Donald Trump
© AP Photo/ Evan Vucci
La plupart des médias internationaux écrivent sur les élections américaines et plus précisément sur Trump pour se joindre à la Curée ordonnancée par l'establishment américain, les mondialistes et les socio- démocrates au service de la ploutocratie.

Ce qu'ils écrivent n'a aucune chance d'influencer le vote américain, pas plus qu'ils n'ont réussi à peser sur le vote lors de la consultation dite Brexit. Non, bien sur, le public mondial n'est pas électeur, il n'est pas partie prenante aux présidentielles américaines. Donc il faut s'interroger sur l'utilité de pareille débauche, de pareil déferlement financé par les milieux qui ne cachent ni leurs origines, ni leurs objectifs. Certains milieux cyniquement paient, distribuent des fonds afin de fausser les élections, pourquoi?

Notre interprétation est simple, si on finance par centaines de millions de dollars une campagne mondiale qui est en apparence inutile c'est que l'on a d'autres objectifs que les objectifs immédiats. Certes on ne peut peser sur l'élection américaine de novembre, mais en faisant participer le monde global à cette élection on accomplit quelque chose de subreptice : on mondialise l'élection, on fait du monde un seul champ, on balise ce champ et on le met en ordre. On sème dans la constitution de structures inconscientes. C'est un investissement. Les gens qui lisent les monceaux d'ordures placardés dans les médias de l'establishement deviennent presque citoyens du monde, ils s'y croient : on casse les frontières. La mondialisation des consultations, née il y quelques années après la crise de 2008 est une caractéristique nouvelle, elle s'inscrit dans le processus de glissement vers un nouvel agencement mondial, vers un nouvel ordre mondial.

Ceux qui restent traditionalistes dans leurs interprétations diront que les campagnes mondiales ont un effet indirect sur les votes nationaux, on fabrique des images des candidats et de leurs idées et ceci est ré-importé au plan domestique. On dit également, comme ce fut le cas pour le Brexit, qu'il s'agit de donner une leçon aux peuples et à leur tentation de voter pour les populistes. Cela est vrai, mais très limité, c'est une conséquence, un effet superficiel. Ce qui n'est pas superficiel, c'est la trace que ces mondialisations laissent dans l'esprit humain, il se structure, il se façonne mondialement, il se modèle à la fois de façon globale et de façon semblable partout. Il contribue à l'instauration du « Même ».

On remarque à la faveur de cette interprétation de l'évidence que ce glissement est piloté, polarisé : il oppose l'establishment aux classes populaires encore plus nettement et grossièrement que lors des consultations nationales. Tout se passe comme si, ce qui reste national pouvait encore être discret, dissimulé tandis que ce qui se passe au niveau global est obligé de se démasquer, de se montrer en caricature. Au niveau global il faut exagérer, il faut pratiquer un expressionnisme sans borne.

C'est un enseignement de la science de la Com : plus on veut s'adresser à un public large et plus il faut simplifier les messages, plus il faut que les ficelles soient grosses. Et il faut répéter et multiplier. Ce n 'est pas la finesse ou la justesse des arguments ou leur adéquation qui comptent, non, c'est leur répétition. Il faut utiliser les règles de la propagande; ne jamais s'adresser à l'intelligence mais aux émotions, il faut toucher des fibres primaires et reptiliennes, jamais les parties supérieures de la conscience. Et bien sûr c'est là ou le qualitatif, la vérité, disparaissent au profit du quantitatif, c'est à dire au profit des moyens mis en œuvre : l'argent, la masse de médias, la disposition des véhicules de diffusion.

La tendance dite moderne joue sur ce passage du qualitatif au quantitatif et c'est pour cela que la modernité quantifie tout: pour le rendre manipulable. La modernité a besoin de faire disparaître le sens, le vrai, pour les remplacer par l'accumulation des informations, des images pour les remplacer par les opinions, les sondages, les micro trottoirs. Les algorithmes. Il s'agit d'une opération terrible que cette substitution. Elle signe, pour ainsi dire la fin de la démocratie et même l' impossibilité d'un retour à cette démocratie qui n'a jamais été qu'un idéal mais qui avait réussi à subsister dans nos consciences politiques comme objectif.

Il faut une intelligence et des moyens considérables pour investir dans cette entreprise de long terme, mais elle est géniale. Elle témoigne d'un intelligence diabolique, d'une connaissance de la philosophie, de l'inconscient des foules, rarement rencontrée dans le domaine de la construction sociale : c'est une intelligence de démiurge.

Il y a comme un lien, une communauté qui se construit sous nos yeux. Trump, après le Brexit, après la diabolisation de la Russie, après la « droit de l'hommisation » du monde, n'est qu'un prétexte, presqu'une diversion, le contenu n'est pas important dans cette entreprise, ce qui est important c'est cette façon de détruire les frontières nationales et de faire de chaque personne qui participe au spectacle un citoyen du monde. On crée une Nation de croyance sur la destruction des Nations historiques. Chacun participe, à l'élection américaine, elle est mondiale comme l'a été le vote Brexit, comme l'est la démonisation de Poutine, comme l'est le « sauvetage » des migrants du monde entier. Cela est d 'autant plus vrai et efficace que la participation citoyenne, à notre époque est de surface, elle se résume à « participer » à un spectacle, passif, elle se résume à être spectateur. Nous sommes dans une gigantesque opération de réduction, réduction de la complexité au simpliste, réduction du monde multidimensionnel à un monde à deux dimensions.

Le lien avec le mouvement civilisationnel qui a imposé la consommation et le marché comme dimensions de la vie individuelle et sociale est tellement gros qu'il est non perçu.

Le simplisme devient la norme, tout ce qui est complexe est rejeté, sans examen, c'est toute une philosophie que ce rejet. Nous sommes dans le McCarthysme : ou c'est noir ou c'est blanc, il n'y a plus de place pour la richesse du réel, pour l'articulation avec le passé, avec la mémoire, non il n'y a que deux dimensions, le pour et le contre. On est avec moi ou contre moi, et c'est vrai pour la question du racisme, la question de la guerre et de la paix. Ce n'est pas un hasard bien sur, si nous glissons vers cette question de la guerre ou de la paix.

Vous savez que nous avons adopté la thèse qui veut qu'un ennemi, cela se fabrique et longtemps à l'avance. Il faut en effet obtenir l'accord des masses pour faire la guerre, donc il faut créer une attente de la guerre, attente que l'on prépare. Depuis 2009 nous répétons que dans la voie suivie, la seule issue à la crise, c'est la guerre. La guerre en tant que processus de destruction du sur-investissement qui prétend au statut de capital /et extension du marché par les nouveaux débouchés. Le tout avec pillage des matières premières et surexploitation « minière » des populations émergentes. Ce n'est pas un hasard si l'autre jour, sur les écrans de télévision, on a vu, erreur des médias ou instant d'inattention, des jeunes américains avec des panonceaux, « Trump c'est la paix ». Et oui, Trump incarne pour ceux qui l'ont compris le refus de l'expansionnisme impérial et le retour à un monde multipolaire pacifique. C'est à ce titre qu'il est l'ennemi de l'establishment, il veut faire le contraire de Killary, laquelle veut la guerre, comme Wall Street et les ploutocrates : pour sauver le taux de profit et donc maintenir en vie le capital ancien périmé. Depuis 2008, tout tourne autour de la guerre, que ce soient les guerres locales, les guerres qui détruisent l'arabisme, les guerres religieuses, l'expansionnisme wahhabite ou la grande, la belle des belles qui sera celle contre les puissances qui refusent le monde impérial: la Russie et la Chine.

Nous sommes en 2016, tout prouve que l'establishment truque les élections américaines, qu'il met l'appareil d'état au service de Killary sans scrupule et sans retenue, cyniquement. Que le FBI, que le Department of Justice étouffent tout, s'agissant de Killary et manipulent tout s'agissant de Trump. Le parti Républicain joue contre son camp, il n' a pas mis un dollar d'investissement publicitaire télé en faveur de Trump ! Les journaux recueillent les faux témoignages qui accréditent l'idée d'un Trump « peloteur », escamotent les démentis, mais tout cela n'est rien en regard de l'argument suprême : Trump parce qu'il est pour la paix, pour la dé-mondialisation, et contre l'expansionnisme impérial est une créature des Russkies. L'establishment accuse Trump d'être un démagogue, mais c'est ce même establishment qui utilise l'argument démagogue par excellence : il est à la solde des Russes ! L'opération est un colossal amalgame digne des services de manipulation psychologique ou de Hollywood. Les Russkies font balancer des e-mails par Wikileaks afin d'influencer l'élection américaine, ce qui est vrai et incontestable et les Russksies menacent la sécurité américaine, ce qui est faux ; voila l'amalgame. Les 80 milliards de moyens de surveillance et de détection américains sont mobilisés, n'en doutons pas et si ils ne trouvent rien, c'est qu'il n'y a rien à trouver. On part d'une affirmation incontestable et on en tire un amalgame faux. Nous sommes revenus dans les années 50 du péril « rouge ». A moins que ce ne soit le temps de Dick Cheney et de ses mensonges sur les armes de destructions massives de Saddam ! Peu importe que les services américains soient, malgré leurs moyens, incapables de produire la preuve que les Russes sont derrière le piratage des comptes mail de Killary et du parti démocrate, affirmez, répétez et il en restera quelque chose. De toutes façons la convergence est évidente et non discutable ; les Russes, comme beaucoup d 'opposants à l'impérialisme préfèrent Trump à Killary, personne n'en doute, mais de là à franchir le pas et dire qu'ils constituent une menace pour la sécurité américaine il y plus qu'un pas, il y a un gouffre.

A qui fera-t-on croire qu'un pays dont la richesse nationale est de moins de 7% de la richesse américaine, qu'un pays dont le GDP n'est pas supérieur à celui de l'agglomération de New York, qu'un pays dont la richesse n'est constituée que de pétrole, de gaz, de minerais et de métaux, veut conquérir le monde et attaquer les États-Unis première puissance mondiale qui détient tous les leviers ! Le budget de la défense russe est de 40 milliards, ce qui représente moins d'un mois de dépenses de sécurité américaines !