RIC, gilets jaunes
Alors que le parti présidentiel organise sa première université d'été, leurs cadres se persuadent, à l'instar de Gilles Le Gendre, que les Gilets jaunes font désormais partie du passé, la majorité ayant su répondre aux revendications du mouvement.

A l'image des partis de l'ancien monde, La République en marche (LREM) a lancé le 7 septembre à Bordeaux son Campus des territoires, sorte d'université d'été à laquelle quelque 3 000 personnes sont attendues et qui doit notamment préparer les municipales sur fond de tensions. Des tensions qui sont liées au processus d'investiture des candidats pour les élections de 2020 (avec l'épisode Cédric Villani en toile de fond) mais aussi à une fronde interne d'adhérents dénonçant la trop grande verticalité du parti présidentiel. Pour la première université d'été de LREM, ce rendez-vous médiatique revêt une importance capitale.

Il lui faut en effet préserver les apparences, alors que se profile avec la rentrée d'autres points de tensions, tels que l'explosive réforme des retraites. Et pour que la rentrée apparaisse comme apaisée, les macronistes doivent surtout boucler le cycle tempétueux de la crise des Gilets jaunes, ceux-ci ambitionnant de relancer le mouvement après la période estivale. Dans cette optique, certains cadres sont montés au créneau pour affirmer leur optimisme, multipliant les déclarations pleine de confiance.

"La crise des Gilets jaunes est derrière nous parce que nous avons apporté les réponses appropriées"

Sur LCI le 6 septembre, le président du groupe LREM à l'Assemblée nationale Gilles Le Gendre reconnaît ainsi que «les Gilets jaunes existent encore», mais n'hésite pas à faire savoir qu'il a «l'impression que la crise des Gilets jaunes, elle, est plutôt derrière nous». «Et elle est derrière nous parce que nous avons apporté les réponses appropriées», appuie-t-il pour justifier une affirmation qui peut paraître péremptoire. «Depuis l'hiver et le printemps dernier, nous sommes au travail, en disant aux Gilets jaunes ou plus exactement aux Français qui pouvaient se retrouver dans le mouvement des Gilets jaunes, nous vous avons entendu», affirme-t-il encore.

Les Gilets jaunes ont-ils vraiment été entendus ? Interrogé sur LCI le 7 septembre, Julien Denormandie, ministre de la Ville et du Logement, en est lui aussi persuadé, jugeant qu'«il y aura un avant et un après [Gilets jaunes]», et que cette crise a donné au parti présidentiel «beaucoup d'enseignements». «Il y a eu d'abord des annonces faites par le président de la République avec des baisses d'impôts, avec une augmentation des services publics, avec des revendications très concrètes suite aux revendications faites par les Gilets jaunes», explique-t-il pour montrer que le camp macroniste a su, selon lui, répondre aux revendications du mouvement.

Qu'en est-il de l'augmentation des services publics ? Concernant l'école, les enseignants semblent pourtant arrivés en point de rupture avec leur ministre Jean-Michel Blanquer, déplorant leurs conditions de travail précaires. Idem dans le secteur hospitalier, où depuis environ six mois, près de la moitié des services d'urgences sont toujours en grève, attendant des réponses concrètes de la ministre de la Santé Agnès Buzyn. Ils revendiquent, là aussi, une amélioration des conditions de travail du personnel et d'accueil des patients. Quant aux pompiers, la situation semble aussi morose, puisque des dizaines de casernes dans toute la France se sont mises en grève, et manifestent depuis plusieurs mois pour dénoncer les manques d'effectifs et l'augmentation des interventions.

Le mouvement des Gilets jaunes, une braise prête de nouveau à exploser ?

Quoi qu'en dise le parti présidentiel, l'amélioration des services publics se fait donc attendre. Cela n'empêche pas Julien Denormandie d'assurer que le «président, [comme] le gouvernement, [sont] dans une phase de très grande proximité». «Il y aura donc un avant et un après Gilet jaune, j'en ai la conviction», pilonne-t-il en conclusion.

Sur LCI, Philippe de Veulle, avocat de Gilets jaunes, admet un essoufflement du mouvement mais estime «que la mobilisation se fait sur les réseaux sociaux». Il y a encore «beaucoup d'activité», ajoute-t-il. «La colère couve, il y a les braises sous les braises», prévient-il par ailleurs. La crise des Gilets jaunes, un problème latent, à défaut d'être actuellement patent ?

Dernièrement, c'est le syndicat, plutôt centriste et l'un des plus favorables aux réformes libérales, la CFDT, qui, par la voie de son secrétaire général Laurent Berger, confesse le 5 septembre dans les colonnes du quotidien régional Ouest-France : «Je ne suis pas devin mais il est certain que les motifs de déclenchement de cette colère sociale sont toujours là.» Le premier motif de contestation des Gilets jaunes étant le problème du pouvoir d'achat, en particulier chez les classes moyennes et populaires, un récent sondage Elabe, publié le 4 septembre 2019, semble donner raison à cette analyse : 75% des Français pensent que la politique du gouvernement ne va pas améliorer le pouvoir d'achat, 69% qu'elle ne permettra pas d'améliorer la situation du pays, 66% qu'elle n'est pas efficace pour relancer l'économie.