La 100e édition du Festival de Bayreuth, consacré à l'œuvre de Richard Wagner, s'est ouverte lundi dans la ville natale du compositeur allemand avec l'interprétation par le jeune chef baroque Thomas Hengelbrock de l'opéra Tannhäuser.

Mais c'est un autre chef sur qui les yeux sont braqués cette année : à la tête de l'Orchestre de chambre d'Israël (OCI), Roberto Paternostro dirigera mardi à la mi-journée le poème symphonique Siegfried-Idyll.
Image
Paternostro et son orchestre en répétition à Bayreuth. Crédit : AFP PHOTO / FREDERIC HAPPE

Ce sera alors la première fois qu'un orchestre israélien jouera du Wagner en Allemagne. Depuis sa fondation, en 1948, Israël a observé une interdiction officieuse de la musique de Wagner à cause de son utilisation dans la propagande nazie avant et pendant la seconde guerre mondiale. Lui-même était un antisémite notoire et la famille Wagner entretenait aussi des relations étroites avec les nazis et leur idéologie.

L'œuvre du compositeur reste taboue pour les Israéliens - elle n'est pas diffusée à la radio et encore moins programmée lors des concerts - même si en juillet 2001, le chef d'orchestre argentino-israélien Daniel Barenboïm avait joué un extrait de Tristan et Isolde, avec l'Orchestre philharmonique de Berlin, à Jérusalem. "Mon père et moi étions dans la salle, a raconté à l'AFP Dan Erdmann, 27 ans et premier clarinettiste de l'OCI. [Barenboïm] a dit que ceux qui souhaitaient ne pas l'entendre pouvaient sortir. Il y a eu environ 30 à 40 personnes qui sont parties, parfois en criant, en jurant ou en claquant la porte. Mais, à la fin, ceux qui sont restés ont fait une ovation debout."

Dix ans plus tard, la polémique reste vive en Israël. Le ministre de la culture a même dû intervenir pour que les subventions à l'Orchestre de chambre ne soient pas supprimées. Katharina Wagner, arrière-petite-fille du compositeur et codirectrice du festival, a encouragé l'initiative : "Nous sommes pleins de respect devant la décision courageuse que les musiciens ont prise", a-t-elle indiqué, reprise par La Croix. Paternostro, dont la mère a survécu à la Shoah, rappelle quant à lui dans le Yedioth Ahronoth qu'il fait "de la musique, pas de la politique" et explique avoir consulté l'ensemble de ses musiciens, lesquels ont tous accepté (sauf un) de jouer Wagner.

Le concert doit débuter par l'hymne national d'Israël, Hatikva, et inclura aussi des œuvres de compositeurs interdits sous le IIIe Reich, dont Gustav Mahler et Felix Mendelssohn. Haaretz explique que l'OCI s'est abstenu de jouer Siegfried-Idyll en Israël et n'a commencé à répéter qu'après son arrivée en Allemagne, dimanche.