La rhétorique anti-américaine bat son plein en Russie depuis le retour au pouvoir de Poutine.

Vladimir Poutine
© Sergei Karpukhin-ReutersAu Kremlin, la défiance à l'égard du président sortant est de mise, mais sa victoire reste préférable à celle de Mitt Romney.
Si, aux yeux de Mitt Romney, la Russie représente l'ennemi numéro un, on a parfois l'impression à Moscou que la réciproque est vraie. La rhétorique anti-américaine digne de la guerre froide, très présente lors de la campagne présidentielle de Vladimir Poutine, n'a fait que redoubler ces dernières semaines. Lundi, lors d'une audition organisée à la Douma, le même jour que celui du débat entre les deux candidats, les représentants russes ont tiré à boulets rouges sur les États-Unis, leur reprochant, comme souvent, leur « volonté d'ingérence ».

Les autorités russes « doivent se défendre contre les politiques menées par les États-Unis visant à utiliser le concept de droit comme un instrument de pression et comme une base pour une intervention dans les affaires internes des pays souverains », a déclaré le conseiller pour les droits de l'homme au ministère des Affaires étrangères, Konstantin Dolgov. Moscou soupçonne Washington de vouloir tout à la fois régenter les affaires du Proche et du Moyen-Orient et d'exporter en Russie les « révolutions de couleur » qui ont déjà balayé la Géorgie et l'Ukraine. Signe le plus tangible de cette méfiance tenace, le Kremlin a ordonné la fermeture, début octobre, du bureau russe de l'Agence américaine pour le développement international (Usaid), sous prétexte que celle-ci «tente d'influer sur le processus politique, y compris sur les diverses élections, via la distribution de subventions».

Le « redémarrage » de la relation russo-américaine, claironné par Barack Obama lors de son arrivée à la Maison-Blanche et qui s'était traduit par un accord de désarmement mutuel en 2010, est aujourd'hui « terminé » pour Moscou. «Nous n'avons aucune compréhension commune avec les Américains concernant la stratégie de développement de notre relation», constate Viktor Kremeniuk, directeur adjoint du Centre des États-Unis et du Canada. À la fureur des autorités russes, le Congrès américain envisage de sanctionner les fonctionnaires liés au décès en prison, en 2009, de l'avocat anti-corruption, Sergueï Magnitski.

Romney, le repoussoir

Parallèlement, ce même Congrès n'a toujours pas abrogé un amendement de 1974 - encore en vigueur - et qui instaurait des représailles commerciales à l'encontre de l'URSS, coupable de restreindre l'émigration des juifs soviétiques. Surtout, le Kremlin voit dans le projet d'Obama de déploiement d'un bouclier antimissile en Europe orientale, destiné à contrer une menace iranienne, la même menace que celle que faisaient peser, naguère, les plans de l'administration Bush. Barack Obama a promis au Kremlin que sa politique de défense sera « assouplie » une fois élu.

Si la défiance à l'égard du président sortant est de mise, sa victoire reste néanmoins préférable à celle de Mitt Romney, ce Républicain qui voit en Poutine un homme obsédé par son « maintien au pouvoir » et dans la Russie, « une force déstabilisante sur la scène mondiale ». Romney président, ceci constituerait une « régression colossale », estime le président du Comité des relations extérieures à la Douma, Alexeï Pouchkov.