L'assassinat de Derk Wiersum, 44 ans, qui défendait un témoin clé dans une vaste affaire de trafic de drogues, est à la Une de l'ensemble des médias néerlandais ce mercredi 18 septembre. Le meurtrier présumé, un jeune homme âgé de 16 à 20 ans, est toujours en fuite.
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© Inconnu
Les Pays-Bas sont-ils devenus un « narco- État», comme l'a affirmé un syndicat de police néerlandais, quelques heures seulement après l'assassinat d'un célèbre avocat?

Vers 7h30 ce mercredi matin, Derk Wiersum, 44 ans et père de deux enfants, a été abattu de plusieurs balles à quelques rues seulement de son domicile, dans le quartier de Buitenveldert à Amsterdam. L'agresseur, qui s'est volatilisé, serait un jeune homme âgé de 16 à 20 ans. Il fait l'objet d'un appel à témoins lancé par la police, et l'Agence nationale antiterroriste (NCTV) est actuellement à ses trousses.

Le meurtre est à la Une de tous les journaux néerlandais: De Telegraaf y a consacré pas moins de six articles en tête de son site. Même cas de figure pour Het Parool, le quotidien local d'Amsterdam, qui en a mis sept en avant.

Les réactions, elles, ne se tarissent pas plus de dix heures après le drame.
« Un avocat liquidé aux Pays-Bas, c'est du jamais vu », s'est alarmé Remco Andringa, journaliste à la télévision publique NOS.
Un tel acte
« est impensable, car il est contraire aux valeurs néerlandaises », a quant à lui déclaré le doyen de l'Ordre des avocats néerlandais Johan Rijlaarsdam.
« C'est une attaque contre notre État constitutionnel », a de son côté affirmé Ferd Grapperhaus, ministre de la Justice et de la Sécurité.
La Mocro Maffia dans le viseur de la justice

Si ce meurtre fait si grand bruit, c'est que Derk Wiersum n'était pas n'importe quel avocat: il défendait un « témoin de la couronne » - expression désignant un témoin clé dans une affaire de première importance. Son client, Nabil B., est l'un des accusés dans une vaste affaire de trafic de drogue, dans laquelle seize hommes sont suspectés de cinq meurtres et d'une tentative d'homicide aux Pays-Bas entre 2015 et 2017.

Sont également impliqués dans l'affaire Ridouan T. et Saïd R., deux hommes originaires du Maroc qui figurent parmi les criminels les plus recherchés d'Europe, selon Europol. Ils seraient à la tête d'un clan faisant partie de la Mocro Maffia, un réseau marocain de grand banditisme présent aux Pays-Bas et en Belgique. Ce dernier a prospéré grâce à un trafic de cocaïne et de drogues de synthèse mené à partir du port d'Anvers à destination des Pays-Bas. Un trafic souvent accompagné de violences: on estime aujourd'hui à plus de 80 le nombre de règlements de compte entre bandes liés à la Mocro Maffia. On soupçonne également cette organisation de nombreux assassinats.

Si Ridouan T. et Saïd R. sont toujours recherchés et visés par des mandats d'arrêt internationaux, Nabil B. est un repenti: depuis 2017, il a fourni à la police néerlandaise pas moins de 1500 pages de témoignages contre le clan en échange d'une peine allégée. D'où son statut de « témoin de la couronne ». En guise de représailles, le frère de Nabil B., nullement impliqué dans le groupe, a été assassiné l'année dernière. Actuellement détenu, Nabil B. bénéficie depuis d'une protection rapprochée.

L'enquête, ouverte peu après le meurtre de Derk Wiersum, n'établit pour l'instant aucun lien avec Ridouan T. et Saïd R. L'avocate de Ridouan T., Inez Weski, a d'ailleurs indiqué à Het Parool qu'elle comprenait «la spéculation» concernant son client, mais que rien n'indique qu'il est coupable. En tous les cas, les autorités néerlandaises ont promis en mai 2018 une récompense de 100.000 euros à toute personne qui livrerait des informations menant à l'arrestation des deux hommes.

Grave problème de drogue à Amsterdam

Il existe un grave problème de drogue à Amsterdam: un rapport commandité par la maire de la capitale le soulignait début septembre. Intitulé «L'autre côté d'Amsterdam», il révèle que «le crime organisé lié à la drogue exerce une influence notable sur la ville.»

Le principal syndicat policier du pays, le NPB, estime que le gouvernement, et la classe politique en général, sous-estiment la criminalité rampante au sein de la société néerlandaise. Il a déclaré à la suite du meurtre de l'avocat que les Pays-Bas étaient devenus un «narco-État».

En février 2018, le ministre néerlandais de la Justice et de la Sécurité Ferdinand Grapperhaus avait rejeté ce terme, dénonçant un manque de moyens humains pour lutter contre la criminalité.