Daesh
Le pouvoir d'attraction du groupe Etat islamique auprès des candidats au djihad a indéniablement souffert des défaites militaires du « califat » en Syrie et en Irak, mais le recul territorial de l'EI ne signe en rien la fin de son pouvoir de nuisance, contrairement à ce que l'on voudrait nous laisser entendre.

Il est certes important de priver l'EI de sanctuaires lui permettant de lever des fonds ou d'entraîner des combattants. Mais lui infliger des défaites militaires n'éradiquera en aucun cas la menace durable d'un groupe qui continuera à inspirer et commanditer des attentats.

Juin 2014: Abou Bakr al-Baghdadi, le numéro un de l'EI, proclame l'instauration d'un « califat » sur les territoires conquis en Syrie et en Irak. Il invite les musulmans à prendre les armes sous l'étendard de ce nouvel « Etat », leur promettant gloire, gîte et couvert. Des milliers de recrues affluent au fil des mois. La grande majorité des auteurs des attentats du 13 novembre 2015 à Paris sont passés par les camps de l'EI avant de semer la terreur en France.

Depuis, plusieurs villes stratégiques du « califat » ont été reconquises. La place forte irakienne de Mossoul est assiégée par une coalition internationale. Un début d'offensive contre le bastion syrien de Raqua est également en cours.

Conséquence : le flot de combattants étrangers venus prêter allégeance au drapeau noir s'est tari. Les arrivées en Syrie et en Irak ont été divisées par 10 en un an, chutant de 2.000 à 200 par mois depuis le printemps 2015, selon le Pentagone. Des contrôles plus étroits à la frontière turque et une surveillance accrue des services de renseignement européens ont contribué à ralentir le flux, mais c'est surtout le changement de camps des turcs qui a modifié la donne.

Les revers de l'organisation ont aussi affecté son outil de propagande, maillon central de sa politique de recrutement. Le nombre d'articles ou vidéos mis en ligne sur les médias officiels des djihadistes a diminué de 70%, passant de 700 messages en août 2015 à 200 l'été dernier. Et en septembre, le chef de la propagande de l'EI, Adnani, a été tué dans une frappe aérienne.

Leur principal argument de vente était l'instauration du califat. Or désormais l'EI peine à maintenir l'apparence d'un Etat fonctionnel attractif. Toutefois, de l'avis général, ni la disparition espérée du califat, ni le retour du groupe à la clandestinité ne devraient l'empêcher d'inspirer des attentats contre l'Occident.

Aimant puissant

Pour ses partisans, aux Etats-Unis, en Europe, en Afrique du Nord et ailleurs (...) l'organisation demeure un puissant aimant qui attire la violence et suscite un fort sentiment d'appartenance. La crainte est que les revers militaires en Syrie et en Irak entraînent un regain de soutien à l'extérieur et une hausse de la menace terroriste dans le monde.

Des actions savamment planifiées comme celle du 13 novembre 2015 étant devenues plus compliquées, les autorités craignent le développement d'un djihadisme d'inspiration porté par les réseaux sociaux. On va probablement voir moins d'opérations spectaculaires, mais davantage d'actes individuels, motivés par le biais d'internet.

Un propagandiste de l'EI est ainsi soupçonné d'avoir téléguidé, via la messagerie cryptée Telegram, l'attaque d'un prêtre cet été, égorgé dans une église française, et incité plusieurs jeunes à passer à l'acte.

A ces profils, radicalisés à distance, s'ajoute la question du retour dans leur pays d'origine des combattants partis en terre de djihad. Sur ces quelque 40.000 djihadistes, certains rentreront chez eux pour tenter de retrouver une vie normale et rejetteront Daech. Mais d'autres seront des chevaux de Troie qui commettront des attentats. Ce sera un défi quasi-impossible pour le renseignement de faire le tri, et pourtant aucune mesure réelle n'est aujourd'hui envisagée par les gouvernements occidentaux qui ne semblent pas réellement prendre la mesure des choses.

Sur leurs gardes, les Etats-Unis ont durci début 2016 leur régime d'exemption de visas vis-à-vis des citoyens européens, pour prévenir l'arrivée de djihadistes belges ou français sur le territoire étasunien.

Au final, l'EI conservera sa force principale: fragiliser nos sociétés de l'intérieur. En exploitant par exemple les fragilités sociétales de la France, où les attentats en série depuis 2015 ont provoqué des crispations à l'égard de la communauté musulmane entraînant de ce fait un très fort repli identitaire de la jeunesse musulmane. En cherchant à déstabiliser des pays du Maghreb, comme la Tunisie, en pariant sur le fait que des pays économiquement et socialement sinistrés formeront des réservoirs de volontaires.