Bangui a été le théâtre ce 1er mai d'affrontements violents qui ont causé la mort de 16 personnes. En réaction à des échauffourées avec la police, un groupe d'autodéfense a attaqué une église. Une foule en colère a ensuite lynché deux musulmans.
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© VOA/Freeman SipilaDes responsables catholiques à la morgue devant le corps de l'abbé Albert Tongomalé Baba tué dans l'attaque de l'Eglise FAtima, à Bangui, 1er mai 2018.
La capitale centrafricaine a été touchée par une flambée de violences ce 1er mai. Au moins 16 personnes ont perdu la vie lors de plusieurs affrontements. Un premier incident a impliqué le groupe d'autodéfense centrafricain « Nimery Matar Djamous », connu sous le nom de « Force ». Un des membres de ce groupe armé, l'un des principaux du PK5, quartier musulman et poumon économique de la capitale, aurait été blessé par des forces de sécurité intérieures.

En représailles, «Force» aurait ensuite pris d'assaut l'église Notre-Dame de Fatima dans laquelle étaient rassemblés des centaines de fidèles catholiques pour une messe en hommage à saint Joseph, patron des travailleurs. Ils y ont fait plusieurs victimes, dont le prêtre, alors présent dans l'église. En début d'après-midi, en réaction à ces morts, différents groupes de personnes en colère se sont alors rassemblés en différents points de la capitale.




Deux personnes suspectées d'être des musulmans ont ensuite été brûlées vives à Lakounga, selon une source médicale. Une mosquée a été incendiée par des manifestants dans ce même quartier, où la Mission des Nations unies en Centrafrique (Minusca) a affirmé avoir dépêché une patrouille. Les forces de sécurité ont alors dispersé la foule.


Selon un bilan provisoire, au moins 16 personnes - dont un policier, un prêtre et un enfant - ont été tuées, et 96 autres blessées au cours d'échanges de tirs dans les environs du quartier musulman du PK5, selon des sources médicales concordantes.

La crainte d'un retour des violences entre communautés religieuses

« Des échanges de tirs intenses ont été enregistrés en fin de matinée à Fatima, dans le 3e arrondissement de Bangui, entre les forces de sécurité intérieure et des éléments armés du groupe criminel du dénommé "Force". Ces derniers auraient ouvert le feu après l'arrestation d'un des leurs par les forces de sécurité intérieure», a précisé la Minusca dans un communiqué.

« [Ces] actes dignes de la plus grande lâcheté ont conduit à la mort de plusieurs civils, dont celle de l'abbé Albert Tougoumalé-Baba », a quant à elle déploré l'Organisation des Nations Unies. Le cardinal Nzapalainga, chef de l'Église catholique dans le pays, doit s'exprimer ce 2 mai à Bangui, dès son retour d'Europe. Dans un communiqué, les membres du G5 (Nations unies, Union africaine, Communauté économique des États de l'Afrique centrale, Union européenne, France et États-Unis) ont eux condamné « sans réserve » les attaques contre l'église de Fatima et la mosquée de Lakounga.

Bangui, relativement épargnée par les violences depuis plus d'un an alors que des groupes armés sévissent dans le pays, connaît un regain de violences depuis environ un mois. Début avril, les forces de sécurité centrafricaines et la Minusca avaient lancé une opération militaire visant à déloger les groupes armés du PK5, s'attaquant notamment aux milices du «général Force» afin de ramener la paix dans ce quartier. Au moins deux personnes avaient été tuées dans des affrontements et au moins 56 autres, dont des Casques bleus, avaient été blessés.

En Centrafrique, l'un des pays les plus pauvres du monde, l'État ne contrôle qu'une maigre partie du territoire national, tandis que les groupes armés s'affrontent dans les provinces pour le contrôle des ressources, notamment les diamants, l'or et le bétail. En 2013, un conflit inter-confessionnel a éclaté dans le pays. Il a notamment opposé les milices de la Seleka, à majorité musulmane et fidèle au président Michel Djotodia, à des groupes d'auto-défense chrétiens et animistes, les anti-balaka, fidèles à l'ancien président François Bozizé.

En décembre de la même année, la France, dans le cadre de l'opération Sangaris, a envoyé sur place plus de 1 000 soldats. Le 23 juillet 2014, un accord de cessation des hostilités a été signé entre les belligérants. Depuis, de nombreux affrontements ont lieu en Centrafrique entre différentes factions armées.