Poljski premijer Mateusz Morawiecki
Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki
Le plus souvent, les guerres font deux victimes principales : les plans savants des états-majors et l'honnêteté médiatique la plus élémentaire. Voilà qui se vérifie une fois encore avec le conflit ukrainien dont on « fête » le sixième mois. On sait ce qu'il est advenu du raid éclair conceptualisé par les généraux russes. On voit la machine de propagande pro-ukrainienne tenter d'étouffer toute voix plus ou moins discordante.

Il y a ici l'agresseur, Moscou, et l'agressé, Kiev. Mais d'autres belligérants plus discrets, tels les USA, ont-ils tout fait pour que l'affrontement soit évité ? Josep Borrell, vice-président de la Commission européenne, le reconnait, même en termes feutrés :
« Je suis prêt à reconnaître qu'on a fait des erreurs et qu'on a perdu des opportunités. Il aurait fallu se rapprocher de la Russie après la fin de l'empire soviétique. [...] On aurait peut-être pu faire mieux, on a promis des choses qui n'ont pas été mises en pratique, comme celle voulant que la Géorgie et l'Ukraine ne fassent pas partie de l'OTAN, même si cela ne s'est pas réalisé. »
Les guerres présentent l'avantage de clarifier les points de vue et d'obliger les parties en présence à sortir de leur ambiguïté. Bref, d'en revenir aux fondamentaux de la géopolitique, une fois le verbiage de circonstance mis de côté. D'où cette tribune publiée le 16 août 2022 dans Le Monde par Mateusz Morawiecki, Premier ministre polonais, intitulée « La guerre en Ukraine a aussi révélé la vérité sur l'Europe. »

En substance, il reproche à la France et à l'Allemagne de ne pas en faire assez contre la Russie de Vladimir Poutine : « Je lance donc un appel à tous les dirigeants européens afin qu'ils aient le courage de mener une réflexion adaptée à notre époque, écrit le Premier ministre polonais. Nous nous trouvons dans un moment historique. La Russie impériale peut être vaincue - grâce à l'Ukraine et au soutien que nous lui apportons. » Est-à-dire qu'à l'instar de Washington, Varsovie, pour vaincre le Kremlin, serait prête à se battre jusqu'au dernier soldat ukrainien ? Il y a de ça. Est-ce que l'auteur de cette tribune accuserait la France et l'Allemagne de résister, même timidement, aux injonctions américaines ? Là, il y a beaucoup de ça.

De fait, l'explication est peut-être ailleurs, la tribune de Mateusz Morawiecki pour le moins provocatrice ne faisant pas mystère de son opposition à l'axe Paris-Berlin-Moscou - ou de ce qu'il en reste -, lequel a toujours été le cauchemar de la diplomatie européenne. Si la Pologne est à l'évidence une vieille nation européenne, force est de constater que son cœur bat aussi et surtout de l'autre côté de l'Atlantique. La preuve ? Dès qu'il s'agit d'équiper son armée, c'est immanquablement du matériel américain qu'elle achète, tout en relayant immanquablement la doctrine d'une Maison-Blanche n'ayant jamais voulu d'une Europe politiquement puissante.

Nonobstant, cette tribune du Premier ministre polonais a un mérite : celui de nous rappeler que la somme d'intérêts historiquement divergents ne saurait en aucun cas déboucher sur un intérêt commun. Ce qui, depuis les origines de la construction européenne, demeure le vice de forme et de fond de cette construction.

On ne saurait évidemment reprocher à la Pologne sa traditionnelle défiance vis-à-vis de la Russie, ni même son tropisme pro-américain, remontant à l'époque où les USA finançaient à n'en plus pouvoir le mouvement Solidarnosc. L'Oncle Sam a ainsi aidé ce pays à secouer le joug soviétique, alors que la France et l'Allemagne regardaient ailleurs. Mais on ne saurait non plus reprocher aux deux principales nations européennes, même si leur « couple » n'en finit plus de battre de l'aile, de suivre elles aussi leur propre carnet de route, n'en déplaise à nos chers amis polonais.