La crise du Covid-19 devait laisser des traces plus ou moins profondes selon les situations vécues. Chacun saura se raconter, témoigner.
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© Inconnu

Pour disposer d'une compréhension globale des évolutions à venir, un schéma résume le fonctionnement des sociétés contemporaines dont l'organisation est horizontale autant que pyramidale.

L'Etat organise son propre fonctionnement, ses services publics ; il régule le système productif privé, assure un ordre légal sur le territoire et la défense du pays contre les ennemis dans le monde, autant que contre les concurrents.

L'Etat et sa direction sont placés dans une disposition asymétrique et représentent un système dans le système. La société dite « civile » est scindée en deux mondes accessibles aux individus. D'un côté, le Système productif, chacun étant amené selon ses compétences et moyens à y contribuer en s'insérant comme fonctionnaire (au sens de générant une fonction). De l'autre côté, la Société dans laquelle chacun s'insère selon ses goûts, affinités, aspirations, projets individuels ou communs. Dans cet espace, l'homme est un acteur libre et a accès (selon ses moyens physiques et financiers) aux biens et services, dispensés par le public ou le privé (associations incluses).

↨↨↨ Le Gouvernement ↨↨↨

↨↨↨ La direction de l'Etat ↨↨↨ Organisation, Régulations, Lois

Le Système productif, privé, public, biens, services

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La Société, gens, genres, communautés, cercles, clubs, associations locales

Les observateurs anticipent un monde d'après qui ne peut qu'être différent mais avec deux tendances possibles. Soit une société plus unie, solidaire, pacifiée, inventive ; soit une société encore plus facturée, divisée, avec violences, incivilités, colères, crispations, repli de beaucoup sur leurs bases constituant leur vie sociale.

L'épisode du Covid-19 a puissamment impacté les deux mondes en agissant sur la société civile. Des millions de gens ont été privés d'accéder à leur vie sociale quotidienne supposant un accès aux biens et services, excepté dans les quelques commerces et boutiques autorisées. Ils ont également été empêchés d'accéder au système productif qui fonctionna partiellement pour assurer la continuité du pays. Le retour à la normale n'est pas prévu de sitôt. Le système productif a été diversement impacté. Ont été durement touchées les industriels du tourisme et du transport. L'Etat a déployé des milliards sans compter pour renflouer ces industries et investir dans des productions dites « durables » pour ne pas dire « vertes ». En revanche, la société civile restera durement impactée avec un accroissement considérable de gens privés d'emploi et donc impactés par une baisse de revenu conséquente. Nous courons le risque de voir arriver une société fracassée, scindées en deux, les protégés et les exposés, jeunes, stagiaires, licenciés économiques, intérimaires, artisans, commerçants, indépendants.

Le monde d'après se dessine. Les prochaines années risquent fort d'être plutôt moroses, crispées, marquées par une reprise économique poussive et surtout une crise sociale sans solution autre que les pansements apportés par l'Etat et s'il y a lieu, les nouvelles pratiques sociales et solidarités. On entend nombre d'intellectuels, observateurs et politiques inciter les gens à changer leur mode de fonctionnement, à s'inventer. En revanche, les mêmes ne modifieront rien et continueront à préserver leurs positions au sein du système fonctionnel dans lequel ils opèrent en réseau et s'octroient revenus et vie sociale de bon standing.

Le monde d'après risque d'apparaître avec de nouveaux contours mais il faudra des années pour voir les traits inédits. Tout dépendra de comment cette crise sociale sera vécue, probablement avec des tensions et pas forcément des inventions. La société ne semble pas prête à rebondir, elle est un peu éteinte, assommée, estomaquée ou en colère. Elle est aussi de plus en plus soumise à l'Etat qui dispose des moyens pour la renflouer. Et qui maintenant incite à travailler pour rembourser la dette. C'était le cas avant. La dette a augmenté, ce qui ne laisse pas forcément augurer un monde meilleur pour les gens, excepté ceux qui sont protégés. Nombre de Français interpréteront l'existence comme une Soumission à divers impératifs et contraintes, légitimes ou non. Il reste néanmoins énormément d'inconnues. Le dernier krach économique centennal remonte à 1929. Depuis, il y eut la Guerre de 39 puis reconstruction et crises à répétition. Mais en 2020, c'est un krach centennal qu'il faut affronter avec un contexte complètement différent puisque toutes les économies subissent ce krach et sont interconnectées. Sur ce point, nous avançons dans l'inconnu et les gouvernants ne peuvent que naviguer à vue.

Cette éventualité de la Soumission a du reste été évoquée en ces termes par la philosophe Cynthia Fleury :
« Il n'est pas possible de vivre dans cet attentisme qui produit de l'abattement, un sentiment de soumission, d'injustice. On a l'impression de subir, de ne jamais être maître, et c'est pour cela que même la plus petite des actions doit être investie, qu'il est important de poursuivre nos rituels. Parce que le rituel est une façon de reprendre peu à peu le pouvoir sur l'événement. De dire : nos valeurs, notre symbolisation, notre manière de vivre l'espace-temps, cela compte aussi. Je sais la nécessité du tactile, et chacun arbitrera selon les circonstances et les vulnérabilités. Mais notre urbanité ne va pas se déliter parce que nous ne sommes plus entassés les uns sur les autres, autour d'une table de café, mais à 1,50 m de distance. »
Autre fait à noter. En 1945, la vie fut autrement plus fracassée par Occupation et guerre, mais une fois libérée, l'ennemi avait disparu, ce qui offrait un champ libre pour reconstruire. En revanche, si le pays n'a pas été fracassé mais grandement ralenti, la vie ne peut pas reprendre un élan puissant dans un contexte de circulation persistante du virus, même si les indices montrent qu'il ne circule plus beaucoup et qu'il peut mieux être contrôlé. Tant que le virus sera présent, les gens auront peur et cela ne favorise pas l'audace ni le cœur à reprendre les activités. La reprise de l'épidémie annoncée depuis la Chine ou ailleurs n'incite pas à l'optimisme. Et l'on comprend pourquoi des pays européens ont annoncé une précommande de vaccins qui risquent de ne pas arriver avant des années, voire jamais. La peur reste présente mais il faut rassurer les populations et laisser un espoir de trouver un vaccin. Les âmes affranchies peuvent vivre néanmoins avec l'idée qu'il n'y aura pas de vaccin et que le courage permet de faire face à la peur du virus.

Le devenir de la société repose sur la loi des 7 R. Résilience, Reddition, Résistance, Réaction et R, R, R... Les trois dernières sont réservées à un livre en cours d'écriture. Les gens ont été incités à la résilience. La Soumission est une forme de reddition, pratiquée par une partie des gens. Une autre résiste, et parfois réagit, de deux manières, en gérant le système, c'est la réaction en marche, ou en activant la colère, c'est la réaction populaire. Une division déjà actée, confirmée maintenant mais avec un flou artistique assez conséquent. En gros, Macron contre Onfray. Travailler plus pour rembourser la dette ou alors travailler souverainement pour vivre correctement. Le pays est entré dans l'ère de la Soumission et nous pouvons la refuser, encore faut-il la voir et prendre des chemins alternatifs, les 3 R, trois inconnues, à vous de deviner.