Les îles grecques situées à proximité de la Turquie sont soumises à une forte pression migratoire et la population locale manifeste contre l'installation de nouveaux camps de migrants, tandis qu'Ankara aurait mis ses menaces à exécution.
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Plus d'un millier d'habitants de l'île grecque de Lesbos ont manifesté le 27 février à Mytilène contre un nouveau camp de migrants, mais le gouvernement appelle au dialogue au lendemain de violents affrontements entre manifestants et policiers. Plusieurs associations de commerçants de Lesbos et des syndicats proches du parti communiste grec, à l'origine de la manifestation, ont également appelé à la poursuite de la grève sur l'île.

Quelques heures après l'annonce par la Turquie qu'elle les laisserait passer en Europe, des gardes-frontières ont empêché des centaines de migrants de traverser le poste frontalier de Kastanies, dans le nord-est de la Grèce.


Sur l'île proche de Chios, des centaines de personnes avaient également manifesté le 27 février et poursuivi la grève. Les violents incidents de la veille ont fait plus de 60 blessés dont la plupart des policiers des forces anti-émeutes. Après des semaines de pourparlers infructueux avec les autorités locales, le gouvernement avait envoyé le 24 février par bateau des engins de chantier et la police anti-émeutes, provoquant l'indignation des insulaires et les critiques de l'opposition de gauche.


Le 26 février au soir, environ 2 000 personnes ont manifesté devant une caserne où se trouvaient les policiers avant de tenter d'y pénétrer. La police anti-émeutes a riposté avec du gaz lacrymogène tandis que certains habitants ont tiré avec leurs carabines de chasse, selon un photographe de l'AFP.

Le porte-parole du gouvernement Stelios Petsas a fait savoir que « la première phase des travaux de terrassement s'est achevée sur les sites de construction (des camps à Lesbos et Chios) et que les forces policières devaient rentrer ».

La Grèce est redevenue en 2019 la première porte d'entrée en Europe des demandeurs d'asile. Devant l'augmentation du flux migratoire, le gouvernement conservateur avait annoncé en novembre que les camps surpeuplés de Lesbos, Samos et Chios en mer Egée seraient fermés cette année. Ils seront remplacés par de nouvelles installations «fermées» d'une capacité d'au moins 5 000 personnes chacune, qui devraient être opérationnelles mi 2020, selon le gouvernement. Plus de 38 000 demandeurs d'asile s'entassent dans des conditions difficiles dans les camps actuels des îles de Lesbos, Samos, Chios, Leros et Kos, officiellement prévus pour 6 200 personnes.

« Il faut privilégier le dialogue, la guerre a besoin d'une trêve », a indiqué le 27 février Stigmatisé Karmans, le maire de Chios, à la radio RealFm, soulignant qu'il allait se rendre à Athènes pour participer à la réunion avec le Premier ministre.

Pendant ce temps, des médias turcs affirment que des groupes de migrants se dirigent ce 28 février vers les frontières avec les pays européens voisins, après la publication d'informations de presse selon lesquelles Ankara ne les empêcherait pas de passer. La télévision d'Etat TRT et la chaîne privée NTV montrent ce même jour des groupes de quelques dizaines de personnes présentées comme des migrants en train de marcher le long d'une route en direction de la frontière avec la Grèce, chargées de sacs. L'agence de presse DHA rapporte également qu'environ 300 migrants syriens, irakiens ou encore iraniens sont arrivés dans la province d'Edirne, frontalière de la Grèce.

Selon le quotidien proche du pouvoir turc Sabah, la décision d'« ouvrir les portes » a été prise pendant un conseil de sécurité extraordinaire présidé par le chef de l'Etat Recep Tayyip Erdogan dans la nuit du 27 février.

Cette réunion a été convoquée après que des frappes aériennes attribuées par Ankara à la Syrie ont tué au moins 33 militaires turcs dans la région d'Idleb (nord-ouest de la Syrie). La décision d'ouvrir les frontières avec l'Europe ne pouvait pas être confirmée de source officielle turque dans l'immédiat selon l'AFP. Mais le soir du 27 février, le porte-parole du parti présidentiel (AKP) avait affirmé que la Turquie n'était « plus en mesure de retenir ». Et de préciser : « Il n'y a qu'une seule chose à faire pour l'Union européenne, c'est de voir comment elle peut aider la République de Turquie. »

Par le passé, la Turquie a déjà plusieurs fois menacé d'« ouvrir les portes » de l'Europe aux migrants, les observateurs y voyant une manière de faire pression sur les pays de l'Union européenne. En mars 2016, la Turquie et l'Union européenne ont conclu un pacte migratoire qui avait fait chuter de façon drastique le nombre de passages vers la Grèce mais Athènes et l'UE ont noté une hausse des arrivées au cours de ces derniers mois.