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Que diable peut-on bien raconter aux lemmings, pour que ces petits animaux courent en masse se suicider en sautant des falaises dans la mer glacée ? On l'ignore, d'autant plus qu'il semble bien que ce ne soit qu'une légende scandinave.

Une légende absurde... Mais dites-moi : qu'a t-on bien pu raconter aux Français, pour que 80% d'entre eux aillent voter au premier tour de cette Présidentielle, permettant à Sarkozy de les féliciter pour « leur attachement à la démocratie » ?

On leur a raconté que Melenchon allait faire 20% et ils l'ont rêvé au deuxième tour, puis à l'Élysée. Ils se sont réunis à 100 000 pour pousser en choeur Marseillaise et Internationale et rêver de lendemain qui chantent. Finalement on l'a tenu à 12% , ce qui était plus prudent, mais ce faisant on a engrangé tous ces votes pour plébisciter une manière perverse de gouverner.

"Push" sur le FdG, "Pull" sur le FN. Côté LePen, au contraire, on a coté à la baisse. On a dit que le FN aurait moins de votes que le Front de Gauche... On a incité à voter les vrais croyants du FN, qui savent se compter et ont été vexés qu'on les croit en perte de vitesse... On a encouragé aussi à voter pour le FN ceux qui en ont peur, mais y voient la meilleure protestation. Pourquoi pas, puisque c'était vraiment sans risque... On a annoncé aussi bas que 13 %... les résultats sont sortis à 20% On a corrigé à 18 % in extremis... il faudrait nous expliquer comment on a compilé tout ça...

Un peu vicieux, tout ça, mais bon, au fond, quelle importance... L'important, c'est que 80% des Français ont voté et ne sont donc pas sortis de la bulle de crédulité où la démocratie libérale vit sous respiration assistée.. Maintenant, on croit fermement qu'ils vont se précipiter le 6 mai pour voter encore...

Ce qui serait bien bête, car ce serait un blanc-seing pour faire les bêtises que l'on va faire. On les fera ces bêtises, à gauche ou à droite. Il est clair que la politique de la France ne changera pas et que la situation ne pourra donc évoluer que pour le pire. Ca ira de mal en pis de toute façon.

Parce que si le 6 mai entérine une victoire de Hollande, ce choix déclenchera la riposte des milieux bancaires dont « The Economist » a déjà prévenu les Français et pour laquelle les mécanismes sont déjà en place depuis la semaine dernière pour détruire la crédibilité financière de la France. Le marasme social suivra, car on cherchera des boucs émissaires

Si, au contraire, on se ravise en dernière heure et que l'on reconduit Sarkozy, la crise continuera simplement dans la continuité. Le même favoritisme, la même corruption, la même morgue que maintenant. On arrivera à une même désintégration sociale et à une même faillite économique.

Les Français ne devraient pas voter le 6 mai

Si le résultat est le même et qu'il est vraiment trop tard pour infléchir le cours des événements, qu'importe que les Français votent ou non au deuxième tour ? C'est que le cours des événements ne peut être changé dans la dynamique actuelle de la gouvernance libérale, mais peut l'être si l'on accepte une rupture.

La situation peut être changée si : 1) l'on rapatrie la politique monétaire en dénonçant la main mise de la BCE ; 2) si l'on accepte de régler le problème de la dette en l'imputant aux entités économiques au prorata de leurs actifs nets ; 3) si l'on nationalise les institutions financières et qu'on met en place une politique de crédit... et que 4) on accepte un régime de revenu-travail garanti.

Mais ces gestes sont RÉVOLUTIONNAIRES. Ils signifient une redistribution au moins minimale de la richesse et ils ne peuvent être posés que par une population en rupture avec sa gouvernance. Posés par peuple qui fait le choix de la désobéissance civile, pleinement conscient d'une probabilité d'anarchie à laquelle un gouvernement fort d'union nationale devra mettre fin avant que ne puisse renaître une nouvelle démocratie.

Or, si les Français votent massivement le 6 mai, qu'ils aient choisi l'un ou l'autre des candidats, cette rupture avec sa gouvernance deviendra bien plus difficile. On rappellera alors aux lemmings qu'ils ont choisi démocratiquement leur destin et qu'ils n'ont à s'en plaindre qu'à eux-mêmes.

Un soutien massif réitéré à ce que Sarkozy appelait aujourd'hui encore la « démocratie » serait une reddition. Il n'est pas trop tard pour l'éviter.

Il suffirait que s'abstiennent au second tour les partisans de Melenchon, que l'on dit « communistes », maintenant qu'ils ont voté et qu'on les veut au second tour par fidélité à une gauche dont ils sont hélas les seuls éléments sincères.

Il suffirait que s'abstiennent les partisans du FN, qu'on courtise maintenant en ne les disant plus « fascistes extrême droite », mais « les oubliés, les pauvres et les déshérités... ».

Que s'abstiennent les partisans de Bayrou, dont ni le PS de Hollande, ni l'UMP de Sarkozy n'ont la moindre intention de satisfaire les attentes.

Si ceux-la qui n'ont PAS voté pour Hollande ou Sarkozy prennent conscience de l'irréductible contradiction entre ce pour quoi ils ont voté au premier tour et ce que veulent leur offrir l'un ou l'autre des candidats au deuxième tour, ils comprendront que la réponse du Système à leur demande est NON.

Ils comprendront qu'ils ne devraient pas apporter la caution de leurs suffrages à une politique qui a ruiné le pays et divisé la nation. Ils choisiront de s'abstenir le 6 mai et de garder leurs coudées franches pour participer sans compromission à tout ce que la situation pourra exiger.

Et les lemmings réfléchiront...