Selon un reportage de CNN vendredi, le fondateur de WikiLeaks Julian Assange risque d'être obligé de quitter l'ambassade équatorienne à Londres. Il ferait alors l'objet d'une arrestation par les autorités britanniques et d'une éventuelle extradition vers les États-Unis, où il pourrait être condamné à la réclusion à perpétuité ou à la peine de mort sur la base d'accusations d'espionnage.
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© InconnuJulian Assange
CNN a déclaré que « de multiples sources ayant connaissance » de la situation « inhabituellement mauvaise » d'Assange ont averti qu'il pourrait devoir partir de l'ambassade « à tout moment » - soit qu'on l'expulse, soit en conséquence d'une pression si forte qu'il pourrait partir de son propre gré.

Depuis qu'il a demandé l'asile politique à l'ambassade en 2012, Assange a été effectivement détenu dans une minuscule chambre sans inculpation pendant 2 726 jours. Pendant 59 jours, il a été privé de visites, et de communications extérieures depuis que le gouvernement équatorien a coupé son accès au monde le 28 mars.

Assange est maintenant seulement autorisé à voir ses avocats, qui disent que leurs téléphones portables sont bloqués pendant qu'ils sont à l'intérieur de l'ambassade.

CNN a déclaré de façon inquiétante que la sortie d'Assange de l'ambassade « pourrait ouvrir une nouvelle phase pour les enquêteurs américains désireux de savoir ce qu'il sait ». Cela indique qu'Assange pourrait être soumis à un interrogatoire forcé ou à l'isolement prolongé, comme Bradley [maintenant Chelsea] Manning, dans une tentative de le briser psychologiquement.

« La préoccupation, du premier jour jusqu'à maintenant, est que si Julian Assange quitte l'ambassade, il sera extradé pour faire face à ce que le directeur exécutif de l'ACLU (Union américaine des libertés civiles) a qualifié de poursuites 'sans précédent et inconstitutionnelles' dans le cadre de la loi américaine contre l'espionnage » a expliqué l'un des avocats d'Assange, Melinda Taylor à CNN.

L'article 794 de cette loi, qui porte sur la transmission d'informations à un ennemi en temps de guerre, prévoit la peine de mort. L'année dernière, le directeur de la CIA, Mike Pompeo, aujourd'hui secrétaire d'État américain, a qualifié WikiLeaks de « service de renseignement hostile non-gouvernemental ». Pompeo a déclaré: « Leur donner l'espace pour nous écraser avec des secrets détournés est une perversion de ce que représente notre grande Constitution. Maintenant c'est fini. »

Taylor a déclaré à CNN:
« Au cours des huit dernières années, le Royaume-Uni a refusé de confirmer ou de nier avoir reçu une demande d'extradition des Etats-Unis. En même temps, ils ont refusé de garantir que Julian ne serait pas extradé vers les États-Unis si une telle demande devait être déposée et maintenue une veille policière constante devant l'ambassade, malgré une directive de l'ONU de prendre des mesures pour assurer la liberté immédiate de Julian. »
« Leur silence en dit long, en particulier à la lumière des récentes déclarations de responsables américains selon lesquelles l'arrestation et l'extradition de Julian sont une priorité. »

En avril 2017, le procureur général américain Jeff Sessions avait déclaré que l'arrestation d'Assange était une « priorité ». « Nous avons déjà commencé à redoubler d'efforts et dès que nous pourrons obtenir gain de cause, nous mettrons certaines personnes derrières les barreaux » avait-il dit lors d'une conférence de presse.

Pendant près de huit ans, les autorités américaines ont poursuivi une enquête secrète de grand jury sur WikiLeaks, lancée sous l'administration Obama.

Les autorités américaines ont redoublé d'efforts pour faire taire Assange à cause de la publication en cours par WikiLeaks de documents dévoilant les opérations criminelles de ses agences militaires et de renseignement, dont un trésor de codes sources et de fichiers donnant des détails sur les outils de piratage de la CIA.

Le fondateur de WikiLeaks fait maintenant face à des accusations criminelles liées à des informations non étayées selon lesquelles la Russie l'aurait utilisé comme intermédiaire pour diffuser des courriels prétendument piratés de la campagne de Hillary Clinton durant l'élection présidentielle de 2016.

Le mois dernier, le Comité national démocrate (DNC) aux Etats-Unis a lancé une action en justice, citant WikiLeaks et Assange comme co-conspirateurs avec la Russie et la campagne Trump dans un prétendu effort criminel pour voler l'élection présidentielle américaine de 2016.

Ce qui inquiète vraiment la DNC et d'autres figures de l'establishment politique et du renseignement américain, c'est que les documents publiés par WikiLeaks dévoilent les intrigues de la DNC pour saper la campagne de Bernie Sanders aux élections présidentielles de 2016 et les relations intimes de Clinton avec les banques et les entreprises de Wall Street.

Le président de l'Equateur, Lenín Moreno, qui a pris ses fonctions en mai dernier, est sous pression croissante des Etats-Unis pour expulser Assange. En janvier, Moreno a qualifié Assange de « problème hérité » coûteux et de « hacker », et a clairement indiqué qu'il considérait Assange comme un obstacle à de meilleures relations avec Washington.

Le gouvernement de Moreno a coupé les communications d'Assange juste un jour après avoir accueilli une délégation de l'armée américaine du Commandement Sud (pour l'Amérique latine), dirigée par le général Joseph DiSalvo pour discuter du renforcement de la « coopération sécuritaire ».

Le gouvernement équatorien a accordé l'asile à Assange il y a six ans, après que ses appels juridiques furent épuisés contre l'extradition vers la Suède, soit-disant pour répondre à des questions sur des allégations d'agression sexuelle fabriquées. Les autorités suédoises ont finalement abandonné leur enquête crée de toutes pièces en mai dernier, mettant fin au mandat d'arrêt européen contre lui.

Le gouvernement britannique de Theresa May, un proche allié des Etats-Unis, a néanmoins refusé d'annuler un mandat d'arrêt britannique contre lui, nominalement pour avoir échappé à sa comparution au tribunal lorsqu'il a demandé l'asile.

Le Département d'Etat américain a refusé de nier une demande d'extradition d'Assange. Un responsable a déclaré à CNN: « Par principe, le Département d'Etat ne confirme ni ne dément l'intention du gouvernement américain de demander des extraditions. »

La semaine dernière, le journal britannique, The Guardian, qui avait publié à l'origine certaines des révélations dévastatrices de WikiLeaks en 2010, a lancé une sale campagne pour justifier l'abandon par l'Équateur du maintien de l'asile d'Assange.

Tout en affirmant, sans aucune preuve, qu'Assange avait violé les systèmes de sécurité des communications de l'ambassade, le Guardian a révélé que les autorités équatoriennes avaient surveillé tous les visiteurs d'Assange, dont l'un avait déjà été interrogé par le FBI.

Cela témoigne d'une collaboration étroite entre les agences de renseignement équatoriennes et américaines, ainsi que de la complicité du Guardian et d'autres médias institutionnels.

L'éditorialiste du Guardian, James Ball a déclaré qu'Assange « devrait se rendre et quitter l'ambassade ». L'article à la une du Guardian énonçait le scénario voulu: « S'il quitte l'ambassade, il peut s'attendre à ce qu'il soit arrêté et incarcéré pendant un an pour n'avoir pas respecté les termes de sa liberté sous caution. Les États-Unis pourraient alors chercher à le faire extrader. Il contesterait toutes ces tentatives et pourrait bien obtenir gain de cause, mais il devrait faire face à un long séjour inconfortable en prison, le temps que son dossier soit traité. »

Rien de tout cela ne serait possible sans la collaboration de gouvernements australiens successifs, à commencer par celui de la première ministre travailliste, Julia Gillard. En décembre 2010, elle a qualifié Assange de criminel et s'est engagée à aider l'opération américaine pour arrêter le citoyen australien.

La menace à laquelle Assange est confronté n'est pas un problème individuel. Elle fait partie d'une campagne intensifiée du gouvernement américain et de ses partenaires pour imposer une censure en grand d'Internet afin de bloquer le développement de l'opposition ouvrière de masse à l'aggravation des inégalités, à l'austérité et aux préparatifs de guerre.

Des allégations non fondées de « fausses nouvelles » sont utilisées par Google, Facebook et d'autres géants des médias sociaux pour restreindre l'accès aux sites web - en particulier le World Socialist Web Site - qui dévoilent les machinations de la classe capitaliste et de ses agences et proposent une perspective politique d'alternative.

Malgré l'intensification de la conspiration gouvernementale et médiatique, il existe un soutien public profond pour Assange à l'échelle internationale, précisément à cause des révélations accablantes fournies par WikiLeaks. Nous appelons les travailleurs et les jeunes du monde entier à se porter de toute urgence à la défense d'Assange et à exiger sa liberté immédiate.