Un diplomate israélien à Londres a été filmé à son insu par un journaliste infiltré, disant qu'il souhaitait «éliminer» des députés britanniques indésirables, dont le ministre des Affaires étrangères Alan Duncan, farouche défenseur de la Palestine.
Shai Masot, ambassade d'Israël, Royaume-Uni
© InconnuShai Masot, ambassade d'Israël, Royaume-Uni
Une vidéo tournée en caméra cachée par un journaliste infiltré d'Al-Jazeera pourrait se révéler être une preuve flagrante d'une grave violation du protocole diplomatique. Le diplomate israélien Shai Masot, qui se décrit lui-même comme un officier des forces de défense israéliennes et travaille en tant que haut responsable politique à l'ambassade israélienne de Londres, a été enregistré par un journaliste de la chaine qatarienne en train d'évoquer la façon dont il comptait «se débarrasser» de députés britanniques indésirables vis-à-vis des positions politiques israéliennes.

Cette opération d'infiltration journalistique a débuté en juin 2016 et a duré jusqu'en novembre 2016. Les propos d'un large éventail de militants pro-israéliens ainsi que de politiciens britanniques et de membres de l'ambassade israélienne à Londres ont ainsi été enregistrés. Ces enregistrements ont été rassemblés dans quatre films documentaires de 30 minutes qu'Al-Jazeera diffusera à partir du 15 janvier.

Dans le cas de Shai Masot, ce diplomate israélien s'entretenait avec Maria Strizzolo, une assistante d'un ministre conservateur ainsi qu'avec un certain «Robin» qu'il pensait être un membre de l'organisation «Labour Friends of Israël», un groupe de pression pro-israélien au sein du parlement britannique. En réalité, ce Robin était le reporter infiltré.

Au cours de la conversation, Maria Strizzolo s'est vanté d'avoir aidé à obtenir une promotion pour son patron, le député conservateur Robert Halfon. L'année dernière, ce dernier a été nommé ministre de l'Education et Maria Strizzolo a été nommée cadre supérieur à l'Agence de financement des compétences. Elle continue à travailler à temps partiel pour Robert Halfon.


Shai Masot demande alors à son interlocutrice si elle pourrait «faire l'inverse» pour d'autres députés : «Si je vous en donne quelques-uns, vous pensez que ça serait possible de les éliminer ?», a-t-il demandé, ajoutant que son interlocutrice savait très bien à quels députés il faisait allusion.

Le diplomate n'a pas précisé ce qu'il entendait par «éliminer» [les députés indésirables], mais il est à supposer qu'il voulait vraisemblablement provoquer la «chute» de quelques parlementaires gênants en les discréditant par la révélation de quelque scandale ou affaires douteuses dans lesquelles ils pourraient être impliqués, ce qui resterait à trouver.

Dans la vidéo, Maria Strizzolo a notamment prononcé une phrase plutôt machiavélique : «Ne jamais dire jamais ...» Devant l'approbation amusée du diplomate israélien, elle a ajouté : «On peut bien trouver quelque chose ... un petit scandale peut-être ?».

Shai Masot a également évoqué Crispin Blunt, un député conservateur membre du ministère des Affaires étrangères qui selon lui est «beaucoup trop pro-arabe». C'est alors que Maria Strizzolo a dit que ce dernier se trouvait déjà sur «une liste» [de personnes à «éliminer»].

Suite à la divulgation de la vidéo, vendredi 7 janvier, l'ambassadeur israélien à Londres, Mark Regev, a présenté ses excuses à Alan Duncan. Un porte-parole israélien a déclaré que l'ambassade avait considéré les remarques de Shai Masot comme étant tout à fait inacceptables et que le diplomate était susceptible d'être licencié dans les plus brefs délais.

Maria Strizzolo démissionne

Le 8 janvier l'assistante du député conservateur Robert Halfon a finalement démissionné de son poste et a supprimé son compte Twitter.

Une source du ministère de l'Education britannique au sein duquel elle travaillait a déclaré au quotidien MailOnline que sa démission était compréhensible.

Interrogée par The Guardian plus tôt, Maria Strizzolo avait cherché à minimiser la polémique, martelant que «Le Guardian se sert de propos sortis de leur contexte et obtenus par ruse et subterfuge [...] le contexte de la conversation était la plaisanterie et quelques sarcasmes amicaux [...] toutes vos suggestions sont risibles [...] je ne pourrai jamais avoir l'influence que vous m'accusez d'avoir, de plus, je connais Shai Masot, c'est un ami, je n'ai jamais travaillé avec lui ni eu de relations politiques. Nous ne faisions que bavarder, comme le font des millions de personnes.»

Shai Masot s'est quant à lui refusé à tout commentaire à propos de son intention d'«éliminer» un certain nombre de députés britanniques.

Finalement, les propos du diplomate ne semblent pas inquiéter Londres outre-mesure. Un porte-parole du ministère des Affaires étrangères britannique a déclaré : «L'ambassadeur israélien s'est excusé et il est clair que ces commentaires ne reflètent pas ses positions ou celles du gouvernement israélien. Le Royaume-Uni entretient des relations de confiance avec Israël et nous considérons que la question est close.»