Syria opposition
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Avant même leur tout dernier manifeste, les insurgés radicaux faisaient déjà entendre leur différence au sein de l'opposition. Et à présent l'ASL, si elle existe encore un peu, à un nouvel ennemi à affronter, après l'armée syrienne et les Kurdes...

À peine reconnue par ses sponsors golfistes et français, la Coalition dite nationale de l'opposition, qui regroupe essentiellement la vieille équipe du CNS associée à deux ou trois têtes nouvelles, voit s'ouvrir devant elle un nouveau front politico-militaire, en plus du gouvernement et de l'armée syriens : dans une déclaration vidéo diffusée ce lundi 19 novembre, pas moins de 14 groupes d'inspiration islamiste radicale, animant des bandes armées sur le terrain, annoncent leur rejet du programme et des hommes de l'opposition encadrée par le Golfe et l'Occident. Parmi ces organisations, représentées sur la vidéo par une trentaine d'hommes en treillis alignés devant le drapeau noir du djihadisme international à la al-Qaïda, figurent les désormais fameux Front al-Nosra, poseur de voitures piégées, et brigade al-Tawhid, en pointe dans les combats, notamment à Damas et Alep.

Le coran salafiste comme seule et unique projet constitutionnel

Et voici la déclaration - de guerre à la Coalition, au CNS et sans doute à l'ASL « officielle » - lue par un militant barbu :
« Nous, les factions combattantes sur le terrain de la ville d'Alep et de sa province, annonçons notre rejet du complot que représente ce qu'on appelle la Coalition nationale et nous sommes mis d'accord à l'unanimité sur l'instauration d'un État islamique juste ». En conséquence, ce front du refus rejette « tous les plans extérieurs, que ce soient les coalitions ou les conseils (référence au CNS) qui nous sont imposés d'où qu'ils viennent » .
Et le « speaker » de brandir le Coran, en le présentant comme la seule constitution valable pour la Syrie.

Le cri de « Allah akbar ! » conclut cette « conférence de presse » qui officialise tout ce que nous disions - et que certains médias « pros » suggéraient plus timidement :

-1 : la Coalition aujourd'hui, comme le CNS hier, est une structure sans influence réelle en Syrie, et sans autorité sur les bandes armées.

-2 : c'est le radicalisme islamiste qui donne le « la » politique et activiste sur le terrain : même minoritaires numériquement - ce qui reste à démontrer - ces groupes, salafistes, djihadistes ont l'ascendant sur les groupes plus modérés, ces derniers n'obéissant pas d'ailleurs à l'état-major de l'ASL. Dans un contexte de lutte sanglante, ce sont naturellement les plus radicaux qui s'imposent sur les modérés, si tant est que ces derniers le soient. Et cet ascendant ne peut qu'être conforté par cet apparent processus de regroupement des tendances et bandes les plus dures. Les intervenants de la vidéo parlent pour la région d'Alep, et donc d'Idleb, mais cette zone (frontière) est le principal bastion de l'insurrection.

Certes, les politiciens de la Coalition et du CNS se trouvent « recentrés » de fait par l'affirmation de cette « sécession » islamiste », et peuvent se poser en barrage contre l'extrémisme. Sauf que c'est sur le terrain militaire que tout se passe, et là le binôme CNS/Coalition est sans troupes, et donc sans moyens d'action. Pour faire court, il se confirme qu'entre le gouvernement et les radicaux islamistes, il n'y a presque rien en Syrie. Et que vu son rayonnement politique, le futur ambassadeur de la coalition à Paris devrait pouvoir se contenter d'un modeste studio meublé en guise d'ambassade...

Le dialogue passe par Téhéran et non Doha

Voilà qui promet de graves complications (supplémentaires) aux pétro-monarques, à Erdogan et aux Occidentaux, Hollande/Fabius en tête. Ces deux derniers, en pleine surenchère atlantiste, s'agitent pour armer la rébellion, et convaincre leurs partenaires européens de les suivre sur ce terrain. Vu ce qui est en train de se passer, vu les réticences déjà connues des Américains à cet égard, c'est mal parti, les missiles sol-air made in France ayant toutes les chances de tomber entre des mains « barbues ». Quant au gouvernement turc, il risque d'avoir à gérer à sa porte, en plus des incidents de frontière, la constitution - si l'armée syrienne n'y met bon ordre - non pas d'une « zone libérée ASL » mais d'un califat islamiste, à côté d'un front kurde, bref un petit Viet-nam à domicile. Quant au Qatar, déjà « gêné » par le événements de Gaza, il ne saura bientôt plus à qui distribuer ses dollars, les groupes djihadistes n'ayant guère de sympathie contre les monarchies « américano-wahhabites ».

National Dialogue, conference Syria
© InconnuLa conférence du « Dialogue national » syrien, à Téhéran, ce week-end: s’il y a une porte de sortie de crise, la clef est à Téhéran et non à Doha
Bref les semeurs et subventionneurs de chaos en Syrie sont de plus en plus confrontés au monstre radical qu'ils ont, même sans l'avoir toujours voulu, couvé. Tout parti pris politique mis à part, l'opposition (radicale) syrienne est vraiment mal partie, et ni François Hollande ni l'AFP ne peuvent rien pour elle. Et, ce qui est quand même plus grave, la Syrie, au moins sa région nord, est confrontée à une menace radicale. Chaque jour, l'armée arabe syrienne s'emploie à la conjurer. Tandis qu'à Téhéran, les opposants de bonne volonté, au nombre de 200 délégués et réunis dans une conférence de « Dialogue national » , viennent de se prononcer en faveur d'une solution politique à la crise, dans le refus de la violence intérieure et de l'ingérence extérieure. S'il y a à un petit vent d'espoir et d'avenir, c'est de Téhéran qu'il souffle, et non de Doha ou de Paris.

Un tournant, des tournants dans cette longue crise ? Nous le croyons : au soleil de Syrie, les fictions politico-médiatiques finissent par fondre.