Lundi 29 octobre 2018, des ouvriers travaillant à la réfection du sous-sol de la nonciature apostolique du Vatican de la via Po, à Rome, découvrent un squelette et des ossements humains dans l'ancienne villa du gardien, restes humains pouvant appartenir à deux personnes de sexe féminin. Pourrait-il s'agir des corps de Mirella Gregori disparue le 7 mai 1983 et de celui d'Emanuela Orlandi qui s'est volatilisée le 22 juin, toutes deux âgées d'une quinzaine d'années ?
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© Corriere della sera
Tous les milieux ont rapproché ces deux disparitions avec la tentative d'assassinat du pape Jean-Paul II survenue le 13 mai 1981 sur la place Saint-Pierre. Après l'arrestation de Mehmet Ali Agça, un Turc de 23 ans, ancien membre des Loups gris et fiché par INTERPOL comme terroriste pour avoir abattu le 1 février 1979 le rédacteur du journal Milliyet.

Les suspicions ont porté sur : le KGB - la Stasi - le SB - la CIA - la loge P2 - les brigades rouges - l'extrême droite italienne - les loups gris - la piste islamique - l'IOR (la banque du Vatican)- le Servizio per le Inforzioni e la Sicurezza MIlitare, sans oublier les différents services du Vatican qui dispose d'un excellent réseau de renseignement (l'office de vigilance pour l'intérieur) et d'une liaison avec les autorités Italiennes pour l'extérieur.

Mirella Gregori quitte l'appartement familial le 7 mai 1983 après s'être entretenue par l'interphone avec un ami se présentant comme Alessandro De Luca, pour le rejoindre au bar voisin avant de s'en aller jouer de la guitare au parc Villa Torlonia. Les enquêteurs vont découvrir qu'Alesandro n'était plus en contact avec Mirella depuis plusieurs mois, et qu'il était en compagnie d'un camarade au moment des faits. Il arrivait à Mirella de se faire un peu d'argent de poche, depuis 1980, en présentant des produits cosmétiques de la marque Avon. Le 23 octobre, un appel téléphonique parvient à CBS, l'appelant dit, avec un accent étranger, que Mirella a été choisie comme otage... L'enquête va démontrer que la jeune fille a été vue en compagnie du chef adjoint de la police du Vatican dans ce même bar. Le décès opportun de ce témoin mettra un terme à l'identification de l'individu désigné.

Le mercredi 22 juin 83, Emanuela Orlandi, 15 ans, la fille d'un fonctionnaire héréditaire du Vatican, quitte l'appartement situé dans un immeuble de 3 étages donnant sur la place Sant- Egidio, vers 16 h 30. Elle emprunte le chemin habituel pour quitter l'enceinte du Vatican par la porte Saint Anne, issue jouxtant les logements de la garde pontificale suisse qui a en charge les contrôles d'identité des visiteurs. Il a été établi qu'il arrivait à Emanuela de bavarder avec le capitaine Aloïs Estermann (le 4 mai 1998, le commandant Aloïs esterman, son épouse et le caporal Cedric Tornay seront retrouvés morts par balles...). L'enceinte franchie, elle se dirige vers l'arrêt de bus pour se rendre à l'Ecole Tommaso ludovico de l'institut pontifical de musique sacré sise dans le palais Saint Apollinare (bâtiment bénéficiant de l'extraterritorialité) pour un cours de musique. Elle est abordée, corso Rinascimento, par un trentenaire bien mis de sa personne, qui se présente comme un représentant de la maison Avon... Il propose à Emanuela de participer à un défilé samedi, au palais Bordini, en contre-partie d'une rétribution de 350.000 lires (160 euros). La jeune fille appelle chez elle afin d'obtenir l'aval de sa mère, celle-ci étant absente, c'est sa sœur Federica qui décroche le combiné : « Je voulais savoir si maman était d'accord de m'accompagner au défilé samedi prochain au palais Borromini ? ".

Emanuela arrive à son cours de musique en retard. Elle raconte à son amie Raffaella la cause de son retard avant de quitter son cours vers 18 h 50. Elle a rendez-vous à 19 h avec sa sœur Cristina et un groupe d'ami(e)s devant le Palais de Justice. Elle rejoint l'arrêt de bus sur le Corso Rinascimento. Raffaella qui emprunte le bus de la ligne 64, dira avoir aperçu une jeune femme brune aborder son amie, propos que confirmera Maria Grazia, et de préciser aux enquêteurs qu'elle a déjà aperçu cette jeune femme brune à l'école de musique. Vittoria Arzenton signale la disparition de sa fille le soir à 19 h 20. Deux policiers ont aperçu Emanuela vers 17 h qui parlait avec un homme dont le véhicule de marque BMW et de couleur vert clair, était en infraction. Ils ont remarqué la présence d'un sac portant la marque AVON... La responsable d'Avon confirme que la société n'emploie que des démonstratrices et qu'aucune ne possède une BMW...

Le 1 juillet, la famille Orlandi placarde des affiches avec leur numéro de téléphone. Le téléphone n'en finit plus de sonner, toujours le même refrain, la libération d'Ali Agça détenu depuis plus de 25 mois. Le 5 juillet, le service de presse du Vatican reçoit un appel à 12 h 50, l'interlocuteur exige l'intervention du Pape pour la libération d'Ali Agça, la date limite est fixée au 20. Un nombre est convenu entre les interlocuteurs pour authentifier les appels suivants, le numéro 158. Les Orlandi reçoivent un appel à 14 h, c'est l'oncle qui décroche, on lui fait entendre un enregistrement sur lequel il reconnaît la voix d'Emanuela. Le 6 juillet, l'agence de presse italienne reçoit un appel, le correspondant indique où une enveloppe contenant divers documents d'identification et une cassette ont été dissimulée. L'information est exacte. L'enlèvement est revendiqué au nom du Front Turkesh, une organisation inconnue des autorités turques.

Le 10, le journal Paese Sera reçoit un premier appel à 19 h 15, le correspondant à l'accent slave annonce qu'un message écrit par Emanuela a été déposé proche de l'autel de la chapelle de l'aéroport Léonard de Vinci (Rome). Le journaliste dépêché y retrouve effectivement divers documents personnels et un mot manuscrit : « Chers maman et papa, ne vous faites pas de souci, je vais bien ". L'appel suivant, reçut à 22 h 35, fait mention d'une cassette enveloppée dans une affiche déposée le long de l'escalier de la via Dataria contre le mur du palais. La bande sonore exige la libération d'Ali Agça, son transfert au Costa Rica, en fond sonore..., les gémissements de la jeune fille qui appelle au secours.

Les ravisseurs d'Ornela exigent la mise en place d'une ligne téléphonique directe avec le Cardinal Casaroli, secrétaire d'État. Le Servizio per le Informazioni e la Sicurezza Democratica a connaissance d'un micro-clandestin dissimulé à l'intérieur d'une statuette placée dans salle à manger du prélat. Ce micro-espion y a été installé par la femme de son neveu, une agente du SB... Le Vatican semble être écouté par une armée de taupes logées dans des trous de souris. Un micro dissimulé dans un poste radio trônant dans la salle à manger du Pape a été découvert dans les années 80 ! Le quotidien Il Messaggero du 19 juillet publie un communiqué du Vatican pour confirmer que la ligne téléphonique a été installée, son numéro est le 6 985 auquel il faut ajouter le groupe codique d'authentification convenu (158). Le 27 juillet, la famille Orlandi reçoit un colis postal avec à l'intérieur, le sac d'Emanuela...

Le message du 4 août fait allusion à Emanuela et à Mirella ; le 8, dans une lettre adressée à la mère de Mirella, l'anonymographe demande l'intervention officielle du président italien. Les appels des 12 et 27 septembre passés à la famille Gregori livrent des détails vestimentaires portant sur les sous-vêtements portés par Emanuela ! Les appels ont été passés à partir d'une cabine téléphonique... Une lettre ouverte adressée au quotidien il Messagero postée en RFA, stipule que la jeune fille sera libérée en contre-partie de la libération d'Ali Agça. Tous ces appels et courriers démontrent que leurs auteurs semblent parfaitement informés de tout ce qui se passe derrière les murs du Vatican... Fin 1983, tous les gardes suisses ont été remplacés, sauf le corps des officiers.

En 2005, une chaîne de télévision consacre une émission aux deux adolescentes disparues. Un téléspectateur, anonyme, affirme que le corps d'Emanuela a été placé dans la tombe d'Enrico de Pedis, un truand abattu en 1990, inhumé dans la basilique Saint Apollinare à Rome... On découvre, lors de l'exhumation, des ossements dans une crypte voisine, mais il ne s'agit pas de ceux de Mireilla ni d'Emanuela. En 2008, Sabrina Minardi, l'ex petite amie de De Pedis, affirme que monseigneur Paul Marcinkus, le chef controversé de la banque du Vatican a été à l'origine de l'enlèvement... Mgr Marcinkus, que l'on dit proche de la CIA, arguant de l'immunité diplomatique, n'a jamais pu être entendu par les enquêteurs. Les associés mafieux auraient fait enlever la jeune fille pour faire pression sur sa famille, effondrement de la Banco Ambrosiano et homicide de Roberto Calvi découvert pendu sous le pont Blackfriars à Londres en juin 1982.

Le père Gabriele Amorth, exorciste en chef du Vatican et président d'honneur de l'Association internationale des exorcistes, nommé par Jean-Paul II va lâcher une « bombe vaticanesque ». Il déclare à un journaliste de la Stampa, qu'Emanuela Orlandi a été enlevée dans les rues du centre de Rome : « C'était un crime à caractère sexuel. Des parties ont été organisées, un gendarme du Vatican jouant le rôle de" recruteur. (...) Le réseau impliquait du personnel diplomatique d'une ambassade étrangère au Saint-Siège ». Père Gabriele désigne Mgr. Simeone Duca (décédé), ancien archiviste du Saint-Siège, comme étant l'organisateur de fêtes sexuelles à Rome. Père Gabriele a eu connaissance de ces faits lors de séances d'exorcisme..., et en aurait averti le Saint-Père.

Le Vatican a déjà connu des scandales, des prélats ont exploité de jeunes religieuses comme bonnes à tout faire et à des fins sexuelles, des actes de pédophilie homosexuels... Le frère d'Emanuela, Pietro Orlandi, a rapporté que sœur Dolores, directrice du chœur de l'église Sant' Appolinare : « se méfiait de don Piero Vergari, l'évêque chargé de la paroisse, et qu'elle conseillait aux jeunes filles de s'en écarter, et qu'Emanuela préférait faire ses dévotions dans d'autres églises ». Le mystère de ces disparitions sera-t-il résolu ? Selon, Pino Nicotri, journaliste de L'Espresso, on serait en présence d'enlèvements orchestrés qui étaient connus du défunt pape Jean-Paul II, pour dissimuler des affaires beaucoup plus complexes.