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La situation est grave. Assez en tout cas pour que les jour­naux chinois soient autorisés à en parler. Vous lirez donc dans notre dossier un article assez étonnant, publié par le très sé­rieux Guoji Xianqu Daobao, un journal qui dépend de l'agence officielle Xinhua. L'auteur y manie l'ironie et le sarcasme pour critiquer les fonctionnaires du Parti et leur appât immodéré du gain.

Il y aurait péril dans la maison du Parti. Comme le dit le journaliste, la "limite inférieure" a été atteinte, et même dépassée. Les Chinois n'ont donc plus de morale. Le vieux fond confucéen, que certains veulent remettre au goût du jour, ne suffit plus. Et la discipline maoïste est oubliée depuis longtemps. Restent donc le chacun pour soi et la corruption à tous les étages. Bah, la corruption ! Mais elle existe partout, pensez-vous... Erreur. Car en Chine, cette prévarication généralisée a toutes sortes de conséquences sur l'ensemble de l'édifice social.

Qui dit passe-droit et pot-de-vin dit aussi injustices, absence d'Etat de droit, répressions, ­arrestations arbitraires, expropriations brutales, dégra­dations de l'environnement et détérioration des services publics. Ce sont les sept plaies de la Chine, qui peuvent à terme déboucher sur une révolte ou sur une implosion du système. D'où l'inquiétude des autorités, et en particulier du Premier ministre Wen Jiabao.

Dans la géographie politique, cet ingénieur géologue de formation tient une place médiane, plus proche néanmoins des "libéraux" (c'est-à-dire des réformateurs) que de la "gauche" (c'est-à-dire des conservateurs). Avant de céder la place, dans un an, à Li Keqiang, un apparatchik plus traditionnel, Wen Jiabao tente depuis quelques mois de faire bouger les lignes. Sans grand succès d'ailleurs. C'est lui sans doute qui laisse les réformateurs publier ces articles surprenants dans "Le Quotidien du peuple" qui appellent les hauts fonctionnaires à plus de moralité. "L'homme de bien sait ce qu'il doit faire et ce qu'il ne doit pas faire", rappelle notre journaliste sur un mode confucéen. Mais où est l'homme de bien aujourd'hui ?