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© Dessin de Mayk paru dans Sydsvenska, Malmö
Le nombre de Portugais qui font une croix sur leur baptême est en progression. Un phénomène qui n'inquiète pas l'Eglise pour le moment, constate Expresso.

Etre catholique non pratiquant ne leur suffit plus. Une telle étiquette ne correspond pas au choix conscient qu'ils ont fait d'abandonner pour de bon leur religion. Le baptême est en eux tel un virus informatique qui génère peu à peu des incompatibilités avec le système de valeurs qu'ils professent. C'est comme si l'eau bénite versée sur leur tête de bébé s'était répandue en eux et provoquait un court-circuit chaque fois que l'Eglise s'exprime sur le préservatif, l'avortement ou la pédophilie au sein du clergé. Leur malaise est grand lorsque le Vatican affirme parler au nom de tous les catholiques - et les baptisés sont comptabilisés comme tels. Les apostats sont devenus une nouvelle réalité au Portugal.

"Qu'il parle en mon nom ? Pas question !" proteste João Pedro Martins. A 38 ans, il a décidé l'an dernier d'annuler son baptême à la suite de la visite du pape Benoît XVI au Portugal [en mai 2010]. "Vous avez vu le cirque qu'il y avait autour de lui, l'ostentation ? On aurait dit le chanteur Bono." Sa demande formelle a été adressée aussitôt après à la paroisse de São Vicente de Paulo de Lisbonne : "Je suis athée, mais c'est comme si j'étais supporter du FC Porto et que je continuais de payer ma cotisation à Benfica [les deux clubs de football rivaux du pays avec le Sporting]." La réponse a été longue à venir. Il a finalement reçu une copie de son certificat de baptême avec une mention confirmant son apostasie : "A quitté l'Eglise catholique par un acte formel."

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Informaticien - la majorité des apostats ont une formation supérieure - , João Pedro avait tout pour être un croyant accompli : il a fréquenté une école catholique et fait sa première communion et sa confirmation. Les doutes ont commencé à l'âge de 12 ans. Dévoreur de livres de vulgarisation scientifique, il avait du mal à voir derrière ces théories une entité divine. Avec le temps et les mathématiques, le doute est devenu une certitude : "Dieu n'existe pas." João Pedro n'entre plus à l'église et se dit exaspéré par "le pouvoir de l'Eglise sur l'Etat... laïc". Il a découvert les règles de débaptisation sur la page Facebook du groupe "Apostasie : comment abandonner formellement l'Eglise catholique". La page a moins de un an et compte environ 3 000 membres, dont près d'une centaine devenus apostats ou sur le point de le devenir.

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La Conférence épiscopale portugaise (CEP) se refuse à confirmer ou à démentir l'existence de cas d'apostasie. "Nous n'avons pas de statistiques. Si cela existe, c'est un phénomène marginal. Cela peut sans doute en partie se produire du fait de sectes qui incitent les catholiques à les rejoindre. Chacun est libre de suivre le chemin qu'il souhaite, même si parfois les méthodes utilisées ne respectent pas la liberté des personnes concernées", estime le père Manuel Barbosa, directeur du secrétariat général de la CEP.

C'est l'universitaire Rui Correia Gonçalves qui est à l'origine du groupe de Facebook. "Je me suis rendu compte que peu de gens avaient connaissance de la possibilité de quitter formellement l'Eglise Catholique", raconte-t-il. Lui qui enseigne le droit de l'Union européenne à Londres ne se reconnaît plus dans l'idéologie catholique depuis longtemps. Cela fait maintenant un an qu'il n'est plus officiellement lié à celle-ci. Sa passion pour l'histoire l'avait amené à étudier les origines de l'Eglise et son rôle jusqu'à aujourd'hui, et ce qu'il avait découvert l'en avait éloigné pour de bon : "L'Inquisition, le silence du Vatican sur l'Holocauste, le traitement discriminatoire à l'égard des femmes, le mépris envers les homosexuels, etc."

Sur Facebook, il y a presque tous les jours une annonce de rupture. "Je suis l'excommuniée la plus heureuse du monde", a ainsi posté E.C., une ingénieure lisboète, athée dans une famille pratiquante. "Je n'ai pas demandé à être baptisée. Je pense être une personne rationnelle et éthique, ce qui est incompatible avec une quelconque religion. En outre, l'Eglise fonctionne comme une entreprise - faisant des bénéfices sur la base du nombre de croyants - et le mieux est donc qu'elle n'en tire pas profit", a-t-elle confié à notre journal.

En dehors de Facebook, on trouve facilement d'autres apostats, à l'image de Paulo Conde. Cet employé de bureau a souhaité rendre public son choix en publiant un message dans plusieurs journaux. "J'ai décidé de faire connaître mon acte pour aider tous ceux qui veulent ne plus figurer dans les statistiques en tant que catholiques", pouvait-on y lire. Paulo demeure pourtant dans une situation étrange : il est toujours marié religieusement.