Alors que le 8e accord de paix signé entre les autorités de Bangui et 14 groupes armés traîne dans son exécution, un quinzième groupe armé issu d'une scission du Rassemblement patriotique pour le renouveau de la Centrafrique vient de naître. Minimisée par les autorités, l'arrivée de ce groupe fait craindre une montée des violences. Décryptage.
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© InconnuLa République centrafricaine
C'est un communiqué de presse, écrit et signé à la main par quelque 80 officiers frondeurs du Rassemblement patriotique pour le renouveau de la Centrafrique (RPRC), qui a annoncé la naissance du quinzième groupe armé dans le pays.
« Très chers compatriotes, nous les généraux officiers et sous-officiers, hommes de rang signataires du "traité de coalition du Parti du rassemblement de la nation Centrafricaine (PRNC)" déclarant officiellement devant tous qu'à compter de ce jour le 28/05/2019 nous prêtons solennellement serment de choisir et prendre pour notre leader incontesté et incontestable monsieur Nourd Gregaza le Président fondateur de PRNC »,
peut-on lire en substance dans ce document dont Sputnik a obtenu une copie.

Le PRNC est le nom donné à ce nouveau groupe armé avec comme chef, Nourd Gregaza, un ancien ministre réputé proche de l'ancien Président Michel Djotodia. À ses côtés, une autre figure très connue dans le pays, Aubin Issa Issaka, chef d'état-major de l'armée toujours sous la présidence Djotodia. Si les dirigeants du PRNC n'ont pas expliqué leur motivation dans leur communiqué de presse, Joseph Lea Ngoula, analyste des questions sécuritaires et géopolitiques pour le cabinet Oring consulting, s'inquiète d'un regain de violence dans la partie sud du pays.

« Il faut déjà redouter un regain de violence dans le sud, car cette faction dissidente pourrait multiplier les attaques sur le terrain pour démontrer sa capacité de nuisance aux autorités de Bangui, afin de contraindre ces derniers à les prendre en compte dans le partage du prix de la paix. Un raccourci pour accéder directement aux avantages qui leur a été refusé dans leur ancien groupe », prévient l'analyste au micro de Sputnik.

Joint au téléphone par Sputnik, Ange Maxime Kazagui, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement centrafricain préfère, quant à lui, relativiser:

« Nous sommes au fait de ce mouvement au sein d'un groupe armé. Pour l'instant, nous investiguons et observons encore les agissements. À ce stade de la situation, nous ne pouvons pas en dire plus. Pour nous, il n'y a que 14 groupes armés reconnus et signataires de accord de paix en Centrafrique », précise-t-il en exclusivité pour Sputnik.

Après le massacre communautaire de mai dans l'ouest du pays ayant fait une cinquantaine de morts, la naissance de ce nouveau groupe armé renforce les craintes que l'accord de paix de Khartoum soit encore plus menacé.

« Cette scission fragilise un peu plus l'accord de paix et freine la mise en œuvre de certaines dispositions adoptées à Khartoum pour stopper les violences contre les civils. Elle est aussi une conséquence directe des mauvaises conditions de négociation de l'accord. En effet, les clauses de cet accord consacrent l'impunité vis-à-vis des rebelles nonobstant les atrocités qu'ils ont commis. L'accord légitime aussi les seigneurs de guerre et conforte leur autorité dans leur fief. Des concessions qui sont de nature à susciter de nouvelles vocations guerrières au lieu de mettre fin aux violences », poursuit Joseph Lea Ngoula au micro de Sputnik.

Pour l'analyste, une accélération de la mise en œuvre des dispositions de l'accord de Khartoum est indispensable, de même que la restauration de l'autorité de l'État dans les préfectures:

« Il faut affaiblir l'emprise territoriale des groupes armés signataires de l'accord en poursuivant ceux qui s'adonnent à des exactions contre les civils, en accélérant la mise en œuvre des dispositions de l'accord de Khartoum et le programme de désarmement, en facilitant le retour rapide de l'armée dans les préfectures à l'exemple du retour observé à Kaga-Bandoro, carrefour de transhumance situé dans le nord de la Centrafrique et déserté par les Forces armées centrafricaines depuis 2014. La restauration de l'autorité de l'État dans les préfectures est un moyen de renforcer la pression sur les groupes armés, de stopper la segmentation qui guette certains groupes et d'affaiblir leur base de soutien », martèle-t-il.

Depuis 2013, la Centrafrique vit sous la coupe de groupes armés et de milices qui commettent d'innombrables violences et exactions.

Un accord de paix a été trouvé en février à Khartoum entre le gouvernement centrafricain et les 14 groupes armés représentés. Cet accord de paix, soutenu par tous les partenaires de Bangui et préparé depuis 2017 par l'Union africaine, est le huitième du genre signé depuis le début de la crise en 2013. Aucun des précédents accords n'a abouti à un retour à la stabilité, pas plus que la présence de la MINUSCA, déployée en 2014 et forte de 11.000 Casques bleus.