Une nouvelle étude suggère que l'emploi de la kétamine permettrait de stopper intégralement l'activité cérébrale pendant un temps donné. Cette découverte pourrait avoir d'intéressantes applications pour le futur de l'anesthésie.

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© Pixabay / aytuguluturk
Alors qu'une équipe de chercheurs étudiait les motifs de l'activité cérébrale chez des moutons atteints de la maladie de Huntington, ils ont fait une découverte étonnante qui pourrait offrir une nouvelle compréhension des mécanismes d'action de certains anesthésiques. En l'occurrence, c'est en administrant à leurs sujets de la kétamine, une substance synthétisée pour la première fois en 1962, qu'ils ont découvert une interruption complète de l'activité cérébrale chez ces derniers pendant plusieurs minutes, un phénomène qui, d'après eux, n'avait jamais été observé auparavant.

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© Nicol & Morton, Scientific Reports, 2020Les relevés EEG des six moutons étudiés par les chercheurs
Interruption du cerveau

« Il ne s'agissait pas simplement d'une baisse de l'activité cérébrale. Après une dose importante de kétamine, le cerveau de ces moutons s'est complètement arrêté. Nous n'avions jamais vu cela auparavant, commente Jenny Morton, de l'université de Cambridge. Quelques minutes plus tard, leurs cerveaux fonctionnaient à nouveau normalement. C'était comme si on les avait éteints et rallumés. » Cette étonnante action de la kétamine a pu être observée grâce aux relevés électroencéphalographiques collectés par les chercheurs.

Plusieurs dosages ont donc été mis à l'épreuve, allant de 3 mg/kg à 24 mg/kg, soit le seuil maximal en tant qu'anesthésique et minimal en tant que drogue. Les chercheurs ont alors été surpris de constater que l'activité cérébrale des moutons suivait systématiquement trois étapes distinctes : sédation, anesthésie dissociative et absence de mouvements volontaires, puis état pleinement conscient et alerte, toujours sans mouvements volontaires.

Au plus haut dosage, les chercheurs ont pu observer l'interruption complète de l'EEG chez cinq des six moutons testés, survenant deux minutes après l'administration de la substance. Les animaux continuaient néanmoins de respirer, suggérant que certaines zones corticales étaient encore actives. « Le cerveau n'est ni mort ni endommagé », affirme Morton.

De la kétamine et des Hommes

Bien que l'étude originale ait eu pour but premier de s'intéresser à la maladie de Huntington chez les moutons, l'article, publié dans Nature, se focalise spécifiquement sur les moutons sains afin d'approfondir cette nouvelle observation qui pourrait avoir d'importantes implications chez les humains. « Notre but n'était pas véritablement d'observer les effets de la kétamine, mais de l'utiliser comme outil pour explorer l'activité cérébrale chez les moutons avec et sans le gène de la maladie de Huntington, note Morton. Mais nos étonnantes découvertes pourraient expliquer comment la kétamine fonctionne. »

Ces résultats démontrent à quel point nous avons encore beaucoup à apprendre concernant les effets de la kétamine sur le cerveau. Mise à l'usage chez les soldats américains au Vietnam dès son autorisation par la Food and Drug Administration (la FDA, l'Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux), cette substance de synthèse est employée comme analgésique et anesthésique.

Ces dernières années, elle a offert de nouvelles pistes d'exploration, avec des résultats plus ou moins concluants, dans la lutte contre la dépression, le stress post-traumatique ou encore les migraines. Elle fait aussi l'objet d'utilisations non réglementées en tant que drogue capable d'induire un état catatonique proche d'une expérience de mort imminente.

Ces nouvelles découvertes pourraient non seulement permettre de mieux comprendre les mécanismes d'action de la kétamine en tant qu'anesthésique mais également fournir des pistes de recherche intéressantes concernant son usage dans la lutte contre certains troubles neurologiques et psychiques.