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© Emmanuel DUNANDLe futur c'est ce qu'ils décident pour tous.
Choix des priorités dans les dépenses ou encore durcissement des prérequis pour bénéficier des fonds européens, le nouveau budget proposé par Bruxelles fait débat. Parmi les perdants potentiels : des secteurs économiques et des pays membres !

Après le début de cacophonie européenne au mois de mars provoquée par les sanctions antirusses des uns et la retenue significative des autres dans le cadre de « l'affaire Skripal » et après la discorde d'avril déclenchée par un projet de taxation des GAFA au sein de l'Union européenne, celle-ci s'apprête à affronter une nouvelle zone de turbulences qui devrait une fois de plus mettre son unité à l'épreuve. Cette fois, c'est l'annonce d'un nouveau budget européen qui pourrait entraver l'harmonie européenne, apparemment difficile à trouver.

A l'heure où les 27 doivent dorénavant compter sans le Royaume-Uni, Bruxelles a proposé une hausse du prochain budget européen, le faisant passer à 1 279 milliards d'euros pour la période 2021 - 2027, contre 1 033 milliards pour la période 2014-2020.

Choix des priorités : « aucun massacre » ?

Dans la description du budget annoncé, on note que Bruxelles prévoit d'augmenter les dépenses dans certains secteurs et de les réduire dans d'autres. Parmi les « gagnants » : la recherche et l'innovation, dont les dépenses pourraient augmenter de 50 % ; la sécurité, dont le budget bénéficierait d'une hausse de 40% ; ou encore le programme Erasmus, qui organise des échanges d'étudiants et d'enseignants entre universités, et pour lequel la Commission européenne prévoit de doubler les fonds.

A l'inverse, on constate une volonté de diminuer les dépenses pour la PAC (Politique Agricole Commune), dont le budget pourrait baisser de 5 %, dont 4% au niveau des subventions directement versées aux agriculteurs. Alors que ces derniers se sentent déjà menacés par l'accord de libre-échange UE-Mercosur, cette annonce pourrait bien accroître encore davantage leur mécontentement. De son côté, le commissaire européen au budget, Günther Oettinger, se veut rassurant. Il présente cette baisse des dépenses comme « acceptable » du fait du Brexit, avec lequel le second contributeur net européen de la PAC quitte l'UE. Jean-Claude Juncker ajoute : « Nous ne faisons aucun massacre, ni de la politique de cohésion ni de la PAC »...

Le président de la Commission européenne n'utilise pas le mot de « cohésion » par hasard : en effet, l'enveloppe portant ce nom, et qui permet de financer les projets des « régions européennes », devrait faire face aux coupes budgétaires les plus drastiques avec une baisse de 7% de ses dépenses.

« Valeurs européennes » : le prérequis pour accéder aux fonds

Pour accompagner la proposition de ce budget, la Commission européenne a souhaité rappeler les critères d'éligibilité à respecter pour bénéficier des fonds structurels. Son président se montre catégorique : « Le respect de l'état de droit est une condition préalable indispensable à une saine gestion financière et à une mise en œuvre efficace du budget ».

Plus qu'un avertissement, cette déclaration s'inscrit dans un contexte tendu entre Bruxelles et certains Etats membres, en tête desquels se trouvent la Hongrie et la Pologne. En effet, mercredi 25 avril, l'UE ouvrait un dossier d'infraction contre la Hongrie à propos d'une loi imposant de nouvelles obligations à certaines catégories d'ONG bénéficiant de capitaux étrangers. En outre, fin 2017, une procédure contre la Pologne avait été déclenchée par la Commission européenne en raison de réformes judiciaires controversées entreprises par Varsovie.

Dans cette atmosphère tendue entre Bruxelles et certains pays membres, début avril, la fondation Jacques Delors Institut présentait fièrement son dossier sur « les défaillances de l'état de droit [au sein de l'UE] » et sur « la réponse européenne » à y apporter. Cette thématique avait déjà été évoquée par Emmanuel Macron, en février dernier, qui proposait de priver la Pologne et la Hongrie d'aides de l'UE, arguant d'un non-respect des « valeurs européennes ».

Confrontée à une « harmonie européenne » qui semble ne pas venir naturellement, alors que les griefs nourris par les Etats membres à son encore se multiplient, la Commission européenne semble paradoxalement décidée à serrer la vis. Elle a ainsi prévenu qu'elle pourrait désormais suspendre les transferts de fonds européens à certains pays dans le cas où les juges et les autorités locales ne pourraient pas garantir « une gestion financière sérieuse » de ces ressources.