Dans un discours bref et péremptoire le 31 décembre, Macron a promis d'imposer sa réforme des retraites malgré des grèves de masse et l'opposition écrasante des Français, qu'il a traitée de « pessimisme » et d' « immobilisme ».
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Le 2 janvier, la grève à la SNCF contre sa réforme des retraites est devenue la plus longue grève nationale continue depuis la grève générale de mai 1968: 29 jours. Deux-tiers des Français sont hostiles à sa réforme, et les grèves éclatent dans les raffineries, l'électricité et le gaz, les écoles, et même les opéras et les ballets.

Ceci fait partie d'une montée mondiale de manifestations et de grèves en 2019, de celles dans l'automobile et l'éducation aux USA aux manifestations de masse contre les dictatures néocoloniales et Algérie, au Liban, en Irak et à travers l'Amérique latine.

Les vœux de Macron donnent raison à l'analyse du Parti de l'égalité socialiste (PES) depuis le début de la grève le 5 décembre. Il n'y a rien à négocier avec Macron. Pour le combattre, il faut organiser une lutte ouvrière indépendamment des appareils syndicaux qui négocient avec lui, et mobiliser des couches plus larges des travailleurs pour faire chuter son gouvernement.

Ces vœux ont réfuté la propagande médiatique selon laquelle il ferait de « l'apaisement » le centre de son discours. Macron n'avait fait aucune déclaration publique sur la grève depuis des semaines, pendant lesquelles la presse a spéculé qu'il pourrait faire preuve d' « ouverture » sur sa réforme. Mais dans son bref discours de 18 minutes mardi soir, Macron a démontré qu'il compte imposer sa réforme en une confrontation directe avec les travailleurs.

Il a déclaré,
« Je mesure combien les décisions prises peuvent heurter et susciter des craintes et des oppositions. Faut-il pour autant renoncer à changer notre pays et notre quotidien? Non. Car ce serait abandonner ceux que le système a déjà abandonnés, ce serait trahir nos enfants, leurs enfants après eux, qui alors, auraient à payer le prix de nos renoncements. C'est pour cela que la réforme des retraites sera menée à son terme. »
Critiquant « beaucoup de mensonges et de manipulations » à propos de ses réformes qu'il ne s'est pas donné la peine d'identifier, il a ajouté: « Je ne céderai rien au pessimisme, ni à l'immobilisme. »

Bref, Macron n'abandonnera pas l'augmentation de deux ans de l'âge de la retraite, la casse des régimes spéciaux, ou le calcul des retraites par « points » sans valeur monétaire stable, que l'État peut modifier (en clair, réduire) chaque année. Ceci vise à imposer un système de retraite par classe, où les travailleurs retraités vivent dans la misère alors que les retraités issues des classes possédantes vivent de fonds de pensions privés.

Macron l'a souligné le 1er janvier en décorant Jean-François Cirelli, le chef de la branche française du gestionnaire de fonds BlackRock, de la légion d'honneur. BlackRock pourrait tirer 70 milliards d'euros de bénéfices de l'introduction de systèmes de retraite par capitalisation en France.

Les quelques tentatives de Macron de faire preuve de sympathie dans son discours n'étaient que des banalités manifestement insincères d'un riche banquier qui, terrifié des travailleurs, se terre dans une série d'anciens palais royaux: Elysée, Versailles, fort de Brégançon. Il a commencé par une référence creuse à ceux qui sont seuls ou malades pour les fêtes, puis insisté sur l'intérêt qu'il porte pour les carrières « des enseignants, des professeurs, des soignants. » Il s'en inquiète tellement qu'il compte réduire leurs retraites de 20 à 40 pour cent.

A part ses salutations inévitables aux forces de l'ordre, qu'il a envoyées attaquer brutalement les « gilets jaunes » et les grévistes, il a réservé ses seuls commentaires significatifs pour les syndicats. Il a insisté que sur les retraites, «avec les organisations syndicales et patronales qui le veulent, j'attends du gouvernement d'Edouard Philippe qu'il trouve la voie d'un compromis rapide. »

Il est essentiel pour les travailleurs de prendre le contrôle de leur propre lutte. On ne peut résoudre ce conflit en négociant à l'intérieur de la seule France avec Macron, qui ne donnera rien de toute façon, car cette lutte fait partie d'un soulèvement international de la lutte des classes. La voie pour aller de l'avant est de former des comités d'action indépendants des syndicats, visant à faire chuter Macron dans le cadre d'un mouvement international visant à transférer le pouvoir aux travailleurs.

Les syndicats discutent et négocient la réforme de Macron avec lui depuis son élection en 2017. Plusieurs soutiennent ouvertement beaucoup des réformes, tels la CFDT, qui a refusé de participer aux premières grèves le 5 décembre.

Le rôle de Philippe Martinez, le chef de la CGT stalinienne, n'est toutefois pas très différent. Comme tout l'appareil cégétiste et les partis petit-bourgeois tels le NPA et la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon, Martinez vend la fausse ligne que les travailleurs peuvent convaincre Macron de retirer sa réforme et d'en négocier une autre, avantageuse, pour les travailleurs. Il a donc réagi au discours de Macron en prétendant hypocritement que Macron ne comprend pas la France.

« On a un président de la République enfermé dans sa bulle qui considère que tout va bien dans le pays. C'est de l'autosatisfaction », a-t-il dit sur BFM-TV le 1er janvier. Il a dit vouloir organiser plus de manifestations: « Il faut que le signal d'alarme soit plus fort ».

Il s'est plaint de n'avoir « pas eu d'invitation » aux prochaines négociations syndicales avec le gouvernement le 7 janvier, mais a ajouté qu'il irait quand même: « On les a toutes faites. »

La stratégie en faillite de Martinez, qui vise à bloquer une lutte ouvrière pour faire chuter Macron en faisant miroiter le mirage d'un accord favorable négocié avec lui, est fondé sur un mensonge. Macron ignore les conditions de vie des travailleurs, mais il n'est plus autosatisfait. Des dizaines de témoignages depuis un an de manifestations des « gilets jaunes » ont démontré que Macron, sa femme Brigitte et son entourage vivent tétanisés de peur d'un soulèvement révolutionnaire.

Dans un article du mois dernier intitulé « Brigitte a les pétoches: le couple Macron redoute une insurrection », le magazine Gala cite un ministre anonyme qui dépeint l'effroi de son « entourage et les cabinets ministériels qui sont frileux. On est gouvernés par la peur. » Selon Gala, Brigitte Macron est fâchée des comparaisons entre elle-même et la reine Marie-Antoinette, morte en 1793 guillotinée pendant la Révolution française.

Macron impose ses réformes non pas par inconscience, mais parce que, voulant à tout prix défendre la compétitivité internationale de l'impérialisme français et ses intérêts militaires, il veut transférer des milliards d'euros aux super-riches et aux forces armées. Bien que terrifié par la confrontation qu'il a provoquée avec les travailleurs, il avance consciemment. La seule façon de stopper ses attaques sociales et contre les droits démocratiques, comme l'ont indiqué ses vœux, est une lutte indépendante par les travailleurs pour faire chuter son gouvernement.