Lanceur Balle de défense
© LP/Philippe de PoulpiquetChaque week-end de mobilisation des Gilets jaunes, des manifestants sont grièvement blessés par ces fameux LBD.
Le Conseil d'État a validé ce vendredi l'utilisation du lanceur de balles de défense (LBD) pour le maintien de l'ordre. Pour le médecin qui a lancé une pétition afin d'obtenir un moratoire, il faut « s'asseoir autour d'une table et discuter ».

Ce vendredi, le Conseil d'État a rejeté les demandes de suspension de l'usage du lanceur de balles de défense (LBD), formulées par la CGT et la Ligue des droits de l'homme (LDH). La plus haute juridiction administrative a estimé que le risque de violences rendait « nécessaire de permettre aux forces de l'ordre de recourir à ces armes ».

Cette décision intervient alors que, chaque week-end de mobilisation des Gilets jaunes, des manifestants sont grièvement blessés par ces fameux LBD. Le docteur Laurent Thines, chef de service en neurochirurgie au CHRU de Besançon (Doubs), a lancé une pétition il y a deux semaines, demandant un moratoire dans l'utilisation du LBD et des grenades de désencerclement. Il détaille l'objet de sa démarche.

Comment réagissez-vous à la décision du Conseil d'État ?

LAURENT THINES. Je suis assez abasourdi qu'il n'ait pas saisi l'occasion de suspendre l'usage de ces armes sublétales. La situation est pourtant gravissime. On parle ici d'armes destructrices qui provoquent des lésions graves (énucléation, traumatismes crâniens, fractures de la mâchoire...) sans compter les séquelles. Quand on perd un œil à 20 ans, ça complique sérieusement la suite de votre existence.

Qu'est-ce qui a motivé votre démarche ?

J'ai d'abord réagi en tant que soignant. Même si je n'ai pas directement opéré de blessés, j'ai eu des remontées par des collègues et je me suis informé par différents canaux. J'ai vu plusieurs images de scanners cérébraux où j'ai pu constater la sévérité des blessures quand les victimes sont atteintes à la tête, ce qui est malheureusement souvent le cas. C'est comparable à ce que peuvent subir des accidentés de la route, des personnes tabassées ou qui chutent d'un échafaudage. Je souhaitais donc inviter mes collègues à s'engager dans ce débat. Mais c'est également une démarche citoyenne. Je me suis engagé dans la médecine par humanisme, on ne peut pas tolérer de telles blessures. Quand c'est trop, il faut réagir.

Êtes-vous surpris par l'engouement suscité par votre pétition (92 676 signatures ce vendredi à 20 heures) ?

Oui, je ne m'y attendais pas. Au départ j'ai reçu beaucoup de témoignages positifs de soignants (aides-soignants, infirmiers, psychologues, kinésithérapeutes, neurochirurgiens...), mais la pétition a largement débordé ce cadre. Le succès prouve que la cause est juste.

armes anti-émeutes
Ces armes sont-elles par nature dangereuses ou s'agit-il avant tout d'un problème d'emploi ?

Ce sont des armes faites pour blesser. Quant aux consignes, elles sont théoriquement claires puisqu'il ne faut pas viser la tête. Or la moitié des blessés graves l'ont été à la tête... Les policiers sont dans une situation difficile, je le reconnais volontiers. Ils se retrouvent en porte-à-faux entre leur hiérarchie et les manifestants. On connaît aussi la difficulté de leurs conditions de travail, avec toutes ces heures supplémentaires non payées. Il y a aussi sans doute un problème de formation. C'est pourquoi la pétition plaide pour un moratoire. Il y a manifestement un problème dans l'emploi de ces armes, donc on s'assoit autour d'une table et on discute.

Impact LBD 40
Quelle est la solution selon vous ?

Elle ne peut être que politique. On nous dit que les LBD valent mieux que l'usage d'une arme à feu. C'est évident. Mais en sommes-nous arrivés à un tel point que le dialogue est devenu impossible et le recours à la violence indispensable ? Tout le monde a envie que ça se calme. Mais dans l'attente d'une solution politique à la crise, le moratoire me semble être la meilleure solution. Pour ne pas ajouter de la violence à la violence.