Macron President
© Wozjer / AFP
Lorsque le président français Emmanuel Macron eut terminé mercredi son voyage à l'île de Saint Martin, détruite à 95 pour cent par le passage de l'ouragan Irma la semaine dernière, ses habitants y luttaient toujours pour leur survie. Les distributions d'eau et de nourriture restent totalement chaotiques et inadéquates, le risque d'épidémie s'accroît; des milliers de personnes, beaucoup fragilisées, sont sans abri, sans vivres et sans soins.

Officiellement, le cyclone a fait onze morts - presque le tiers de ceux dus à Irma dans les Caraïbes - sept disparus et de nombreux blessés pour lesquels le gouvernement n'a pas voulu jusque-là donner de chiffre. Une première estimation chiffre les dégâts à 1,2 milliard d'euros.

Macron a décidé de se rendre dans l'île sinistrée devant la montée de critiques dans la classe politique d'une part, pointant une « défaillance de l'État », et d'autre part dans la population, visant elle l'impréparation et l'indifférence du gouvernement envers les habitants alors qu'il était clair que l'ouragan le plus puissant de l'histoire de la région allait frapper l'île.

Une réunion de crise avait été convoquée à l'Elysée samedi 9 septembre alors que l'ampleur du désastre était visible depuis deux jours, juste après que la présidente du Front national néofasciste eut critiqué des « moyens de maintien de l'ordre tout à fait insuffisants ». Macron avait ensuite annoncé sur Twitter un « doublement des effectifs militaires et de police ».

Une fois dans l'île, Macron s'est vu confronté à l'hostilité d'habitants laissés pendant des jours se débrouiller seuls sans eau, sans nourriture et sans soins, l'approvisionnement en eau potable et en électricité s'étant effondrés. Aucune mesure d'évacuation n'avait été organisée préalablement et celle organisée après le cyclone a été très sélective, alors que de simples Guadeloupéens venaient secourir des habitants avec leurs voiliers. Les forces envoyées dans l'île auraient surtout protégé les cargaisons d'aide qui n'auraient pas été distribuées.

Un dirigeant syndical guadeloupéen, Elie Domota, a dit sur BFMTV : « Le gouvernement a surtout envoyé deux mille militaires, le GIGN et le GIPN, comme si on était dans une espèce de territoire de non-droit ». Il a accusé le gouvernement de faire « une gestion coloniale de cette catastrophe ». La première initiative de l'État a été « d'évacuer les femmes de militaires et de gendarmes laissant dans le chaos les gens les plus défavorisés ».

Le voyage de Macron, venu avec trois ministres, a surtout été une opération de déminage politique face à ceux qui le critiquaient, pour leurs propres raisons, comme LR, le FN ou Mélenchon. Mais il visait aussi la population travailleuse dans les Caraïbes et en France qui risquait de trop bien juger politiquement les actes de son gouvernement au moment des premières manifestations contre ses ordonnances de destruction du Code du travail.

Macron s'est présenté dans l'île en chef d'État qui « retroussait ses manches » et soucieux de secourir des concitoyens, des symboles calculés et médiatisés à outrance, destinés à cacher le caractère de classe de son gouvernement. Une de ses priorités fut de participer à une patrouille de la gendarmerie le mardi soir et d'appeler à un « désarmement » de l'île.

Des allégations de pillage généralisé immédiatement après le passage du cyclone avaient rapidement été relayées par des responsables politiques français, donnant l'image d'une île soumise à un pillage systématique et organisé, causant la colère des sinistrés.

Un habitant de Saint-Martin a répondu ainsi : « Ça fait quatre jours qu'on est sans eau, sans électricité, il n'y a pas de toit, toutes les affaires sont mouillées, ton bébé, il a deux mois, il faut qu'il se lave, il fait très chaud, il attrape des boutons, et regarde, il y a un autre cyclone [le cyclone, Jose, menaçait] et ils te donnent trois bouteilles d'eau, et en plus ils te disent 'restez chez vous' [un couvre-feu a été décrété] comment tu veux faire, et après ils se plaignent que les gens pillent... ils me donnent trois bouteilles d'eau pour survivre à un cyclone de force 4, il y a l'hygiène sanitaire, mon enfant a deux mois, il faut manger, il faut faire la vaisselle, la lessive aussi, il faut flusher les toilettes, (il est applaudit par des groupes de gens qui passent), c'est plus du vol, c'est de la survie. »

Un miliaire interviewé par le Figaro le 8 septembre dit : « Nous sommes face à des gens qui sont dans le besoin et qui n'ont plus de ressources depuis que l'électricité et l'eau potable ont été coupées ». Il a évoqué des « actes souvent liés à une phase de survie, pour nourrir sa famille. De fait, les commerces ciblés vendent avant tout de l'alimentation de base et des produits de première nécessité...»

Devant les critiques, Macron a refusé « toute idée d'abandon ou de négligence de la part de son gouvernement ». Il a annoncé une reconstruction complète de l'île dont les bénéficiaires en seront les grandes entreprises privées. « Je souhaite faire un appel à l'ensemble des grandes entreprises et nous les mobiliserons » a déclaré le secrétaire d'Etat Benjamin Griveaux sur France Inter, appelant le 11 septembre les grands groupes du bâtiment à participer à la reconstruction.

Macron s'est saisi de la proposition de commission d'enquête sur la gestion de la catastrophe lancée par LR et reprise par Mélenchon, disant qu'il y était « favorable » mais « au bon moment ».

La partie de Saint-Martin rattachée à la France (l'autre partie est sous administration hollandaise) est fortement appauvrie. Le taux de chômage, massif, est de 27 pour cent de la population active. Le nombre de foyers dépendant des prestations sociales est énorme : un tiers de la population bénéficie de la couverture maladie universelle (CMU), près d'un dixième de la population perçoit le RSA. Les deux tiers des foyers fiscaux déclarent des revenus annuels inférieurs à 9 400 euros.

L'infrastructure y a été totalement négligée pendant des décennies causant l'effondrement de l'approvisionnement en eau et en électricité sous l'effet du cyclone. Aux Etats-Unis, la politique des cadeaux financiers au riches sous forme de coupes multiples entre autre dans les services de protection contre les ouragans, a conduit au délabrement de l'infrastructure et à la dévastation toute récente au Texas et en Floride. En France, les politiques systématiques de transfert de richesse du bas vers le haut pratiquées en France par les gouvernements successifs de droite comme du PS mènent à présent à des catastrophes du même genre.

C'est précisément la politique menée à marche forcée et intensifiée par le gouvernement Macron/Philippe. Son indifférence complète face à la détresse des populations touchées par l'ouragan Irma est du même acabit que les cadeaux massifs à l'oligarchie financière annoncés sous forme de la réforme de l'ISF et des réductions de l'impôt sur les sociétés. C'est une politique qui ne peut que conduire à d'autres désastres si elle n'est pas stoppée par la classe ouvrière.