Avant de travailler à Jonzac, en Charente-Maritime où il sera jugé aux assises en mars 2020 pour une première série d'agressions sexuelles sur des patientes mineures, Joël Le Scouarnec, chirurgien digestif accusé de pédophilie, est passé par l'hôpital de Quimperlé, du 4 octobre 2004 à juillet 2007, où un psychiatre, Thierry Bonvalot, avait alerté sa direction dès 2006. C'est une nouvelle étape dans les garde-fous qui ont tenté d'empêcher ce chirurgien soupçonné de plusieurs centaines de viols et d'agressions sexuelles sur mineurs (349 victimes déclarées) à continuer d'exercer.

bloc opératoire
© inconnu
« En 2006, j'ai appris la condamnation de Joël Le Scouarnec » pour détention d'images pédo-pornographiques, en 2005, par le tribunal de Vannes, témoigne Thierry Bonvalot, alors à la tête de la commission médicale d'établissement de l'hôpital de Quimperlé. Une facette de mon activité était précisément de m'occuper d'agresseurs sexuels. D'autres éléments m'ont amené à faire un signalement au directeur de l'hôpital (André Labat, aujourd'hui décédé). »

Thierry Bonvalot
© Ouest-FranceThierry Bonvalot, psychiatre à l'hôpital de Quimperlé
« Joël Le Scouarnec avait défendu de manière inappropriée un collègue qui avait fait l'objet de plaintes. » Ce collègue, un radiologue (aujourd'hui en fuite) sera condamné, en 2015, pour viols.

« Puis il y a eu une complication chirurgicale avec un enfant qu'il a opéré : le chirurgien a pris la tangente après l'intervention et s'en est justifié dans des termes qui m'ont semblé pathologiques. J'ai demandé des comptes là-dessus. »

« J'ai fait prévenir le conseil de l'ordre par un collègue
et j'ai fait part de mes doutes à des personnes-ressources de l'hôpital. J'ai mis par écrit le strict minimum. Mais oralement, c'était assorti d'explications de texte beaucoup plus catégoriques sur la dangerosité de Joël Le Scouarnec. »

Un homme « dangereux » qui « ne devait plus opérer »

Le Conseil peine alors à se faire communiquer le jugement par le tribunal de grande instance de Vannes. Quand il l'a enfin en main, il signale les faits à la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales, la Ddass, devenue depuis l'ARS, l'Agence régionale de santé. « J'avais été catégorique sur le fait que Joël Le Scouarnec était dangereux et ne devait plus opérer. »

Mais les inquiétudes émises par Thierry Bonvalot ne semblent pas inquiéter ses supérieurs : « Je n'ai eu aucun retour. J'ai demandé où l'on en était de la décision du Conseil de l'ordre. Cela ne me semblait pas possible ni adapté de le surveiller tout le temps. Donc je l'ai dit. Mes fonctions de président de la commission médicale d'établissement ont cessé quelques mois après. »

Joel Le Scouarec
© inconnuJoel Le Scouarec, chirurgien, retraité aujourd'hui
« J'ai pris le parti d'informer »

« J'ai été convoqué à la gendarmerie de Quimperlé, il y a quelques mois, et j'ai fourni les détails. Pour moi, c'est quelqu'un de pervers. J'ai pris le parti d'informer. Mes pensées vont aux familles, aux victimes. C'est une position compassionnelle. Des affaires de ce niveau doivent faire réfléchir. »

Contacté début décembre 2019, Daniel Le Bras, ancien chef anesthésiste-réanimateur et ancien maire de Quimperlé, nous avait confié avoir été « très surpris par cette affaire ». Il évoquait « un homme sympa et un très bon chirurgien. Il n'y a eu aucun signalement et pas de souci ».

Avant Quimperlé, Joël Le Scouarnec a effectué des remplacements en 2002 à l'hôpital de Quimper. Selon nos informations, aucune plainte n'aurait été déposée pour l'instant sur cette courte période.