peinde de 2 pères gaza 2024
© Ali Hamad APA imagesUn père pleure son fils, tué lors d’une frappe aérienne israélienne à Deir al-Balah le 5 janvier.
Kamel

Kamel travaillait comme technicien de laboratoire à l'hôpital européen de Gaza à Khan Younis. Père de famille apprécié de ses collègues, il souhaitait si désespérément un garçon que ses amis l'appelaient Abu Bilal bien avant qu'il n'ait d'enfants.

Il a fallu cinq filles et 12 années de patience avant de voir enfin naître son Bilal.

Kamel, un collègue de ma mère avant qu'elle ne soit transférée dans un autre hôpital, était très heureux et joyeux. Ma mère a décrit Kamel comme la personne la plus paisible qu'elle ait jamais rencontrée. Ils ne s'étaient pas vus depuis 17 ans, jusqu'à ce que ma mère le rencontre par hasard à l'hôpital al-Helal al-Emirati de Rafah, la ville la plus méridionale de Gaza.

Elle a eu du mal à le reconnaître. Alors qu'elle avait connu un homme avenant, au visage et au corps ronds, elle ne voyait plus que l'ombre de l'homme qu'elle avait connu. Les brûlures avaient défiguré son visage, emporté ses sourcils, ses cils et laissé son cou et sa gorge profondément marqués. Il était maigre comme un clou, pâle et fragile, tourmenté par la perte d'un être cher.

Une frappe aérienne israélienne a touché sa maison. Sa fille aînée a été tuée. Bilal a été tué.

Kamel était lui-même donné pour mort lorsque les secouristes l'ont trouvé. Ils ont même enveloppé son corps dans du papier d'aluminium et l'ont déposé parmi les cadavres. Il a montré à ma mère les photos de son fils et de sa fille sur son téléphone. Des larmes coulaient sur ses joues creuses.
Il a murmuré : « J'aurais préféré mourir ».
Kamel est désormais sans abri. Il séjourne à l'hôpital émirati, le seul endroit qui lui reste.

Ashraf

Ashraf travaillait dans un pressoir à olives à Rafah. Chaque année, la saison des olives commence à Gaza en octobre. Même l'année dernière, malgré les circonstances, des gens ont risqué leur vie pour récolter les olives et les amener au pressoir pour produire de l'huile.

Pour certains, l'huile d'olive est l'unique source de revenus.

Ashraf travaillait au pressoir tandis que son fils unique Ahmad allait chercher du bois pour que sa grand-mère puisse préparer le déjeuner. Israël a interdit le gaz domestique à Gaza et sa rareté est devenue un problème récurrent. Les gens brûlent tout ce qu'ils trouvent pour préparer à manger.

On peut à peine marcher sur la route sans suffoquer à cause de la fumée qui s'échappe de partout : des maisons, des tentes, voire des rues elles-mêmes. Les arbres de notre parc local sont presque morts, car les gens manquent cruellement de bois de chauffage.

La bombe a frappé sur la maison proche du pressoir à olives. C'était en plein jour. Des dizaines de personnes faisaient la queue pour presser leur récolte. Douze personnes ont été tuées et plus de 60 blessées. Ahmad fait partie des morts.

Le pressoir d'Ashraf - pour les Palestiniens, les olives sont traditionnellement un symbole de résilience face aux épreuves - est devenu à son tour le témoin d'un bombardement insensé qui a coûté la vie à son fils unique.

Voilà ce que signifie le génocide israélien. Parents et enfants sont tous détruits par les bombardements aveugles. Ceux qui survivent n'y trouvent aucun réconfort. L'espoir a disparu. Deux pères ont vu leurs espoirs brisés, leurs enfants assassinés, leur foi mise à l'épreuve. Aucune guérison possible. Seule la mort compte.

Et en toile de fond, les dirigeants du monde entier pontifient sur le droit international. Mais la machine à tuer d'Israël continue de frapper.

Sahar Qeshta - Écrivaine résidant à Gaza

Article original en anglais: Electronicintifada.net,18 janvier 2024