Commentaire : Il apparaît que nous ne sommes pas face à une pandémie virale, mais face à une pandémie mentale de panique.
Lire à ce sujet l'article de Paul Levy sur le virus de l'esprit.


L'anthropologue britannique Mary Douglas décrivait en 1966, dans son livre De la souillure. Essai sur les notions de pollution et de tabou, le caractère hors du commun et ambigu de deux animaux, aujourd'hui considérés comme étant probablement à l'origine du virus qui fait trembler toute la planète. La chauve-souris (oiseau sans plumes) et le pangolin (fourmilier à écailles) incarnent chacun à leur manière dans certaines cultures l'aberration, l'impureté et le chaos. En bref, ces deux animaux renvoient à une certaine idée du désordre social. Et s'il y a bien quelque chose que la pandémie de coronavirus rend visible et révèle, c'est toute une série de désordres pour lesquels nous portons, collectivement, une lourde responsabilité.

chauve souris / pangolin
© inconnuChauve-souris / Pangolin. Pourquoi cette arrogance face aux animaux innocents avec qui nous partageons cette planète?
Une crise de l'hôpital public, contaminé par une vision strictement comptable de la santé, ainsi que des réformes successives, ont mené inexorablement au manque de lits pour les patients ( - 100 000 en une vingtaine d'années, et -17 500 ces six dernières années), de personnel et de matériel en France.

Aujourd'hui en Italie, les médecins sont contraints de choisir qui sauver et qui laisser mourir du coronavirus, comme l'explique dans le quotidien La Croix un médecin de l'hôpital de Crémone :
« Depuis ces derniers jours, nous devons choisir qui intuber, entre un patient de 40 ans et un de 60 ans qui risquent tous les deux de mourir. C'est atroce et nous en pleurons, mais nous ne disposons pas d'appareils de ventilation artificielle en nombre suffisant. »
Certes notre service public de santé est - à ce jour - sans doute moins dégradé qu'en Italie, mais pour combien de temps, si nous continuons à laisser une vision arithmétique borgne des choses guider nos choix politiques ?
Attendrons-nous la prochaine pandémie pour réaliser, impuissants, que nous nous sommes volontairement lié les mains dans le dos avant de sauter dans un torrent ?

Ce manque de vision à long terme, caractéristique de notre époque, touche également la recherche. « La science ne marche pas dans l'urgence ! » s'emportait il y a peu Bruno Canard, directeur de recherche au CNRS à l'université Aix-Marseille ; son équipe travaille sur les virus à ARN - dont les coronavirus. Ce spécialiste dénonce, à raison, les nouvelles orientations de la recherche publique qui délaissent la recherche fondamentale et le long terme :
« En Europe comme en France, la tendance est plutôt à mettre le paquet en cas d'épidémie et, ensuite, on oublie. (...) L'Europe s'est désengagée de ces grands projets d'anticipation au nom de la satisfaction du contribuable. Désormais, quand un virus émerge, on demande aux chercheurs de se mobiliser en urgence et de trouver une solution pour le lendemain. »
Pourtant, nous serions bien avisés d'investir massivement sur ces sujets d'avenir car les nouvelles pathologies et virus seront amenés à se multiplier. 60 % des maladies infectieuses émergentes aujourd'hui sont, comme le Covid-19, des zoonoses - c'est à dire des agents pathogènes transmis originellement des animaux aux humains. Une proportion importante des maladies les plus préoccupantes à l'échelle mondiale aujourd'hui en font partie : VIH, grippe aviaire, SRAS, Ebola, paludisme, dengue, Chikungunya, Nipah, Lyme... Sans compter que de nouvelles pathologies d'origine animale continueront d'apparaître, il faut s'y attendre et s'y préparer.


Commentaire : Les animaux ont bon dos. Il est tellement facile d'accuser les animaux - qui ne peuvent nous dire, eux, ce qu'ils pensent de nous - plutôt que de nous remettre nous-mêmes en cause.


Est-on pour autant impuissant ? Non. Dans un article érudit de 2018 publié dans la revue Zoonoses and Public Health (brillamment synthétisé sur le site de la Fondation pour la biodiversité), des spécialistes expliquent à quel point l'activité humaine influence l'émergence ou le développement de telles pathologies dans un contexte mondialisé :
- Urbanisation et déforestation
- Contact renforcé de l'humain avec certaines espèces d'animaux sauvages
- Cohabitation « aberrante » d'animaux entre eux (de l'élevage intensif aux marchés de Wuhan)
- Changement d'usage des terres
- Eradication de certaines espèces
- Consommation de certaines espèces (à ce propos la Chine vient d'interdire la vente d'animaux sauvages).
- Changement climatique.


Commentaire : Un autre élément de taille, omis dans cet article, est l'ingérence de l'homme dans le coeur du vivant, l'ADN, qu'il n'hésite pas à modifier sans en mesurer les conséquences. Voir à ce sujet les ciseaux génétiques CRISPR, cet outil qui peut modifier à volonté l'ADN de n'importe quel être vivant...

CRISPR, le jouet qui édite l'ADN, induit des centaines de mutations imprévues

CRISPR : le jouet qui édite le génome est laissé aux mains des fous


Tous ces facteurs de « désordre » de nos écosystèmes, où l'empreinte humaine et nos choix de développement sont clairement en cause, sont des sources bien connues de zoonose et des cofacteurs dans l'émergence des pathologies de demain. Il est donc grand temps de porter un regard global - et écologique au sens large - sur nos pratiques, notre environnement et les autres espèces avec lesquelles nous cohabitons.

La liste exhaustive des « désordres » rendus plus apparents que jamais par cette crise serait trop longue à faire, du manque de civisme (des gens volent des masques et gels alcooliques dans les hopitaux!) à l'absence de régulation des marchés financiers (dont la volatilité et l'irrationalité peut détruire des économies entières en quelques semaines à l'annonce d'une nouvelle inquiétante comme une pandémie).

Alors que le Covid-19 opère comme un miroir grossissant des errements de notre époque, son coût financier exorbitant et son coût humain inestimable sauront-ils nous faire marquer un temps d'arrêt, réévaluer nos choix et mieux nous prémunir contre les risques à venir ? Pour l'instant, tâchons de traverser la tempête sans chavirer.


Commentaire : ... et préparons-nous tant mentalement que physiquement. Dans ce sens, notre site SOTT regorge d'informations dans cette préparation. Et ce n'est pas, vous l'aurez compris, l'accumulation de vivres et de peur.


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