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Donner sa vie avec l'espoir fou que cela puisse sauver celle des autres. J'ai beaucoup de mal à écrire quelques lignes sur les 50 pompiers sacrifiés de Fukushima.

Que se passe-t-il à Fukushima ? Les informations tronquées s'enchaînent aux informations fausses car tout le staff pro-nucléaire est vent debout pour mentir à qui mieux mieux. Il sait très bien qu'un jour nous saurons tout, mais pour sauver le business, il faut séquencer l'information : au compte goutte, le minimum et le plus tard possible, pour accoutumer l'opinion et compter sur la lassitude quand surviendra le pire. Mettre en accusation le nucléaire est une idée interdite. En France, c'est une cause nationale et chacun est sommé d'arrêter de penser.

Ainsi, on sait bien peu de choses de ce qui se passe à Fukushima, mais une seule est certaine : il y a là-bas une cinquantaine de personnes qui ont hypothéqué leur vie en espérant que leur sacrifice permettra de sauver leur pays, et tant d'autres vies à travers le monde. Des anonymes engagés avec détermination contre des forces terrifiantes. La mission est simple : refroidir coûte que coûte les réacteurs. Pour cela, il faut aller au cœur de la centrale. Les systèmes de refroidissement ayant été détruits, il faut d'une part pomper l'eau de mer, la transporter dans des camions-citernes pour l'injecter dans les réacteurs, et d'autre part actionner manuellement les vannes pour faire baisser la pression.

De tout ce qui je lis, je comprends que ce sont des volontaires. Ted Lazo, expert en radioprotection de l'Agence pour l'énergie nucléaire de l'OCDE explique : « Il mettent leur vie en danger et ils le savent. Seules les personnes volontaires, dûment informées et conscientes des dangers encourus, peuvent être mobilisées en cas d'urgence radiologique, selon les consignes des standards de sécurité internationaux élaborés sous l'égide de l'AIEA (Agence internationale de l'énergie atomique), d'après les recommandations du comité international de protection radiologique. [...] Ils interviennent équipés de combinaisons intégrales, branchées sur un compresseur ou dotées de bouteilles d'oxygène portables, voire d'un casque en surpression, pour se protéger de tout risque d'exposition cutanée, d'inhalation ou d'ingestion de particules radioactives. Ils tentent de se mouvoir dans la chaleur étouffante des bâtiments, due au dégagement de chaleur des combustibles ».
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Passé un certain seuil, les rayonnements gamma percent tout. La dose maximale admissible est de 20 millisievert (mSv) par an pour les travailleurs du nucléaire. Elle a été portée mardi par les autorités japonaises à 250 mSv. Et on évoque des débits de dose radioactive de 400 à 500 mSv/heure.

Pour Olivier Gupta, directeur général adjoint de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), « les niveaux de radioactivité sur le site atteignent désormais des niveaux importants qui mettent en danger les intervenants sur le site ». Analyse confirmée par la Commission indépendante de radioprotection française (Criirad), pour laquelle les « quelque 50 travailleurs encore présents sur le site sont exposés à des doses potentiellement mortelles ».

J'écris ce texte et vous le lisez pendant que là-bas, un homme épuisé, sans nouvelle de personne, est entrain de remettre sa tenue de combat, ses appareils de mesure, son masque et ses bouteilles d'oxygène, pour repartir quelques heures dans cette fournaise vérolée, actionner un camion pompe chargé d'eau de mer ou libérer une vanne en surpression. Il ne connaît plus qu'une loi : le sens du devoir. Nous, vous et moi, nous sommes là, dépassés, à penser à ce héros sans même pouvoir lui dire un mot.

Eux ne baissent pas les bras. Et s'ils réussissaient ? Le pire n'est jamais sûr. Quoiqu'il en soit, au milieu du chaos de cette terre qui bascule, les pompiers de Fukushima ont créé un joyau d'admiration.