Un chercheur en droit guinéen est mortellement agressé avant le match Algérie-Sénégal. Un fait divers provincial qui ne doit surtout pas gâcher la liesse algérienne pour la presse parisienne.


Mamoudou Barry
Au lendemain de la victoire de l'équipe d'Algérie, en finale de la coupe d'Afrique des nations le 19 juillet au Caire, la presse française salue, unanime, la retenue des centaines de milliers de français d'origine algérienne descendues dans la rue pour fêter bruyamment leur victoire. « En France, la folie « fennecs » a aussi gagné plusieurs villes de France. A Marseille, la préfecture a compté 25 000 fans de l'équipe d'Algérie dans les rues au plus fort de la soirée. Le rassemblement a duré jusqu'à 1h30 environ, sans incident.

Dans d'autres villes du pays, comme Metz, Strasbourg, Toulouse, Lille ou Nice, la même ambiance festive s'est emparée des rues » raconte France Inter qui mentionne pudiquement « quelques incidents », sans plus de détails. Inévitables incidents qui émaillent les soirées un peu arrosées... « L'ambiance d'un mariage. La chaleur d'un hammam. » chante Libération, lyrique. Une « ambiance restant festive dans l'ensemble, malgré quelques incidents » se félicite Le Point qui passe rapidement sur les chiffres de la police: près de 200 gardes à vue !

Au même moment, un guinéen musulman, tout juste diplômé docteur en droit de l'université de Rouen, décède sous les coups d'un supporter de l'équipe d'Algérie. Selon sa famille et ses amis, Mamoudou Barry est arrêté à un stop et vient chercher son épouse à un arrêt de bus, lorsqu'il est traité de « sale noir ». Il ne peut pas se laisser insulter de la sorte. Il est entre 20h et 21h selon le procureur de la République. Le match va bientôt commencer et les Algériens de l'agglomération descendent à Rouen pour voir le match. Un témoin confirme le caractère raciste de l'agression. Mais rien n'a filtré dans les premiers jours sur la nationalité de l'agresseur de Canteleu, en banlieue de Rouen.

Il s'avèrerait que l'agresseur est en réalité de nationalité turque. Des caméras de surveillance ont pourtant filmé la scène, au niveau d'un arrêt de bus. Dès l'annonce de sa mort, les réseaux sociaux s'emparent de l'affaire ainsi que des médias africains. L'association des guinéens de France réagit. La presse locale range l'affaire parmi la rubrique des faits divers, sans plus de détail. Le respect de l'enquête, des rumeurs non confirmées, une telle prudence est inhabituelle tandis qu'on commémore à grand bruit le crime « raciste » d'Adama Traoré.

La presse nationale finit par diffuser la très tardive dépêche AFP, le surlendemain. L'agence relate laconiquement ce qui s'apparente à un triste fait divers de province, le contexte du match de football n'apparaît pas, les témoignages du frère de la victime sur facebook non plus. Les nombreuses réactions d'hommes politiques de droite sur Twitter sont passées sous silence. Selon le frère de Mamoudou, qui fait connaître la nouvelle, l'intention raciste du meurtre est indéniable mais l'hypothèse d'un meurtre anti-noir ne correspond pas à l'ambiance festive qui a, comme chacun sait, régné toute la nuit de vendredi à samedi.

A gauche, le silence est assourdissant. SOS Racisme et le CRAN se murent dans un mutisme complice. Le racisme c'est pour les blancs. Tout le monde devrait pourtant savoir ça.