Marchandisation du vivant, appropriation sans autorisation et profit sans partage, sont les maux dont sont victimes les peuples premiers. Leur sagesse, la protection et l'observation de leur environnement, leur permet de se nourrir, se soigner et de vivre en symbiose avec la Nature. C'est sans compter avec les multinationales rapaces, toujours à l'affût de profits sans bourse déliée.

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© InconnuQui paye pour les droits de la Stevia ?
De par ses incroyables propriétés sucrantes, la stevia - plante originaire du Paraguay et découverte par le peuple Guarani - s'est imposée sur le marché alimentaire occidental. Depuis quelques années, l'on voit fleurir dans les magasins et se multiplier les produits utilisant des dérivés de la stévia, pour le plus grand bonheur des adeptes des boissons et autres produits allégés en sucres. Seulement voilà : il s'agirait là d'un cas patent de biopiraterie, et d'une violation des droits des peuples autochtones.

La biopiraterie : définition

Le terme biopiraterie a été inventé en 1993 par Pat Roy Mooney, militant écologiste du Rural Advancement Foundation International (RAFI).

La biopiraterie (ou biopiratage) correspond à l'utilisation abusive de la biodiversité (végétaux, animaux ou micro-organismes) et des savoirs traditionnels autochtones qui leur sont associés, sans l'autorisation de ces populations. Perçue comme une marchandisation du vivant, la biopiraterie est l'appropriation par un moyen juridique d'une ressource naturelle (alors considérée comme un bien commun ou collectif) au profit d'un groupe ou d'une entreprise commerciale privée au moyen de dépôt de brevets ou de marques.
Vécue par les populations autochtones comme un vol de leurs connaissances ancestrales dans le domaine du vivant, la biopiraterie s'accompagne de l'absence d'une juste rétribution pour les populations autochtones. Elle constitue à la fois une menace pour la biodiversité et pour le travail des petits producteurs locaux.

La stevia : une plante sacrée pour les peuples Guarani

Vivant à la frontière du Paraguay et du Brésil, dans la région de la cordillère d'Amambay, les peuples guarani Paî Tavyterâ et Kaiowa connaisent depuis des siècles les propriétés édulcorantes des feuilles de Stevia qu'ils appellent Kaa he'e (herbe sucrée).

Les Guarani adoucissent le maté avec les feuilles de stevia et en font des gâteaux. Ils lui reconnaissent aussi diverses propriétés médicinales : la prévention des caries, l'aide à la digestion, la stimulation intellectuelle, l'action anti-séborrhéique. Ils utilisent également la plante lors des cérémonies sacrées.

C'est à partir du savoir traditionnel des Guarani sur l'utilisation de la Stévia comme édulcorant que découlent presque toutes les commercialisations actuelles de la Stévia sous la forme de glycosides de stéviol.

Usage commercial de la stevia : une appropriation illégale d'un savoir traditionnel ancestral

Bien que l'usage de feuilles de stévia par les Guarani ait été découvert autour de la fin du XIXe siècle, c'est seulement au cours des années 1970 que la stévia a été véritablement commercialisée, au Japon. La stevia est aujourd'hui commercialisée dans de nombreux pays hors du Paraguay, en particulier en Chine.

Sous l'effet des problèmes croissants d'obésité et de diabète, la demande mondiale de produits édulcorants naturels et sans sucre, tel que les glycosides de stéviol, se développe en effet rapidement. De plus en plus de boissons allégées en sucre et de produits peu caloriques inondent le marché et utilisent des édulcorants dérivés de la plante Stévia pour satisfaire la demande des consommateurs.
« Mais alors que les glycosides de stéviol, édulcorants à base de Stévia utilisés par les entreprises multinationales sont issus de la tradition guaranie, ces peuples n'ont reçu aucune compensation pour les ventes de produits contenant de la Stévia, ce qui représente pourtant un marché de plusieurs milliards de dollars US par an ! » dénonce Marion Veber, chargée du programme Droits des peuples chez la fondation de Danielle Mitterand, France-Libertés.
Selon France-Liberté, le développement et la commercialisation de ces édulcorants violent les droits des peuples autochtones qui sont à l'origine du savoir sur les propriétés sucrantes de la Stévia. Il s'agirait donc ici d'un cas patent de biopiraterie.

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© InconnuUne famille Guarani
« Share Stevia », une campagne internationale aux enjeux éthiques forts

La campagne « Share Stevia », d'envergure internationale, lancée en Novembre 2016 par la fondation France Libertés demande à Coca-Cola de cesser ses pratiques de biopiraterie et de respecter les droits des peuples Guarani.

Une pétition, traduite en 5 langues circule et a déjà été signée par plus de 220 000 personnes. L'objectif est de rendre justice aux peuples autochtones détenteurs de savoirs ancestraux en encourageant les entreprises biopirates qui utilisent des glycosides de stéviol dans leurs produits à entrer en négociation avec les peuples Guarani.

Dénoncer les mauvaises pratiques des multinationales
La nouvelle campagne menée par France-Libertés et SumOfUs accuse Coca-Cola de biopiraterie dans le cadre de l'utilisation d'édulcorants issus de la plante Stévia. Elle dénonce l'usurpation de territoire, de la biodiversité et des connaissances par les entreprises multinationales, qui utilisent, commercialisent et tirent profit de la plante ka ́a he ́ê (Stevia rebaudi- ana) sans avoir consulté les peuples Paî Tavyterâ et Kaiowa, auxquels elle appartient en réalité.
Ces entreprises multinationales contrôlent le marché au moyen de brevets et parviennent à vendre les glycosides de stéviol comme un édulcorant naturel, en trompant les consommateurs par une publicité mensongère et un recours à la biologie de synthèse, si l'on en croit les accusations de France-Libertés. A noter que les produits sont fréquemment de couleur verte, ce qui suggère qu'ils contiennent des ingrédients contenant de la stévia « naturelle ». Cependant, tous les produits contiennent des glycosides de stéviol chimiquement ou physiquement purifiés, dénonce France-Libertés.

Selon l'accusation de la fondation France-Libertés, La tendance à l'utilisation des glycosides de stéviol produits par biologie de synthèse menace l'énorme potentiel de la culture de la stévia pour le développement rural dans des pays comme le Paraguay. Elle conduirait en effet à transférer les activités de production depuis les petits paysans vers les laboratoires des grandes entreprise.

Rendre justice aux peuples autochtones

La pétition exige que les multinationales cessent de violer les droits fondamentaux des peuples autochtones et entrent en négociation avec les populations détentrices du savoir traditionnel des propriétés sucrantes de la Stévia : « Nous appelons les producteurs et les entreprises commercialisant des produits à base de Stévia à s'engager dans un processus de négociation avec les Guaranis afin de mettre en place un protocole d'accord pour un partage juste et équitable des avantages issus de l'utilisation de la Stévia », réclame Nabil Berbour, chargé de campagne à SumOfUs.

Établir un partage juste et équitable des avantages découlant de l'utilisation des savoirs traditionnels associés aux propriétés édulcorantes de la Stevia rebaudiana est un projet complexe et difficile, qui nécessite la coopération des entreprises qui produisent et utilisent les glycosides de stéviol.

De leur côté, les communautés Paî Tavyterâ et Kaiowa doivent poursuivre leurs discussions et préciser leurs points de vue et leurs positions pour être préparées à des négociations potentielles.

Renforcer la législation contre la biopiraterie

La Convention sur la diversité biologique (CDB) et le Protocole de Nagoya stipulent que les détenteurs de savoirs traditionnels sur la biodiversité ont le droit de tirer profit des connaissances qu'ils ont développées, protégeant ainsi les communautés autochtones d'actes biopirates.

Ces deux textes posent le principe de l'APA, c'est-à-dire de l'accès et du partage juste et équitable des avantages.

Selon ce principe, l'entreprise ou l'institut de recherche qui tirera profit des ressources biologiques prélevées devra donc redistribuer une partie de ses bénéfices, soit en reversant directement une partie sous forme de redevance (partage monétaire), soit via un partage non monétaire (préservation de la biodiversité ou des connaissances traditionnelles, contribution à des activités de recherche, d'éducation, de formation, de sensibilisation...).

La CDB et le Protocole de Nagoya marquent une avancée certaine dans la protection des ressources de la biodiversité face aux phénomènes de Biopiraterie. Mais la question de leur application pratique reste floue, peu de choses sont précisées dans ces textes de Droit international.


Commentaire : Tout est flou quand il s'agit de Droit international et surtout si la cause concerne les peuples qui sont volés et pillés.


Il est désormais impératif que les gouvernements adoptent une législation efficace afin de garantir l'accès et le partage des avantages au niveau national, et qu'ils introduisent des règlementations plus strictes pour assurer que les entreprises qui commercialisent les produits contenant des glycosides de stéviol ne puissent pas les vendre comme étant « traditionnels », « issus des Guaranis » ou « naturels », ce qui serait manifestement faux.

Concernant les produits issus de la biologie de synthèse, une évaluation du risque doit être basée sur le principe de précaution et doit intégrer des considérations relatives aux effets socio-économiques, en particulier pour les glycosides de stéviol produits par biologie de synthèse. Si les glycosides de stéviol produits par biologie de synthèse sont mis sur le marché, les gouvernements doivent veiller à ce que les entreprises qui commercialisent les produits finis soient contraintes de l'indiquer clairement sur leurs étiquettes.
Sources: