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© inconnuCette vue d'artiste illustre une planète de la taille de Jupiter, qui erre seule, sans étoile, dans l'espace
© NASA/JPL-Caltech
Des astronomes ont découvert 10 nouvelles planètes de la taille de Jupiter flottant au beau milieu de l'espace interstellaire, loin de la lumière de toute étoile parente.

La découverte a été faite par une équipe de chercheurs internationaux financée par l'Union européenne, qui effectuait des observations de la galaxie de la Voie lactée par la technique dite des "micro-lentilles".

Dans un article publié dans la revue Nature, l'équipe suggère que ces planètes orphelines auraient été éjectées de systèmes planétaires en formation. Si les scientifiques ont toujours soupçonné l'existence de planètes vagabondes, jamais jusqu'ici elles n'avaient pu être repérées vu la distance qui les sépare de la Terre (entre 10 000 et 20 000 années lumière en direction du bulbe de la Voie lactée).

Cette découverte implique que, rien que dans la galaxie de la Voie lactée, il pourrait y avoir des milliards d'autres planètes vagabondes, semblables à Jupiter ; l'équipe estime ainsi que ces planètes pourraient être deux fois plus nombreuses que les étoiles, ce qui les rendrait aussi communes que les planètes orbitant autour des étoiles.

"Notre étude s'apparente à un recensement de population", explique David Bennett, l'un des auteurs de l'étude de l'Université Notre Dame aux États-Unis. "Nous avons étudié un échantillon de galaxie et à partir des données ainsi recueillies, nous avons pu estimer le nombre de ces planètes peuplant la galaxie."

Après coup, les scientifiques ont pu observer ces planètes vagabondes en pratique grâce à la méthode des "micro-lentilles gravitationnelles", par laquelle un objet vient dévier la lumière d'une étoile plus lointaine. Selon la théorie de la relativité d'Albert Einstein, en effet, lorsque des objets de grande taille passent en avant-plan d'une étoile distante, ces objets peuvent jouer un rôle de lentilles en déviant et en magnifiant la lumière de l'étoile, de sorte que celle-ci paraisse plus brillante et devienne dès lors visible aux astronomes sur Terre.

Pendant deux ans, l'équipe a analysé la région située au centre de la Voie lactée, que l'on appelle le "bulbe galactique", et recueilli des données à l'aide du télescope MOA (Microlensing Observations in Astrophysics). Mesurant 1,8 mètre de diamètre, ce télescope installé en Nouvelle-Zélande a balayé toutes les heures les étoiles situées au centre de notre galaxie, afin de repérer des événements par effet de micro-lentille gravitationnelle. Sans ce télescope de microfocalisation, l'étude eût été impossible, étant donné que cette partie de l'espace n'est visible que par l'application de cette technique.

Bien que des observations menées par le passé avaient déjà permis de détecter plus de 500 planètes depuis 1995, celles-ci étaient pour la plupart liées à des étoiles hôtes, et les objets flottants étaient en général de masse plus de trois fois supérieure à Jupiter ; les scientifiques pensent que ces gigantesques corps gazeux se forment davantage à la manière des étoiles que des planètes. Appelées "naines brunes", ces boules de gaz qui ressemblent à des étoiles se développent au départ de nuages de gaz et de poussière qui s'effondrent, mais leur masse ne suffit pas pour brûler leur carburant nucléaire et briller de la lumière stellaire.

D'après les scientifiques, certaines planètes seraient éjectées dès le début de la formation de leur système solaire et des turbulences qui l'accompagnent, du fait de rencontres gravitationnelles avec d'autres planètes ou d'autres étoiles. Sans étoile hôte autour de laquelle orbiter, ces planètes se déplaceraient à travers la galaxie à l'instar du Soleil et des autres étoiles, révolutionnant en orbites stables autour du centre de la galaxie.

David Bennett explique comment la découverte de ces dix planètes flottantes de la taille de Jupiter permet d'étayer la théorie de l'éjection : "Si les planètes flottantes se formaient comme les étoiles, nous n'aurions dû en observer qu'une ou deux au cours de notre étude, et non pas 10. Les résultats obtenus tentent à prouver que les systèmes planétaires ont facilement tendance à devenir instables, causant l'expulsion de certaines planètes du site qui les a vu naître."

Cette étude représente la quatrième phase du projet Optical Gravitational Lensing Experiment (OGLE) - l'un des projets de recensement de l'univers les plus ambitieux au monde en cours depuis 1992. OGLE a déjà apporté des contributions dans de nombreux domaines de l'astrophysique moderne, notamment en ce qui concerne la technique des micro-lentilles gravitationnelles, dans la recherche de planètes extrasolaires, en astrophysique stellaire et en ce qui concerne la structure galactique. L'étude OGLE-IV participe également à la recherche de planètes naines de la taille de Pluton au niveau de la ceinture de Kuiper, à la recherche de trous noirs flottants et aux effets de micro-lentilles appliqués aux nuages de Magellan et au disque galactique.
Notes

L'étude, qui rassemble des astronomes venus du Chili, du Japon, de Nouvelle-Zélande, de Pologne, du Royaume-Uni et des États-Unis, était en partie financée par le projet OGLE-IV (« Optical Gravitational Lensing Experiment : New Frontiers in Observational Astronomy »), bénéficiant d'une subvention de recherche de 2,5 millions d'euros octroyée par le Conseil européen de la recherche (CER) dans le domaine thématique «Idées» du septième programme-cadre européen (7e PC).
Référence

Sumi, T., et al. (2011) Unbound or distant planetary mass population detected by gravitational microlensing. Revue Nature DOI : 10.1038/nature1009.
Auteur

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