La guerre contre le Hamas à Gaza tor­pille les espoirs élec­toraux de tous les adver­saires du Premier ministre actuel Benyamin Néta­nyahou, affirme Ha'Aretz. Les légis­la­tives israé­liennes sont prévues le 22 janvier 2013.

[Le chef de la branche armée du Hamas tué le 14 novembre lors d'un raid israélien] Ahmed Al-​​Jaabari jouait un rôle de sous-​​traitant ; c'était lui qui était chargé d'assurer la sécurité d'Israël à Gaza. Une notion qui peut paraître absurde alors que, depuis quelques heures, on nous le dépeint comme un « maître ter­ro­riste », le « chef d'état-major de la terreur » ou « notre Ben Laden ». Pourtant, il en a bel et bien été ainsi depuis cinq ans et demi. Israël exi­geait du Hamas qu'il res­pecte la trêve au Sud et qu'il l'impose à la mosaïque de mou­ve­ments armés pré­sents dans la bande de Gaza. Et l'homme res­pon­sable de cette poli­tique n'était autre qu'Ahmed Al-​​Jaabari.

En échange de ce calme tou­jours fragile, Israël finançait le régime du Hamas. Ses camions blindés appor­taient leur flot de shekels [la monnaie israé­lienne] aux banques de Gaza, tandis que l'Etat hébreu conti­nuait de fournir des infra­struc­tures et des moyens médicaux à la population.

Jabaari avait également été un par­te­naire d'Israël dans les négo­cia­tions pour la libé­ration de Gilad Shalit. C'était lui qui avait garanti le bien-​​être du soldat pri­sonnier et sa sécurité, et qui avait veillé à ce qu'il rentre chez lui à l'automne 2011.

Aujourd'hui, Israël affirme que son sous-​​traitant n'a pas rempli sa part du contrat et qu'il n'a pas assuré le calme promis à la fron­tière Sud. On ne cesse main­tenant de lui reprocher le fait que le Hamas n'est pas parvenu à contrôler les autres mou­ve­ments, alors qu'une escalade n'est pas dans son intérêt.

Tu as échoué, tu es mort !

Jaabari ayant été offi­ciel­lement mis en garde (dans Ha'Aretz, [les deux reporters] Amos Harel et Avi Issa­charoff ont signalé la semaine der­nière que la cam­pagne d'assassinats de diri­geants du Hamas ris­quait de reprendre), il a été exécuté le 14 novembre, action qu'Israël s'est empressé de reven­diquer. Le message est aussi simple que limpide : tu as échoué, tu es mort. Ou, comme aime à le dire le ministre de la Défense Ehoud Barak : « Au Moyen-​​Orient, les faibles n'ont pas droit à une seconde chance. »

L'assassinat de Jaabari entrera dans l'Histoire comme une opé­ration mili­taire tape-à-l'œil de plus déclenchée par un gou­ver­nement sortant à la veille d'une échéance élec­torale. Le conflit exté­rieur permet à un gou­ver­nement de se conso­lider sur le plan inté­rieur parce que l'opinion publique se ras­semble der­rière l'armée, alors que les pro­blèmes sociaux et écono­miques se trouvent rejetés à l'arrière-plan.

Une recette que l'on connaît depuis 1955, quand [le fon­dateur de l'Etat d'israël] David Ben Gourion, rentré de sa retraite dans le kib­boutz de Sde Boker, avait lancé les forces israé­liennes dans une action de repré­sailles à Gaza, ce qui avait valu au Mapaï, son parti, de rem­porter les élections.

Depuis, chaque fois que le parti au pouvoir se sent menacé dans l'isoloir, il pose son doigt sur la détente. Les exemples nous sont fami­liers : le lan­cement du missile Shavit 2 en 1961, en pleine affaire Lavon [les ser­vices israé­liens avaient organisé des attentats antioc­ci­dentaux en Egypte afin de dis­cré­diter le régime de Nasser] ; le bom­bar­dement du réacteur irakien Osirak en 1981 ; l'opération « Raisins de la colère » au Liban en 1996, et l'opération « Plomb durci » à Gaza avant les élec­tions de 2009. Dans ces deux der­niers cas, les opé­ra­tions mili­taires ont abouti à une défaite électorale.

Torpiller Ehoud Olmert

L'opération actuel­lement en cours, dite Colonne de nuée [ou Pilier de défense], appar­tient à cette caté­gorie. Le Premier ministre Benyamin Néta­nyahou espère neu­tra­liser tous ses rivaux poten­tiels, et le ministre de la Défense Ehoud Barak se bat pour récolter assez de voix afin de revenir à la Knesset.

Cette offensive contre le Hamas a tor­pillé les espoirs élec­toraux d'Ehoud Olmert l'indécis [l'ex-Premier-ministre cen­triste, 2006-​​2009], dont les fidèles atten­daient qu'il annonce sa can­di­dature le soir du 14 novembre en bran­dissant un pro­gramme axé sur la « question sociale et économique ».

Quand tonne le canon, on ne voit plus que Néta­nyahou et Barak sur nos écrans, et tous les autres poli­ti­ciens ne peuvent que les applaudir. Le 22 janvier [date prévue des élec­tions légis­la­tives en Israël], le résultat poli­tique de l'opération sera évident. En revanche, ses consé­quences stra­té­giques sont plus com­plexes : Israël va devoir se trouver un nouveau sous-​​traitant à la place d'Ahmed Jaabari pour sur­veiller la fron­tière Sud.