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Alors que Poutine a fermé le robinet de gaz à l'Occident en riposte aux batteries de sanctions économiques initiées par l'Union européenne, la Russie n'exporte plus que 20 % de son volume de gaz vers l'Europe. Le prix du gaz du Vieux Continent vient d'atteindre un niveau historiquement élevé.

C'est ainsi que les prix de gros de l'électricité pour 2023, en Allemagne et en France, ont battu de nouveaux records à, respectivement, 850 euros et plus de 1.000 euros le mégawattheure (MWh). Pour mémoire, il y a un an, les prix étaient, pour ces deux pays, d'environ 85 euros/MWh.

Par contre, aux États-Unis, le gaz naturel reste bon marché. Les négociants en matières premières réalisent donc des bénéfices colossaux en vendant du gaz américain en Europe.

Dans ce contexte, Hamid Hosseini, le président de l'Union iranienne des exportateurs de pétrole, de gaz et de produits pétrochimiques, déclarait, la semaine dernière à Téhéran, après la signature du protocole d'accord Gazprom-NIOC (National Iranian Oil Company) :
« Maintenant, les Russes sont arrivés à la conclusion que la consommation de gaz dans le monde va augmenter et la tendance à la consommation de GNL a augmenté et eux seuls ne sont pas en mesure de répondre à la demande mondiale, il n'y a donc plus de place pour la concurrence gazière [entre la Russie et l'Iran]. » Et ce dernier d'ajouter : « Le vainqueur de la guerre russo-ukrainienne, ce sont les États-Unis, et ils s'empareront du marché européen, donc si l'Iran et la Russie peuvent réduire l'influence des États-Unis sur les marchés du pétrole, du gaz et des produits en travaillant ensemble, cela profitera aux deux pays. »
C'est ainsi que le protocole d'accord d'un montant de 40 milliards de dollars signé en juillet dernier entre Gazprom et la NIOC permettrait à la Russie et à l'Iran de mettre en œuvre leur plan de longue date visant à être les principaux acteurs d'un futur cartel mondial pour fournisseurs de gaz. En un mot, une « OPEP du gaz ». Fondé sur le modèle de l'actuel Forum des pays exportateurs du Golfe, le Forum des pays exportateurs de gaz (FPEG) ou, en anglais, Gas Exporting Countries Forum (GECF), cette « OPEP du gaz » optimiserait tout à la fois la gestion en commun d'une proportion extraordinaire des réserves mondiales de gaz et le contrôle des prix du gaz dans les années à venir.

De fait, la Russie, numéro 1 mondial avec ses réserves de gaz qui avoisinent 48 milliards de mètres cubes, et l'Iran, numéro 2 mondial avec près de 34 milliards de mètres cubes, disposent de tous les arguments pour y parvenir.

Le protocole d'entente russo-iranien s'articule autour de quatre volets.

► Le premier volet milite pour que le géant du gaz soutenu par l'État russe assiste la NIOC pour qu'elle soit en mesure d'augmenter la production des champs gaziers de Kish et North Pars de plus de 10 millions de mètres cubes de gaz par jour. Il s'agit d'un projet d'un montant de 10 milliards de dollars.

► Le deuxième volet vise, pour Gazprom, à augmenter la pression dans le champ gazier supergéant de South Pars, à la frontière maritime entre l'Iran et le Qatar. Il s'agit là d'un projet de 15 milliards de dollars.

► Un troisième volet tient à l'assistance par Gazprom quant à l'achèvement de divers projets de gaz naturel liquéfié (GNL) et la construction de gazoducs d'exportation de gaz.

► Enfin, le quatrième volet tient à l'examen, par la Russie, de toutes les possibilités d'encourager d'autres grandes puissances gazières du Moyen-Orient à se joindre au déploiement progressif du cartel « OPEP du gaz ».

Dans cette perspective, le Qatar apparaît bel est bien en ligne de mire. Ce dernier pouvant se targuer de sa troisième plus grande réserve de gaz au monde, fort de ses 24 milliards de mètres cubes.

Qu'on y songe : la Russie, l'Iran et le Qatar représentent ensemble la bagatelle de 60 % des réserves mondiales de gaz, et ce sont les trois pays qui ont contribué à la création du Forum des pays exportateurs de gaz (FPEG). Parmi les membres de ce forum, 11 membres contrôlent plus de 71 % des réserves mondiales de gaz, 53 % de ses gazoducs et 57 % de ses exportations de GNL.

Comme le gaz est largement considéré comme le produit optimal dans la transition des combustibles fossiles vers les énergies renouvelables, le contrôle d'une grande partie du flux mondial de ce gaz est ô combien stratégique.

Pour l'heure, les États-Unis font figure de sauveur. Mais à quel prix ? C'est ainsi qu'il y a un an, les exportations de gaz liquide vers l'Europe ne représentaient que 20 % ; elles atteignent désormais 60 %. Les négociants et les entreprises énergétiques réalisent jusqu'à 200 millions de dollars de bénéfices par livraison de gaz naturel américain en Europe.

On l'aura compris, la guerre du gaz ne fait que commencer...