Nouveau sujet de préoccupation alors que les réparations pataugent à Fukushima, les derniers relevés effectués en mer font état d'un niveau de radioactivité plus de 1.000 fois supérieur au seuil toléré.

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© Nicolas Asfouri/AFPUne femme cherche à repérer sa maison détruite parmi les décombres à Otsuchi, le 26 mars 2011
Les travaux n'avancent pas à Fukushima

Quinze jours après le séisme et le tsunami qui ont provoqué des dégâts gravissimes à la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, au nord-est du Japon, l'évolution de la situation reste "imprévisible" a reconnu vendredi le Premier ministre japonnais Naoto Kan, tandis que le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-Moon a appelé les Etats à "tirer des leçons" de cette crise.

Selon un responsable de Tokyo Electric Power (Tepco), l'opérateur du site dont les techniciens tentent désespérément de reprendre le contrôle au péril de leur vie, il ne faut sans doute pas compter sur le refroidissement des réacteurs avant au moins un mois.
Sur le terrain, quelque 700 employés de Tepco, pompiers et militaires sont à l'oeuvre jour et nuit pour tenter de relancer les circuits de refroidissement sans lesquels l'accident pourrait tourner à une catastrophe nucléaire bien plus grave. Sans parler des difficultés techniques qu'ils rencontrent, ils sont fréquemment interrompus dans leur travail par des pics de radioactivité qui imposent l'évacuation immédiate des lieux.

Une brèche dans la cuve de l'un des réacteurs ?

Malgré ces précautions, trois ouvriers chaussés il est vrai de simples bottines en caoutchouc, ont été irradiés jeudi en marchant dans une flaque d'eau hautement radioactive. Deux des trois hommes qui intervenaient dans la turbine située derrière le réacteur 3 ont été hospitalisés avec des brûlures aux pieds.
Cette présence d'eau contaminée n'augure rien de bon. Elle pourrait signifier que la cuve du réacteur est endommagée, d'où une fuite importante de radioactivité et probablement, un délai supplémentaire dans les réparations.

Samedi, Tepco a indiqué avoir découvert de l'eau radioactive à un autre endroit. "Une flaque d'eau fortement contaminée a été découverte au sous-sol du bâtiment de la turbine du réacteur numéro 1" a confirmé à l'AFP un responsable de l'Agence de sûreté nucléaire.
Les raisons exactes de la présence de cette flaque n'ont pas encore été déterminées, mais "il se pourrait que de l'eau de la cuve du réacteur ait fui par des tuyaux ou des valves endommagés reliant (le réacteur) au bâtiment de la turbine" a-t-il ajouté.

En outre, au sous-sol des bâtiments des turbines liées au réacteur 2 et 4, ce ne sont pas des flaques, mais un mètre d'eau qui a été découvert, sans que l'on sache pour l'heure si elle est ou non polluée et à quel degré.
Autre hypothèse un peu moins inquiétante, cette accumulation d'eau pourrait résulter des dégagements de vapeur auxquels ont procédé les équipes de Tepco pour faire retomber la pression dans les réacteurs.
Quoi qu'il en soit, "il devient très important d'évacuer l'eau accumulée dans les unités abritant les turbines, avant que la radioactivité ne remonte" a déclaré Hidehiko Nishiyama, un haut responsable de l'Agence de sûreté.

Des taux de radioactivité alarmants dans l'océan

Au large de Fukushima, les dernières mesures réalisées par Tepco ont révélé des niveaux d'iode radioactif 1.250 fois supérieurs à la norme légale en mer a annoncé samedi l'Agence japonaise de sûreté nucléaire, soit une augmentation considérable en quelques jours. Mardi dernier, le taux d'iode n'était encore "que" de 126 fois le seuil toléré.

"Si vous buvez 50 centilitres d'eau courante avec cette concentration d'iode, vous atteignez d'un coup la limite annuelle que vous pouvez absorber. C'est un niveau relativement élevé" a concédé un porte-parole de l'Agence de sûreté avant d'expliquer que cette radioactivité avait tendance à se diluer avec les marées et ne serait pas nécessairement absorbée en totalité par les animaux et les végétaux marins.

"En outre, la concentration d'iode se réduit de moitié tous les huit jours, donc lorsque les gens mangeront les produits de la mer, sa quantité aura probablement fortement diminué" a ajouté le porte-parole. Soit. Mais dans le même temps, Tepco a fait état de concentration en césium 137 près de 80 fois supérieur à la norme légale, or, les concentrations de cette substance radioactive ne se réduisent de moitié que tous les trente ans...

Considérant que depuis le début de la crise, "les autorités ont en permanence donné l'impression de sous-estimer à la fois les risques et l'étendue de la contamination radioactive", l'organisation écologiste Greenpeace a annoncé qu'elle allait procéder de son côté à des mesures de la radioactivité en dehors de la zone d'exclusion de 20 km autour de Fukushima Daiichi.

La communication gouvernementale passe mal

D'après un sondage réalisé par Opinionway ces deux derniers jours, 69% des Français ne croient pas en la sincérité du gouvernement français dans la crise actuelle. 35% des sondés ont déclaré qu'ils n'avaient "plutôt pas confiance" dans le fait que le gouvernement dise "la vérité sur les conséquences de l'accident nucléaire de la centrale de Fukushima", et 34% n'avaient "pas confiance du tout".

L'Autorité de sûreté nucléaire apparaît à leurs yeux un peu plus crédible, avec tout juste 50% des interrogés qui lui font confiance (12% "tout à fait", 38% "plutôt"). Quant aux conséquences de la crise, 53% des interrogés ne se sont guère inquiétés du nuage radioactif qui a survolé l'Hexagone et 58% d'entre eux estiment qu'à moyen terme, la France n'est pas en mesure de sortir du nucléaire.

Plus de 27.000 morts et disparus

Selon le dernier bilan provisoire communiqué par la police nippone vendredi, la catastrophe du 11 mars a fait 10.151 morts et 17.053 disparus.