Il est clair que nous nous dirigeons vers une grave tempête économique. Plusieurs scénarios sont possibles, l'un plus optimiste que l'autre, mais il est tout aussi possible que l'ensemble du système fasse faillite. Dans tous les cas de figure, des choix difficiles s'imposeront.
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© Inconnu
Selon l'économiste en chef du Financial Times « c'est de loin la plus grande crise que le monde ait connue depuis la Seconde Guerre mondiale et la plus grande catastrophe économique depuis la dépression des années 1930 ».

L'effondrement des prix du marché du pétrole indique que l'économie mondiale s'effondre et qu'une reprise n'est pas encore prévue pour demain.[1] La demande de pétrole est un bon indicateur de l'activité économique. À l'échelle mondiale, cette demande a diminué de non moins d'un tiers.

Le FMI vient de publier un rapport sur cette tempête économique. Le scénario le plus optimiste prévoit un recul de l'économie mondiale pour cette année de 6,3 % par rapport aux prévisions d'avant l'éclatement de la crise du coronavirus. La croissance devrait reprendre quelque peu l'année prochaine. Dans ce scénario, environ 3 400 milliards de dollars seront perdus en raison de cette crise.[2] C'est autant que le PIB de tous les pays d'Amérique du Sud réunis et une fois et demi celui de l'Afrique. Cela semble beaucoup, et c'est le cas, mais ce montant ne représente qu'un septième ou moins de celui que l'on estime être stationné dans les paradis fiscaux.

Dans le cas où les confinements dans certaines parties du monde se prolongent après le mois de juin, et si de nouveaux confinements se produisent en 2021, le FMI estime la perte à près de trois fois le scénario optimiste : 10% du PIB ou 9 000 milliards de dollars. Dans ce scénario moins favorable - mais plus réaliste -, les dépenses publiques dans les pays riches augmenteront de 10 points de pourcentage du PIB et la dette augmentera de 20 points de pourcentage.[3]

Et tout cela dans l'hypothèse que le système entier survivra. Dans un autre rapport, le FMI met en garde:
« Cette crise représente une menace très grave pour la stabilité du système financier mondial. Après le déclenchement de l'épidémie du COVID-19, les conditions financières se sont resserrées à une vitesse sans précédent, exposant certaines « fissures » sur les marchés financiers mondiaux. »
La dette totale mondiale a atteint aujourd'hui un record de 253 000 milliards de dollars. Cela représente 322% du PIB mondial. C'est une bombe à retardement. Mais plus inquiétant encore, sont aujourd'hui les segments de marché du crédit risqués. Il s'agit d'obligations de pacotille,[4] de prêts à effet de levier[5] et de crédits privés personnalisés. Après la crise de 2008, les banques centrales ont injecté beaucoup d'argent sur les marchés financiers (ce que l'on appelle le « Quantitative Easing » ou QE). Avec les taux d'intérêt ultra-bas, cela a conduit à une énorme bulle financière et à de nombreuses entreprises et banques zombies[6] aujourd'hui.

Selon le FMI, la valeur de ces crédits toxiques a atteint le record fabuleux de 9 000 milliards de dollars. Si à cela s'ajoute la perte des autres milliers de milliards de dollars résultant du Covid-19, la crise de 2008, comparée à celle-ci, sera considérée comme une bagatelle. Ce n'est pas sans raison que selon le FMI : « Cette crise ne ressemble à aucune autre ».

Il y a donc trois scénarios: un optimiste (qui équivaut en fait à une dépression majeure), un moins optimiste et un véritable krach. Dans chacun de ces scénarios, une énorme somme d'argent sera nécessaire pour endiguer et surmonter la crise.

La question clé est de savoir d'où devrait provenir cet argent. En d'autres termes : qui va payer cette facture? Il n'y a guère de choix. Soit la population active en paiera le prix, ce qui conduira à un appauvrissement énorme, avec toutes les conséquences politiques possibles, et plongera l'économie encore plus profondément dans la crise en raison de la nouvelle baisse du pouvoir d'achat. Soit on s'adressera aux grandes fortunes.

La réflexion de Peter Mijlemans du quotidien Het Nieuwsblad va également dans ce sens:
« La solidarité dont nous faisons preuve maintenant devrait - à nouveau - devenir la nouvelle norme. De la part des entreprises qui fonctionnent désormais en masse sur le chômage technique et ont été gâtées par le gouvernement précédent. De la part des banques que nous avons secourues ensemble il y a dix ans. De la part aussi de nos concitoyens très riches. Pour s'en rendre compte, il n'est pas nécessaire d'être membre du PTB. Même un libéral modéré et de bon sens s'en rend compte aujourd'hui. C'est la seule façon de s'assurer que cela ne devienne pas un désastre financier majeur pour tous ceux qui font maintenant ce qu'ils doivent faire. »
Apparemment, tous ne sont pas encore parvenus à cette conclusion. Des gens comme Jan Jambon, populiste de droite et ministre-président de Flandre, ne jurent que par les recettes obsolètes pré-corona: « en fin de compte, c'est toujours le contribuable qui paie la facture en pareil cas ».

Jambon et co sont désespérément en retard sur les faits.

Rana Foroohar, rédactrice en chef du Financial Times, met le doigt sur la plaie :
« Si nous voulons que le capitalisme et la démocratie libérale survivent au Covid-19, nous ne pouvons pas nous permettre de réitérer l'approche erronée consistant à 'socialiser les pertes, et privatiser les gains' comme il y a une décennie. »
En d'autres termes, le COVID-19 a profondément bouleversé les rapports de force. L'élite financière et économique est sur la défensive. Un modèle économique où les profits priment sur le bien-être et la santé des gens n'est plus tenable. L'heure est venue de changer fondamentalement la société en faveur de ceux qui la maintiennent à flot pendant la crise du coronavirus.

L'introduction d'une taxe corona sera essentielle, mais ce ne sera qu'un début. Il nous faudra bien davantage. En tout cas, nous vivons une époque passionnante. Préparez-vous.

Source en néerlandais : De Wereld Morgen

Traduit du néerlandais par l'auteur pour Investig'Action