Commentaire : Un article concernant l'Allemagne, tout à fait transposable au reste du monde, et à la France en particulier, à l'heure de la chasse au complotisme et des "fausses nouvelles", techno-maccarthysme soft des temps modernes, où le système de dressage éducatif scolaire étouffe également toute créativité et toute velléité d'indépendance d'esprit, pour formater, médias débilitants aidant, des générations entières de futurs adultes qui se devront de perpétuer le Système. Car il s'agit bien de cela, pour les élites : freiner la prise de conscience d'une populace qui menacerait le "bon" fonctionnement d'une structure étatique monstrueuse qui propulse, depuis des siècles, les mêmes fous mégalomanes, narcissiques et psychopathes aux poste du pouvoir.

Un début de solution :

pouvoir et domination
On a toujours réussi à justifier le pouvoir et la domination. En Europe, pendant des siècles, on prétendait que c'était la volonté de Dieu et grâce à sa magnanimité que le pouvoir et la domination étaient dévolus à la noblesse, aux rois et aux empereurs. Le siècle des Lumières a tenté d'apporter un changement, mais avec un succès limité, car les tyrans apparus depuis la fin du XVIIIe siècle se sont approprié les termes du siècle des Lumières pour leur donner leur propre sens afin de tenir seuls les rênes du pouvoir.

On peut y ajouter les justifications s'appuyant sur le déroulement de l'histoire: le pouvoir et la domination ayant été le résultat de phénomènes « sans alternative », selon certaines « doctrines historiques », comme par exemple, en Europe et en Allemagne, comme « doctrine résultant de deux guerres mondiales et de la dictature nationale socialiste ». Que cela fut le fruit d'une torsion de l'histoire pour la mettre en adéquation avec des intérêts bien précis, la vérité n'étant plus que très relative est une autre histoire. On ne veut surtout rien savoir de faits inappréciables remettant hier comme aujourd'hui en question la volonté de pouvoir et de domination.

Le rôle des médias
Les justifications du pouvoir et de la volonté de domination doivent être transmises à la population ; c'est la tâche des ensembles culturels et des médias. Pour ce faire, il faut imposer une « communauté de pensée » de même qu'une « mise au pas» , car s'il y avait réellement une liberté d'opinion, de la presse et des arts, le danger serait grand qu'on assiste à une remise en question de la volonté de pouvoir et de domination.
Concernant l'Allemagne, qui tomba à la fin de la Seconde Guerre mondiale sous le joug des vainqueurs, on retrouve des documents intéressants, par exemple une directive du Conseil de contrôle allié, du 12 octobre 1946, concernant les limites de la liberté de presse. La presse fut contrainte de ne pas publier d'articles pouvant « diffuser des rumeurs ayant pour but de porter atteinte à l'unité des alliés ou de fomenter des défiances, voire des animosités du peuple allemand contre l'une des forces d'occupation ; diffusant des critiques portant sur l'une ou l'autre des décisions des Conférences des puissances alliées concernant l'Allemagne ou contre les décisions du Conseil de contrôle ; qui inciteraient les Allemands à s'élever contre des mesures démocratiques prises par les dirigeants des zones sur leur territoire ».

Les termes du dernier point sont particulièrement intéressants du fait qu'ils devinrent le modèle d'un régime linguistique officiel qui survécut plusieurs décennies. Il y est question de « mesures démocratiques » des dirigeants des zones, alors que ces derniers n'avaient aucune légitimation démocratique et que ces mesures n'avaient jamais été soumises à des votes populaires.

Revendications sérieuses après la Seconde Guerre mondiale

Mais l'histoire allemande se présenta sous différents aspects à la suite de la Seconde Guerre mondiale. Il y eut des personnalités influentes estimant que le temps de la domination et de la concentration de pouvoir était passé et qu'il fallait mettre les êtres humains, les citoyens, au centre de l'ordre politique - mais pas pour faire semblant ou pour asseoir le pouvoir et la domination, mais réellement. Ce développement fut certainement aussi en liaison avec la « renaissance du droit naturel en Allemagne après 1945 » - selon le titre abrégé d'un article de Arndt Künnecke paru dans la revue spécialisée Annales en 2013. Les idées de ces personnalités se sont retrouvées dans de nombreuses formulations de la Loi fondamentale allemande de 1949 - notamment dans les articles de 1 à 20 - et servent aujourd'hui encore comme base pour la remise en question des velléités de pouvoir et de domination par le droit réglementé.

Le droit à la liberté d'opinion...

La liberté d'opinion est un des droits fondamentaux et il est ancré dans l'article 5 de la Loi fondamentale. Le Tribunal constitutionnel allemand a, au cours de plus de soixante ans de jurisprudence, toujours jugé en fonction de cette liberté en précisant constamment son sens. Le dit jugement de Lüth de 1958 est spécialement remarquable. On y lit :
« Le droit fondamental de la liberté d'opinion est l'un des droits humains les plus importants, du fait qu'il est l'expression même de la personnalité humaine dans la société. [...] Il est réellement constituant de l'ordre étatique libre et démocratique, car il permet la permanente réflexion spirituelle, la lutte pour les convictions représentant son élément vital. [...] Dans un certain sens, c'est la base même de toute liberté [...]. »
En se penchant sur cette formulation, on découvre que la liberté d'opinion présuppose la diversité des opinions, et ce n'est que cette diversité, qui ouvre la voie à la « permanente réflexion spirituelle » dont parle le Tribunal. Dans la vie politique concrète, on ne peut ni réduire ni décréter la « vérité ». Une sorte de « vérité » politique ne peut naître que sur la base d'un large échange ouvert et sincère, d'égal à égal et d'un dialogue entre divers points de vue dans le cadre d'un consensus sur les questions éthiques fondamentales.

... est en contradiction avec l'« absence d'alternatives »

Cette formulation ne correspond absolument pas à la politique d'« absence d'alternatives » comme l'Allemagne la subit depuis que Mme Merkel est chancelière ... et le fait que l'opposition la contre dans le pays et au-delà ait prit de l'ampleur est entièrement justifié. C'est la preuve que les droits des citoyens des êtres humains ne sont pas tombés dans l'oubli. Le fait qu'un grand nombre de personnes n'accordent plus leur confiance aux médias, qui sont devenus les instruments transportant les tentatives de justification du pouvoir et de la domination, se comprend et c'est entièrement justifié. D'autres médias ont par contre gagné en importance.

La critique contre l'actuelle situation médiatique enfle et ce sont généralement des critiques fondées. Les agissements des médias font aussi partie de la liberté d'opinion et à la diversité de pensée - et c'est très bien ainsi. Certains médias abusent du droit fondamental de la liberté d'opinion. Toutefois, la liberté d'opinion a ses limites : elles sont définies dans l'article 5 de la Loi fondamentale dans les dispositions légales concernant la protection de la jeunesse et le droit au respect de l'honneur personnel. Mais même dans ce domaine la Tribunal constitutionnel a défini un large cadre. A cela s'ajoute le devoir de respecter la liberté d'opinion dans les limites des prescriptions des lois générales. Il faut néanmoins prendre en compte que le Tribunal constitutionnel a précisé dans sa décision de 1958 déjà évoquée, que toute limitation de la liberté d'opinion par les lois générales devait être jugée à la lumière de l'importance fondamentale de la liberté d'opinion.

A présent l'Etat allemand s'en prend à la liberté d'opinion

En prenant tout ceci en considération, on ne peut qu'être vivement préoccupé par le fait que l'Etat allemand lui-même veut réduire la liberté d'opinion et que ses représentants parlent déjà ouvertement de projets législatifs. « Une loi en préparation doit interdire la diffusion de fausses nouvelles. Cependant cette loi servira plutôt à maintenir les structures du pouvoir », écrivit le site internet de la publication hebdomadaire Freitag le 26 décembre 2016. L'hebdomadaire allemand Junge Freiheit écrivit le 27 décembre :
« L'idée de devoir protéger la population de la "déstabilisation" par de "fausses nouvelles" relève de l'arrogance, d'une mentalité de supériorité, de l'autoritarisme. La population est capable de discerner les stupidités et les absurdités sans l'aide d'une gouvernante. Cela ne crée aucun danger pour la liberté d'opinion et le débat démocratique. En cas d'atteinte à la personnalité, les lois en vigueur suffisent. »
Nombreuses sont les voix qui vont dans le même sens - ce qui est bien. Même le président de l'Association des journalistes allemands a déclaré le 23 décembre dans un communiqué de presse qu'il est « indéniable que le débat public ne doit pas souffrir durablement suite à de "fausses nouvelles". Mais ce ne sont certainement pas les autorités qui doivent décider de ce qui est vrai et de ce qui est faux ». Cela ressemble fort à un « ministère de la vérité ».

Une licence pour mentir ?

Il se trouve que la déclaration du philosophe viennois Konrad Paul Liessmann du 26 décembre 2016 au Deutschlandfunk tombait à pic :
« En politique, il y a toujours eu des phénomènes de démagogie, de propagande, de promesses, notamment en périodes d'élections qui, bien sûr, ne pouvaient être honorées, du fait que la politique à affaire à la stratégie, au maintien du pouvoir, à la tactique. On peut lire déjà chez Machiavel que, quand il s'agit de maintenir le pouvoir, le prince, le souverain ont tout naturellement une licence pour mentir. Cela va de soi! Autrement dit, c'est un problème séculaire. »
Il serait heureux, dans une telle situation, qu'il se forme un « centre de défense contre la désinformation ». Mais, voilà, ce serait le renard dans le poulailler. Le ministre fédéral de l'Intérieur veut transformer ce « centre » en « unité regroupée » au sein de l'agence de presse fédérale dans la chancellerie. Dans une note à l'intention du ministre, on précise, selon Spiegel online du 23 décembre 2016, qu'« il faudrait agir rapidement en vue des élections parlementaires fédérales. » Voilà que tout est clair!

Attention : ne pas se laisser provoquer

Emmanuel Kant avait déjà répondu en 1783, c'est-à-dire 6 ans avant la révolution française, à la question : que sont les Lumières? avec une prise de position contre la violence :
« Une révolution apporte peut-être la disparition d'un despotisme personnel, d'une oppression due à la volonté de s'enrichir et de dominer, mais ne produira jamais un réelle réforme de la mentalité ; de nouveaux préjugés tout comme les anciens, seront la base des réflexions de cette foule d'inconscients. Dans l'esprit des Lumières, on ne demande rien de moins que la liberté ; la moins dommageable possible, c'est-à-dire la liberté d'user de sa raison publiquement et en toutes circonstances. »
Nous devons nous attendre à ce qu'en l'an 2017, il y ait des polarisations suite à des provocations. Tout affrontement direct avec le pouvoir étatique est contre-productif et n'apporte aucune solution. Il est plus intelligent et clairvoyant de s'engager en faveur de la liberté d'opinion. Il y a d'excellents arguments. Et les citoyens allemands ne souhaitent pas de retour en arrière. Là aussi, il faut être honnête envers ses concitoyens, d'égal à égal, résolu et clairvoyant dans les faits ... et humain dans les contacts avec ses semblables.