Depuis quelques semaines, deux populismes s'affrontent en Europe et le spectacle qu'ils offrent est misérable. L'épithète n'est pas trop forte, car leur querelle tourne autour des réfugiés qui chaque jour accostent sur nos rivages, bien souvent après avoir vu leur fils, leur père ou leurs amis sombrer dans les eaux de la Méditerranée. Ces mêmes eaux où nous autres Européens plongerons bientôt pour notre premier bain estival.Le président du Conseil Silvio Berlusconi a qualifié cet exode de "tsunami" : une catastrophe naturelle, un phénomène surgi des entrailles de la Méditerranée, et donc sans visage. La France et l'Italie se comportent devant ces réfugiés comme face à un raz de marée.

Ces derniers jours, la tension entre ces deux populismes a pris un tour grotesque. A la frontière de Vintimille, accoutumée au va-et-vient des touristes fortunés et des travailleurs pendulaires entre la Riviera italienne et la Côte d'Azur, des groupes de réfugiés rescapés de la traversée de la Méditerranée ont fait irruption. Le gouvernement italien leur avait accordé des permis de séjour provisoires, à ses yeux conformes aux accords de Schengen. Mais Paris a interdit aux trains en provenance d'Italie de franchir la frontière, pour les empêcher de gagner la France.

Deux comportements qui, dans une égale mesure, offrent une bien piètre image de l'Europe. Une décision vécue comme une offense du côté italien. Au comble de l'indignation, Franco Frattini, le ministre italien des Affaires étrangères, a demandé à l'ambassadeur italien d'exprimer sa ferme protestation auprès du gouvernement français. Pourtant c'est une même vague croissante de populisme qui réunit actuellement l'Italie et la France. A Rome, le gouvernement repose en partie sur un parti xénophobe [la Ligue du Nord], indispensable à la majorité parlementaire, et prompt à alimenter les réflexes anti-immigrés. A Paris, à un an de l'élection présidentielle, Nicolas Sarkozy est au plus bas dans les sondages et cherche donc à récupérer les voix de l'extrême droite. A la différence de la Ligue du Nord, xénophobe mais antinationale, le Front national est xénophobe et nationaliste. Toutefois les deux partis partagent une même aversion envers les immigrés.

Ainsi les deux populismes jouent des migrants comme d'une calamité, en agitant le spectre de revers électoraux. La Ligue du Nord gouverne à Rome, le Front national menace politiquement le président à Paris. Umberto Bossi [président de la Ligue du Nord] appuie ouvertement l'idée ridicule de boycotter champagne et camembert ; et le préfet des Alpes-Maritimes, pour obéir aux ordres de sa hiérarchie, bloque les trains italiens à la frontière.