La nouvelle technique, développée par une équipe de chercheurs dirigée par Carlos Pulido, est un pipeline logiciel appelé CRISPETa. Il est basé sur un outil révolutionnaire (qui utilise CRISPR-Cas9) appelé DECKO. L'outil a été récemment développé par le laboratoire Johson, et a été spécialement conçu pour retirer ces morceaux d'ADN non codant. DECKO emploie deux sgRNA (single guide RNA - ARN simple guide) comme « ciseaux moléculaires » qui coupent un morceau d'ADN. Bien que le concept puisse sembler simple, la conception des expériences de suppression à l'aide de DECKO a pris beaucoup de temps en raison de l'absence de logiciel pour créer les sgRNA requis.
C'est là que CRISPETa intervient. Les utilisateurs peuvent indiquer à CRISPETa quelle région de l'ADN ils souhaitent supprimer. Le logiciel génère alors une paire de sgRNA optimisés qui peuvent être utilisés directement pour cette expérience. Encore mieux, le logiciel peut développer des conceptions à grande échelle, ce qui permettrait également d'effectuer de futures expériences de dépistage.
« Nous espérons que ce nouvel outil permettra au plus grand nombre possible de chercheurs d'exploiter le pouvoir de suppression par CRISPR dans leurs recherches », a déclaré Pulido.CRISPETa a déjà démontré sa capacité à supprimer efficacement les cibles souhaitées dans les cellules humaines. « En fin de compte, nous prévoyons que la suppression par CRISPR et d'autres outils d'ingénierie génomique conduisent à une révolution dans notre capacité à comprendre la base génomique de la maladie, en particulier dans les 99 % de l'ADN qui ne code pas de protéines », explique le chercheur Rory Johnson. Les effacements pourraient également être opérées dans des molécules d'ARN.
« Mis à part d'être utilisé comme un outil de recherche de base, CRISPR peut même être utilisé à l'avenir comme un puissant outil thérapeutique pour inverser les mutations causant des maladies », a ajouté Johnson.C'est la valeur sous-jacente de la recherche : le logiciel pourrait être utilisé pour développer des ciseaux CRISPR pour supprimer l'ADN non codant et suspecté de causer la maladie. À tout le moins, CRISPETa permettra d'améliorer notre compréhension de l'ADN non codant, ce qui pourrait conduire à la découverte de nouveaux gènes pathogènes, et à aider dans le développement de nouveaux médicaments potentiels pour les traiter et peut-être même éventuellement les guérir.
Traduction : Thomas Jousse
Commentaire : Il y a peu, cet « ADN non-codant » était appelé ADN-poubelle ; on pensait qu'il ne servait pas à grand chose. On se rend compte qu'il est en réalité très important, et qu'il serait comme une série d'interrupteur en position éteint ou allumé, qui s'active en fonction de l'environnement, du mode de vie, des sollicitations et contraintes extérieures. A notre modeste niveau de compréhension, on pourra s'amuser à se poser les questions qui suivent : si l'ADN non-codant est celui qui donne un signal déclencheur pour une maladie grave de type cancer, par exemple, d'où, de qui, de quoi vient ce signal ? Le fait de bloquer ledit signal force-t-il celui-ci à trouver un autre chemin ? Si oui, le fait-il à travers une autre maladie ? Si la maladie est l'expression de quelque chose qui ne va pas, que se passe si l'on coupe tout moyen d'expression à ce « quelque chose qui ne va pas », en mettant, comme il est possible de l'imaginer et de le faire avec CRISP, tous les interrupteurs génétiques initiateurs de maladies en position éteinte, les uns après les autres ?
On pourra également vite comprendre, à la lecture de l'article, ce que pourrait entraîner une mauvaise utilisation de ces outils d'édition génétique derniers cris qui permettent, potentiellement, de supprimer tout ce qu'on veut chez un être humain...