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© AFP/CGlPL/GRéGOIRE KORGANOW
Jeudi la Cour européenne des droits de l'homme a condamné la France à payer 500 000 euros à la trentaine de détenus ayant porté plainte pour mauvaises conditions de détention en prison. L'instance recommande notamment « d' envisager des mesures contre le surpeuplement carcéral. »

Une décision "historique" de la cour européenne

Ce jeudi 30 janvier, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a rendu son verdict concernant les conditions de détention dans les prisons surpeuplées de France.

Saisie entre 2015 et 2017 par 32 détenus des prisons de Nice, Nîmes, Fresnes, Ducos (Martinique) et de Nuutania (Polynésie), l'instance "constate que les taux d'occupation des prisons concernées révèlent l'existence d'un problème structurel", a-t-elle déclaré dans un communiqué de presse. Patrice Spinosi, l'avocat des requérants qui comprennent 29 ressortissants français, un ressortissant cap-verdien, un Polonais et un Marocain, a qualifié cette décision d'historique.

La justice européenne recommande à la France d'"envisager l'adoption de mesures générales visant à supprimer le surpeuplement et à améliorer les conditions matérielles de détention et établir un recours préventif effectif". En plus de ces recommandations, la justice européenne condamne la France à payer 500 000 euros à chaque détenu.

Absence de recours effectif et surpopulation

Pour quel motif la France est-elle précisément condamnée ? Il lui est reproché à la fois l'absence de recours effectif et l'absence de conditions décentes d'incarcération. En effet, selon les chiffres publiés par le ministère de la Justice, il y avait 70 818 personnes incarcérées dans les 188 établissements pénitentiaires français le 1er octobre 2019, pour seulement 61 065 places opérationnelles, soit une densité carcérale de 116 %. Le nombre de matelas au sol s'élevait à 1 497, contre 1 353 l'année précédente. De plus, la surpopulation ne concerne pas seulement le nombre élevé de prisonniers, mais également la promiscuité, l'absence d'intimité, d'activités ou encore la présence de nuisibles.

Quant au manque de recours effectif, même si le Conseil d'État a reconnu la violation des droits fondamentaux des détenus dans certaines prisons à plusieurs reprises, comme pour la prison de Fresnes en 2017 par exemple, il a refusé d'ordonner la mise en place d'un plan pour corriger l'insalubrité chronique car il estime que les juges administratifs ne sont pas chargés d'arbitrer les choix de gestion d'un établissement pénitentiaire ou la politique pénale.

Une "immense victoire" ?

Pour Patrice Spinosi, l'avocat des requérants, l'arrêt rendu constitue "une immense victoire, l'aboutissement des efforts de l'OIP (Observatoire international des prisons) depuis dix ans pour faire reconnaître l'état de délabrement des prisons françaises". Selon lui, avec cette condamnation, "c'est un grand chantier qui s'ouvre », qui exige une « réflexion globale sur le sens de la peine". "Ce n'est pas une énième condamnation contre une personne, mais bien contre un système carcéral plus global", a affirmé Nicolas Ferrand, responsable du pôle contentieux à l'OIP.

La France a désormais trois mois pour contester cette décision. Il s'ouvrira ensuite une période de six mois environ avant qu'un premier bilan ne soit effectué par la CEDH, qui vérifiera si l'État français a bien appliqué les deux recommandations.

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Emplacement des 36 prisons condamnées par la Cour européenne en 2017 pour conditions indignes de détention. Depuis, ce nombre est passé à 39.