Le monde entier se rend compte que l'inflation, puisque c'est d'elle qu'il s'agit, est de retour.

Comme souvent, ce qui se passe aux Etats-Unis est annonciateur de ce qui nous attend en Europe. Jetez donc un oeil à l'inflation américaine...

Etats-Unis en surchauffe

Certains indicateurs laissent penser qu'elle serait de l'ordre de 5% aux Etats-Unis. Au premier coup d'oeil, les statistiques récentes d'inflation sont juste dérangeantes, sans plus. Selon Ben Bernanke, l'inflation de base sur les prix à la consommation aux Etats-Unis, en excluant la nourriture, augmente d'environ 1,2% dans les six derniers mois. L'inflation totale des prix à la consommation est montée de 0,4% en février et s'est élevée à un rythme annuel de 3,7% au cours des six derniers mois.

Certains esprits chagrins ou visionnaires pensent que le pire est à venir, avec une « stagflation » dans le style des années 70, où l'inflation est passée de 3,6% en 1973 à un pic de 14,6% en 1980. En réalité, les Etats-Unis n'ont par la même politique, donc il n'y a pas de raison de s'attendre à la même escalade de l'inflation, qui fut à l'époque stoppée par le patron de la Fed, Paul Volcker. Cette fois-ci, les choses pourraient s'avérer pires.

Si vous regardez les prix à la production (indice PPI), le paysage est beaucoup plus angoissant. Le PPI a augmenté de 10% en rythme annuel au cours des six derniers mois, tandis que les prix à l'importation aux Etats-Unis ont atteint un rythme de 14,5%. Ces quelques indicateurs démontrent que l'inflation est déjà en train d'atteindre les pics des années 70.

Mais six mois est une période courte pour analyser les situations. Bien que la politique monétaire ait été accommodante et que les gouvernements aient des budgets déficitaires dans les années 70, il n'y avait, en aucun cas à l'époque, ce qui se passe aujourd'hui. Les taux d'intérêt ont été en dessous des taux de l'inflation pendant 30 mois. A mesure que l'inflation décolle, ce fossé s'agrandit.

Ensuite, il y a le déficit budgétaire. Par rapport au PIB, le déficit est presque le double de celui atteint au plus haut en 1983. Ce qui est pire, c'est que ce déficit est largement financé par la Fed qui, avec le quantitative easing (QE2), achète des obligations gouvernementales, finançant 70% du déficit budgétaire de novembre 2010 à juin 2011, et environ 25% des dépenses totales du gouvernement pendant la même période.

Naturellement, on peut trouver pire dans l'Histoire. Ainsi, la Banque d'Allemagne dans les années 1919-1923 faisait pire en finançant 50% des dépenses du gouvernement de la République de Weimar. On sait comment cela s'est terminé... Il n'y a pas eu d'inflation, non, il en a résulté de l'hyperinflation !

Une augmentation des prix de 10%

Ainsi, les forces tendant à créer de l'inflation sont bien plus fortes qu'elles ne l'étaient dans les années 70. Cela suggère que le décollage de l'inflation sera bien plus sévère lui aussi. Non seulement l'inflation s'élèvera au-delà des 10 à 14% (en taux annuel) connus dans les années 70-80, mais elle va arriver beaucoup plus rapidement aussi.

Tout cela ne semble pas inquiéter outre mesure les membres de la Fed. Certains d'entre eux pensent même que le QE2 pourrait se prolonger au-delà de 2011. En l'état actuel des choses, le CPI, le PPI, et les chiffres des prix à l'importation suggèrent que nous allons voir une inflation aux alentours de 0,8% par mois, ce qui revient à dire environ 10% par an dès l'été prochain.

A ce stade, il ne restera que deux possibilités.

Que peut faire la Fed pour lutter contre l'inflation ?

Tout d'abord, la Fed peut commencer à augmenter les taux d'intérêt et à retirer le stimulus. Mais elle n'ira pas assez vite, et comme l'inflation s'accélère beaucoup plus vite que chacun ne le réalise, elle ne sera pas stoppée et va continuer à accélérer probablement en dépassant les 1,6% par mois, soit près de 20% au cours de l'année 2012.

Dans un second scénario, la Fed va terminer son QE2 comme prévu en juin, terminant ainsi ses achats d'obligations gouvernementales. Dans ce cas, comme les mois de juillet à septembre sont des mois de fort déficit, le montant des bons du Trésor émis sur le marché obligataire va soudainement augmenter d'environ 30 milliards par mois jusqu'à, disons, 120 milliards par exemple. Le Japon, normalement un acheteur fiable et régulier compte tenu de ses larges réserves de change, ne sera pas là pour acheter, trop occupé à reconstruire son économie mise à mal.

Krach obligataire en vue !

Comme l'inflation est déjà une inquiétude pour les investisseurs en emprunts d'Etat, cela augmente la possibilité d'un crash du marché obligataire dans le troisième trimestre de 2011. Le retour en récession pourrait alors peut-être ralentir l'inflation, si l'on peut dire, mais une récession ne la tuera, pas plus qu'elle ne l'a fait en 1974, année de récession.

Voilà des perspectives qui ne sont pas très réjouissantes, cher lecteur. Car, vu la globalisation de l'économie mondiale, ce qui se passerait aux Etats-Unis ne mettrait que peu de temps à se produire en Europe, même s'il y a de sérieuses différences dans les politiques économiques et surtout monétaires.