaitement à la barbarie moderniste parvenue à son terme entropique et nihiliste.
On ajoute, bien entendu, triste cerise sur la gâteau et cerise sans surprise, la multiplication des coûts, de la corruption, du gaspillage, dans des proportions absolument inimaginables. Dit autrement, la guerre a suivi absolument l'évolution du Système, jusqu'à en devenir son double à la fois inutile et absolument prédateur de toutes les structures de civilisation. La guerre en Irak restera archétypique de l'emploi de la force dans le cadre complètement subversif du Système, comme l'un des plus beaux fleurons de l'effondrement de notre contre-civilisation.
La différence entre les deux conflits est également et finalement dans son effet de civilisation, ou de contre-civilisation, dans le processus d'effondrement du Système. La Deuxième Guerre mondiale est venue après la Grande Dépression et a sauvé (temporairement, certes, comme on le voit aujourd'hui), le capitalisme et le Système en général. La guerre en Irak (avec d'autres) est survenue avant la crise de 2008, en provoquant et en accélérant la phase finale de la crise de l'effondrement, qu'elle a nourrie abondamment, sinon provoquée complètement dans sa partie la plus dynamique. Toute l'histoire de ce Système est résumé par ce renversement, cette inversion, - ce qui nous fait grandement présumer que ceux qui annoncent une grande guerre pour que le Système se sorte de sa crise terminale, si la crise n'a pas eu raison de lui auparavant, ce qui est probable, - ceux-là ne font que fixer par avance le moment de son oraison funèbre. Personne ne regrettera une telle usine à gaz.