Lundi matin, la gendarmerie nationale, la police militarisée française, a déployé près de 2 500 hommes lourdement armés pour une attaque brutale contre un camp d'environnementalistes à Notre-Dame-des-Landes, près de Nantes.
notre
© Inconnu
Des scènes rappelant une guerre civile se sont déroulées lorsque des bulldozers et des véhicules blindés ont pénétré dans le camp pour détruire une colonie d'une centaine de huttes et de maisons de fortune construites par des manifestants et des fermiers depuis leur installation il y a 10 ans.

Au milieu de la matinée, une dizaine de huttes avaient été détruites, ainsi qu'une tour de guet érigée par les activistes pour surveiller leur site, a déclaré aux médias la préfète de la région, Nicole Klein. Six personnes vivant dans l'un des refuges ont été expulsées, a-t-elle dit, affirmant qu'ils avaient refusé une proposition de relogement du gouvernement. Alors qu'on avait interdit aux journalistes d'approcher du site au début de l'opération, des vidéos donnent une idée de l'ampleur et de la brutalité de l'opération.

Les paysans et militants anarchistes, appelés « zadistes » (de ZAD, Zone à défendre), ont installé le camp en 2008 pour bloquer la construction d'un aéroport international pour desservir la côte atlantique. Le site avait été prévu pour un nouvel aéroport il y a près de cinq décennies, mais le gouvernement français a finalement abandonné les plans controversés d'aéroport plus tôt cette année. Le gouvernement Macron a fait valoir que puisque la décision avait été prise d'abandonner les plans de construction de l'aéroport, les « zadistes » devaient quitter les lieux.

Moins de deux heures après le début officiel de l'évacuation, le ministre de l'Intérieur français, Gérard Collomb, a défendu l'opération. Il a déclaré sur Europe1 qu'après l'annonce de l'arrêt du projet aéroportuaire, le gouvernement voulait que « la vie dans ce secteur revienne à la normale ». Insistant qu'« il fallait que la loi se réinstalle », il a dit menaçant : « l'autorité doit régner partout, la loi doit être respectée partout ».

Il n'y aurait pas d'arrestations, « à l'exception de ceux qui commettent des actes de rébellion » a encore menacé Collomb. Il a dit qu'il serait impossible de savoir combien de temps durerait l'opération et que la police interviendrait « aussi longtemps que nécessaire » pour empêcher de nouvelles occupations. J'espère [...] que dans les quelques semaines, l'ordre sera revenu à Notre-Dame-des-Landes ».

L'assaut violent et les menaces de Collomb interviennent sur fond de mouvement de grèves et de manifestations dans tout le pays. Lundi, la grève des cheminots est entrée dans sa quatrième journée, bloquant environ 80 pour cent des trains. Mardi, un vol sur quatre chez Air France sera annulé en raison d'une grève du personnel. Les étudiants qui occupent des universités un peu partout en France appellent à une « journée d'action » pour dénoncer les projets de Macron de restructurer les universités en conformité avec une politique néolibérale.
Le mouvement de grève fait partie d'une recrudescence internationale de la lutte des classes. En Allemagne, les travailleurs du secteur public sont en grève depuis le début de la semaine pour des hausses de salaires et de meilleures conditions de travail ; la compagnie aérienne Lufthansa a été contrainte d'annuler 800 vols. Aux États-Unis, la grève de dizaines de milliers d'enseignants et de personnel des écoles en Oklahoma est entrée dans sa deuxième semaine. Les enseignants ont aussi fait grève en Virginie-Occidentale et en Arizona. Il y eut déjà cette année les grèves des métallos et des ouvriers de l'automobile en Allemagne, en Turquie et en Europe de l'Est, celles des cheminots et des universitaires britanniques, et les mobilisations des retraités en Espagne.
L'assaut violent et non provoqué contre le camp de protestation pacifique de Notre-Dame-des-Landes par le gouvernement Macron est un avertissement. La classe dirigeante ne reculera devant rien pour réprimer l'opposition explosive de la classe ouvrière contre ses politiques impopulaires pro-patronales et pro-guerre.

« Je ne suis pas sûr que l'envoi des forces de l'ordre contre les manifestants soit la meilleure des tactiques » a mis en garde le dirigeant du syndicat CGT stalinien, Philippe Martinez. Martinez et les autres syndicats ont négocié les attaques contre les droits démocratiques avec Macron et sont horrifiés par le danger d'une explosion sociale et le développement d'un mouvement révolutionnaire indépendant de la classe ouvrière.

Lundi soir, des manifestations de solidarité en faveur des militants de Notre-Dame-des-Landes ont eu lieu dans l'ouest de la France, ainsi qu'à Paris, Lyon et Marseille. La plus importante eut lieu à Nantes où, selon la police, quelque 1 200 personnes se sont rassemblées. A Rennes, environ 200 manifestants se sont rassemblés sur la place Sainte-Anne en scandant: « Ils détruisent, nous reconstruisons ». Vers 20h45, les forces de l'ordre auraient tiré des gaz lacrymogènes sur les manifestants.

A Paris, des centaines de manifestants se sont rassemblés dans le quartier de Belleville au nord-est de la capitale. Ils ont bloqué la rue de Belleville avec des barrières de construction et ont scandé: « Qui est ZAD? Elle est à nous » et « ZAD partout », « expulsion nulle part ». Marylène, une fonctionnaire de 49 ans qui a participé à la manifestation spontanée, a déclaré à un journaliste: « Envoyer 2 500 gendarmes pour évacuer des familles, parfois avec des enfants, est digne d'un régime autoritaire. »