Macron joue sur du velours - avec un beau boulevard devant lui. Alors que les antisystèmes invoquent comme toujours la Résistance, le gaullisme, 89, les droits de l'homme, Dieu sait quoi encore, 1,3 million de Français se sont vaccinés après la sévère allocution du martial président. On a senti encore la puissance des médias, ces instruments d'hallucination collective. Et on a compris qu'internet n'aura servi à rien comme outil de développement intellectuel personnel. Je dirais même qu'on a reculé sur ce point depuis 2001. Il y a de moins en moins de justes - comme sous toute occupation qui dure.

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On va citer Rabelais alors :
« Soudain, je ne sais comment la chose arriva si vite, je n'eus le loisir de le considérer, Panurge, sans dire autre chose, jette en pleine mer son mouton criant et bêlant. Tous les autres moutons, criant et bêlant avec la même intonation, commencèrent à se jeter et sauter en mer à sa suite, à la file. C'était à qui sauterait le premier après leur compagnon. Il n'était pas possible de les en empêcher, comme vous connaissez le naturel du mouton, qui est de toujours suivre le premier, en quelque endroit qu'il aille. Aristote le dit aussi au livre 9 de « L'Histoire des animaux », c'est l'animal le plus sot et inepte du monde ».
Notre peuple d'imbéciles s'est tellement fait bourrer le mout à l'école avec des histoires de révolution, de droits de l'homme et de résistance qu'il accepte sans broncher la pire des tyrannies. Anesthésié par la technologie et le renforcement pervers de l'État-providence, le peuple est devenu depuis la disparition du parti communiste et du catholicisme un vrai ochlos au sens grec, une masse imbécile, soumise, adoratrice du fric et de la merde culturelle. Ochlocratie rime avec ploutocratie, et on a vu cette France arriver avec le mitterrandisme au cours des années 80, quand les « jumeaux du populisme » Le Pen et Tapie consacraient cette alliance non pas contre nature mais contre culture ; ce fut à cette époque que tout jeune je pus vivre l'effondrement de ce pays du point de vue de la civilisation. La marginalisation du peuple date de cette époque-là. Et il fut pris en charge par une américanisation culturelle proprement insensée. Plus récemment l'écrasement des benêts gilets jaunes a servi d'accélérateur à l'entropie politique de la nation. Je rappelle toujours l'interview de Stanley Payne sur les Espagnols : ils sont anesthésiés, crétinisés par la matrice, et ils demandent quelque chose, même si ce n'est pas beaucoup (« pide algo, no mucho »).

Il y a une petite minorité dont nous sommes, dont le nombre va diminuer (« l'homme qui rétrécit ») et qui va être persécutée et transformée en bouc émissaire : voyez mes textes sur Stefan Zweig et Bernanos. Désolés, mais nous allons passer de sales moments. La masse des bœufs ne se révoltera pas plus que contre Hitler, Pétain ou Franco. Elle fermera les yeux ou hurlera avec les loups.

Il faut voir maintenant le problème des bourreaux volontaires, flics, gendarmes, militaires (beaucoup de traitements très réévalués par le régime), médecins, fonctionnaires divers et avariés, enseignants, et bien sûr journalistes, sans compter les politiciens ; combien y en a-t-il et jusqu'où iront-ils ? Tout nous a montré jusque-là que personne ne recule, et ce d'autant que la résistance n'oppose aucune résistance quantitative (je veux dire par là que nous n'attirons pas les masses). Je répète aussi qu'il faut un certain temps pour en former ; mais le virage traîtreux du chiraquisme au milieu des années 2000, renforcé par les démentielles présidences suivantes, a préparé selon moi une belle avant-garde de tortionnaires. Le reste est chez Stefan Zweig.