Alors que de nouvelles directives ont été transmises la semaine dernière par les agences régionales de santé pour faire face au rebond épidémique, les proches de résidents s'inquiètent de les voir à nouveau isolés.

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© AFPPour les personnes âgées vivant dans les établissements concernés par de nouveaux cas de coronavirus, le spectre d’un retour à la situation du mois de mars plane à nouveau.
Les mêmes causes pour les mêmes effets : avec l'aggravation des signes de reprise de l'épidémie de coronavirus, des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) remettent en place des mesures d'isolement. En Meurthe-et-Moselle, près d'une semaine après le reconfinement de 84 personnes âgées en raison de l'épidémie de Covid-19, l'Ehpad de Pulnoy (Meurthe-et-Moselle) a rendu public le décès de neuf personnes âgées en son sein.

En Ile-de-France, l'agence régionale de santé (ARS) note ce lundi que le virus circule activement dans 35 établissements sur 700 dans la région. Elle préconise de renforcer « dès maintenant les mesures de prévention et l'accompagnement des résidents au sein des établissements médico-sociaux de la région, et plus particulièrement dans les Ehpad ».

Pour anticiper, un nouveau protocole a donc été transmis la semaine dernière aux établissements : « Dès le premier cas confirmé, l'ensemble des professionnels, bénévoles et résidents devront être testés, de façon à contenir la circulation du virus », note l'ARS, ajoutant que « dans les établissements directement concernés par des cas de Covid-19, des mesures complémentaires doivent être adoptées, notamment concernant les admissions et les visites ».

« Le moral est à zéro »

Pour les personnes âgées vivant dans ces maisons de retraite, la crainte d'un retour à la situation du mois de mars plane. Et, dans certains établissements, comme Huguette Valsecchi et Anselme Payen - tous deux situés dans le XVe arrondissement de Paris -, les mesures ont été renforcées, respectivement depuis le 12 août et le 31 juillet. Leur directeur confirme que les deux établissements sont soumis à des mesures de confinement. Des résidents ont été contaminés, et des soignants auraient également été testés positifs.

À Valsecchi, les personnes âgées n'ont plus le droit qu'à une seule sortie par jour dans le jardin, mais beaucoup préfèrent rester dans leur chambre par peur de croiser un autre patient ayant contracté le virus. « C'est télé du matin au soir », décrit Patricia, une résidente.

Le plus dur reste néanmoins l'isolement. Jusqu'à nouvel ordre, la famille n'a plus le droit de rendre visite aux résidents. « Je le vis très mal, le moral est à zéro. Je suis épuisé et je pleure tous les jours », ajoute la retraitée. « On devrait nous laisser vivre un peu ».

« On avance de crise en crise »

Quant à Myriam, dont la mère de 87 ans vit à la résidence Amaraggi (dans le XIXe arrondissement de Paris), également touchée par le virus, elle exprime le même sentiment : « Cela devient inhumain. Les visites sont de nouveau sur rendez-vous, uniquement une fois par semaine et durant quarante-cinq minutes. C'est très dur. »

Les conséquences de l'isolement lui semblent plus graves que le virus lui-même. « Les résidents ont la sensation que la famille les abandonne et se laissent mourir », déplore-t-elle. « L'isolement a une incidence lourde sur l'état psychique et physique des patients », abonde Romain Gizolme, directeur de l'AD-PA, l'Association des Directeurs au service des Personnes Âgées.

« On n'a pas d'informations, personne ne vient nous voir pour nous dire ce qu'il se passe », dépeint encore Patricia. Ce manque de communication pourrait-il trouver sa source dans des problèmes structurels ? « Le secteur est toujours aussi peu doté », note Romain Gizolme. « Nous ne disposons que de la moitié des effectifs que l'on demande. Au mois d'août, après le coronavirus, les fortes chaleurs et de nouveau le virus, on avance de crise en crise. »

Florence Arnaiz-Maumé, déléguée générale du syndicat national des établissements et résidences pour personnes âgées (Synerpa), se veut, elle, bien plus rassurante. « Certes, le virus circule toujours, mais nous ne sommes pas en alerte », explique-t-elle, soulignant les progrès faits par les Ehpad. Dès qu'un doute apparaît, un établissement peut désormais déclencher un testing de tout ou partie des résidents et des salariés en et obtenir les résultats en trois jours », se félicite-t-elle.

« Après le marathon, une petite course de fond »

Selon la déléguée générale du syndicat, qui fédère 1800 établissements en France, la situation des Ehpad aujourd'hui n'a rien à voir avec celle connue en début d'année. Côté personnel, il n'y a « pas de tension ni de pénurie sur les équipements ».

Quant aux établissements qu'elle représente, ils « recalibrent eux-mêmes les mesures » en fonction de la situation sanitaire. Une poignée d'Ehpad a ainsi « décidé de remettre en place les visites uniquement en extérieur, durant 15 jours », au mois d'août, recense-t-elle. Des restrictions à la carte, quand les maisons de retraite ne se plient pas, tout simplement, aux préconisations de l'Etat. « L'ARS d'Ile-de-France a suspendu les visites pour les mineurs il y a une quinzaine de jours », égrène encore Florence Arnaiz-Maumé.

« On ne peut pas revivre ce qu'on a vécu au début de la crise. Pas de masques, pas de protocole : on a été terrassés. La situation aujourd'hui, c'est comme si, après un marathon, on nous proposait une petite course de fond », relativise la déléguée générale du Synerpa.

Selon le dernier décompte de la Direction générale de la Santé (DGS), 10 505 décès sont survenus dans les établissements sociaux et médico-sociaux, comme les Ehpad, depuis le début de l'épidémie de Covid-19.